Négligence du traitement médiatique du décès du vétéran des artistes plasticiens tunisiens Hédi Turki mort à 97 ans le 31 mars dernier, tension et chaos au Parlement : le chef du gouvernement Youssef Chahed quitte l’ARP où il devait être auditionné, ouverture sans fracas de la Foire internationale du livre de Tunis, cérémonie en grande pompe de la commémoration de la mort du Président Habib Bourguiba à Monastir, le député Yacine Ayari chez «Wahch Echacha» sur Attessia qui avoue préférer Abir Moussi à Youssef Chahed comme Président de la République et la candidate à la présidentielle Abir Moussi trône sur le plateau de Sameh Meftah sur la chaîne Hannibal TV. Une semaine bien chargée et assez spectaculaire sur les chaînes de télévision qui souffrent d’une nette concurrence avec les réseaux sociaux.
La télévision traditionnelle dont les émissions sont réalisées par des professionnels se nourrit de plus en plus des réseaux sociaux. Jusqu’à une époque très récente, la relation télévision et médias numériques se caractérisait par la méfiance et la défiance. Les présentateurs, animateurs et chroniqueurs préconisaient la vigilance par rapport aux informations et aux images proposées par les internautes sur tel ou tel événement. Bien que les plus âgés restent fidèles à l’écran cathodique installé au salon, la jeune génération penche davantage vers les réseaux sociaux.
Cette nouvelle donne représente une menace certaine pour la télévision traditionnelle, qui, pour éviter de se faire écraser par les médias sociaux, est appelée à transformer son format actuel en développant des partenariats avec des plateformes numériques. Certaines chaînes privées ont déjà créé cette osmose en utilisant des vidéos réalisées par des internautes sur des événements où une équipe de télévision est absente ou en invitant dans des talk-shows des instagrameuses ayant fait le buzz sur un quelconque sujet. Des chroniqueurs sont recrutés dans des talk-shows après leur apparition dans les réseaux sociaux à l’instar de Salem Monsieur. Même les castings de feuilletons se font à partir d’instagram.
La diffusion en direct (live-streaming) sur les réseaux sociaux dépasse de loin les chaînes de télévision classiques et s’étend partout. Il est donc impératif pour ces chaînes de penser à une transition numérique. Aujourd’hui, même les politiciens utilisent de plus en plus Facebook pour communiquer directement avec les gens. Tout indique que les réseaux sociaux joueront un rôle déterminant dans les prochaines élections législatives et présidentielle et serviront de passerelle entre la télévision sous sa forme classique actuelle et le public, notamment un public plus jeune habitué à interagir directement.
Les chaînes de télévision devraient donc mettre les bouchées doubles et prévoir une nouvelle stratégie de développement de leurs programmes si elles veulent passer à un palier supérieur et retenir un public dont le mode de consommation de l’information et du divertissement a totalement changé. Actuellement, nous constatons que les géants de VOD (vidéo à la demande) comme Netflix ou Amazon revoient la façon dont la jeune génération regrade les séries et les feuilletons.
Attendre une semaine pour visionner le prochain épisode est de l’histoire ancienne, puisqu’il est possible, de nos jours, de regarder sans interruption toutes les saisons d’une série. C’est ce qu’on appelle le «Binge-watching». Il est certain que la télévision devra proposer de nouveaux services et composer avec les médias numériques sinon elle sera dépassée et remplacée sans autre forme d’appel.
Hédi Turki maltraité
On ne peut passer sous silence le traitement médiatique fait au grand artiste peintre Hédi Turki, le dernier des dinosaures de l’Ecole de Tunis, disparu à l’âge de 97 ans, le jour de la tenue du Sommet arabe à Tunis. Alors que tout le monde avait les yeux rivés vers ce fameux Sommet qui a réuni de nombreux chefs d’Etat et de rois, Hédi Turki a tiré sa révérence sans qu’aucun hommage ne lui soit rendu. Figure de proue de la culture tunisienne, le peintre a été à l’avant-garde des autres peintres de sa génération en imposant une démarche et une conception nouvelle sur la scène picturale de l’époque qui est la figuration, concept rejeté par la majorité des amateurs d’art.
Le traitement médiatique réservé à cet artiste n’était pas du tout à la hauteur de son talent. L’exemple le plus flagrant est celui d’El Hiwar Etounsi. L’élément VTR présenté dans l’émission «Tounes El Yaoum» était à côté de la plaque. Les œuvres présentées au cours d’un reportage ne sont pas celles de Hédi Turki mais d’un autre peintre, ce qui dénote d’un manque de précision dans le traitement des sujets de la part de l’équipe de Meriem Belkadhi mais aussi de l’absence de culture et de l’ignorance des reporters ainsi que de la présentatrice et des chroniqueurs de l’émission. D’ailleurs, ladite présentatrice n’a pas présenté des excuses et n’est pas revenue sur le sujet pour rectifier le tir. La culture est le dernier souci des médias et ne représente qu’une toute petite goutte dans un océan où surfent les médiocres et les incultes. Sous d’autres cieux, l’information de la mort d’un artiste de la trempe de Hédi Turki passe la première dans l’ordre de priorité des informations fournies par le JT. Chez nous, l’artiste n’a pas de place et n’a aucune visibilité médiatique. On lui préfère les comiques, les déchets poubelles ou les futilités. C’est cela la «culture» qu’on offre aux téléspectateurs pour mieux les abrutir.
Par Neila GHARBI