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Variétés locales spoliées : Des espèces originelles à ramener et à préserver

La préservation des gènes ne peut se faire sans une protection de la biodiversité sur tout le territoire tunisien. Celle-ci a connu, malheureusement, une grave dégradation au cours des dernières années, au grand dam des écologistes. De plus, peu de moyens ont été mobilisés pour protéger cette biodiversité qui reste très fragile et vulnérable.

La terre tunisienne s’est appauvrie en éléments biologiques au cours des années, et ce, à cause notamment de l’absence des gènes authentiques qui étaient par le passé un point fort de l’agriculture tunisienne. A noter, cependant, que les gènes concernent aussi bien le tissu végétal que la race animale. Des gènes ont été répertoriés, il y a quelque temps, par des spécialistes tunisiens et il s’est avéré qu’une grande partie se trouve dans différents pays, y compris aux Etats-Unis. La question qui se pose avec insistance est comment ces chercheurs venus d’ailleurs ont pu mettre la main sur les gènes tunisiens de grande valeur sans que personne ne puisse les empêcher. En l’absence des gènes authentiquement tunisiens, l’Etat a été obligé de recourir aux gènes importés et qui n’ont souvent aucune valeur ajoutée. Et il ne faut pas s’étonner, par conséquent, du fait que certains produits agricoles comme les poivrons, les tomates, les pommes, les poires ont un goût fade.
Il ne faut surtout pas privilégier la productivité et la quantité des fruits et légumes à la qualité. La Tunisie a pu récupérer, au cours de ces dernières années, une partie de ses gènes grâce à des missions dépêchées dans plusieurs pays du monde. Mais d’autres richesses restent encore éparpillées et n’ont pas pu être ramenées. Des agriculteurs tunisiens confirment, d’ailleurs, le fait que plusieurs gènes ont disparu de la scène et risquent de ne plus revenir. La banque de gènes renferme une bonne partie du patrimoine végétal et animal authentique qu’il est possible d’utiliser au cours de la prochaine période. En général, les produits du terroir tant prisés et préférés aussi bien par les consommateurs tunisiens qu’étrangers utilisent des gènes authentiques qui n’ont subi aucune altération par ces organismes génétiques modifiées.

Des procédures complexes
La préservation des gènes ne peut se faire sans une protection de la biodiversité sur tout le territoire tunisien. Celle-ci a connu, malheureusement, une grave dégradation au cours des dernières années, au grand dam des écologistes. De plus, peu de moyens ont été mobilisés pour protéger cette biodiversité qui reste très fragile et vulnérable. Les pouvoirs publics ont essayé de traiter ce dossier d’une façon minutieuse et de récupérer les gènes qui se trouvent hors du pays, mais les résultats peuvent être considérés comme limités dans la mesure où il n’a pas été possible de récupérer tous nos biens naturels. La récupération de ces gènes se fait dans le cadre d’une entente entre le pays demandeur et le pays donneur en se conformant aux procédures et réglementation des pays ciblés. En général, les pays qui renferment les gènes d’origine tunisienne ne trouvent pas d’inconvénient pour livrer ces biens après avoir montré les preuves et les appuis nécessaires.
D’après les chiffres disponibles, la valeur économique des prairies en Tunisie est de 100 millions de dinars contre 6 millions de dinars pour les matières en bois, 3.6 millions de dinars pour les ressources animales destinées à la chasse, 2.904 millions de dinars pour la production végétale, 1.655 millions de dinars pour la production animale destinée à la consommation humaine et 337 millions de dinars pour les produits de la pêche et de l’aquaculture. Une dégradation des ressources biologiques peut avoir des conséquences fâcheuses non seulement sur les quantités produites mais aussi sur la survie des gènes. D’où la nécessité de préserver notre patrimoine génétique qui doit être géré de façon rationnelle pour en tirer profit non seulement pour les générations actuelles mais aussi pour les générations futures.
Le patrimoine génétique tunisien reste menacé par l’agriculture intensive, la pêche anarchique et la chasse incontrôlée. Certaines espèces risquent, en effet, l’extinction si des mesures urgentes ne sont pas prises pour rationaliser la pêche et respecter le repos biologique décrété par l’Etat dans certaines zones dites sensibles et vulnérables. D’ailleurs, certaines espèces de poissons ne sont plus visibles en Tunisie et cela doit nous interpeller pour éviter cette pêche anarchique qui est pratiquée à un niveau d’eau assez bas. Les filets des pêcheurs entraînent tous les éléments biologiques dans leur sillage y compris les petits poissons qui n’auront pas la chance de grandir et de se multiplier.

Un nouveau départ…
Parmi les menaces qui pèsent sur la Tunisie mais aussi sur certains pays de la Méditerranée, ont peut citer la dégradation, la fragmentation et la perte de certains gîtes, la pollution qui gagne du terrain dans plusieurs régions, l’utilisation et la gestion non durable des ressources naturelles, les changements climatiques, l’entrée sur la scène de certaines espèces étrangères à l’environnement tunisien. Plusieurs facteurs sont donc à l’origine de la disparition des gènes tunisiens et cette situation risque de s’aggraver si aucune mesure protectrice n’est prise. Le travail de préservation de notre patrimoine génétique ne doit pas se limiter au ministère concerné ou à l’Etat. Tout l’écosystème, composé de l’administration publique, de la société civile, des agriculteurs et des particuliers, doit être impliqué dans cette opération d’envergure à l’instar de ce qui est fait dans presque tous les pays du monde.
Les gènes tunisiens ne doivent en aucun cas disparaître de l’agriculture ou de la pêche mais se multiplier pour en tirer toujours profit. Si certains chercheurs des pays étrangers ont emporté des gènes tunisiens c’est à cause de leur valeur intrinsèque et de leur qualité qui n’existe nulle part que dans leur pays d’origine. La diversité génétique constitue un point fort à prévaloir. Elle est perceptible dans les îles, les côtes, les forêts et les lacs qui sont répartis dans plusieurs zones en Tunisie. A noter que le ministère des Affaires locales et de l’Environnement vient de publier le 6e rapport sur la diversité biologique, élaboré par la Direction générale de l’environnement et de la qualité de la vie en collaboration avec le Programme des Nations unies pour le développement. Une stratégie nationale et un programme d’action national sur la période 2018-2020 ont été mis en place en vue de sensibiliser les différents intervenants à la nécessité de relever les défis qui se présentent dans le domaine de la biodiversité dans un contexte caractérisé par des changements climatiques.

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