Les raisons de l’éclatant succès de Kaïs Saïed à l’élection présidentielle du 13 octobre 2019 sont très nombreuses et se rattachent essentiellement aux aspirations du peuple tunisien, toutes catégories confondues, et aux qualités du prétendant à la magistrature suprême.


I- Les aspirations du peuple tunisien : une immense soif de droiture : le peuple tunisien a pensé effectuer une révolution presque unique dans son genre par son côté pacifique et civilisationnel et par ses mots d’ordre : liberté, dignité et emploi.
Depuis les premières élections du 23 octobre 2011 et l’installation du premier gouvernement nahdhaoui conduit par Hamadi Jebali et les tergiversations de la défunte Troïka, ces aspirations populaires se sont trouvées sinon effacées du moins mises à l’écart. Les guerres intestines entre prétendants au pouvoir et les partis politiques dont le nombre s’élevait alors à plus de deux cents, la montée de l’obscurantisme et de l’intégrisme religieux, aspects étrangers à la nature du peuple tunisien dont les spécificités cardinales sont l’ouverture, la tolérance et l’amour de la vie, et enfin les terribles assassinats de Chokri Belaïd, Haj Med Brahmi et Lotfi Naghd, ont fini par désespérer les Tunisiens de presque toute la classe politique.
Les jeux des coulisses, l’encouragement des bandes terroristes par leur envoi en Syrie et autres pays arabo-islamiques frères et la montée en flèche de la contrebande et des contrebandiers qui, sans foi ni loi, ont fini par mettre notre économie à genoux. Se trouvant trahi dans ses aspirations les plus légitimes par une classe politique en mal de patriotisme et d’intégrité, le peuple tunisien a commencé à nourrir une haine à tout ce qui est «politique».
Alors qu’il jouissait du temps de l’ex-président Ben Ali de la sécurité et d’un minimum de «bien-être alimentaire», il s’est trouvé du jour au lendemain accroupi devant les caisses du FMI en train de mendier de quoi vivre et de quoi payer des salaires dans une administration bourrée jusqu’à l’étouffement de «fonctionnaires» et d’«employés» à presque ne rien faire.
Les choses sont telles qu’elles sont, en silence le peuple tunisien ressent une soif immense de la droiture et de l’intégrité. Les jeunes aidant avec Facebook et autres moyens technologiques, le peuple tunisien a trouvé en la personne de Kaïs Saïed son «sauveteur» inouï, sans fanfare, sans bruit mais avec modestie, intégrité et courage.
C’est ce qui explique à notre avis le déferlement populaire jamais enregistré depuis des décennies dans notre pays.
L’article 8 de la Constitution n’énonce-t-il pas que la jeunesse est une force de poids dans l’édification de notre pays et lui reconnaît aussi un rôle fondamental dans le processus de développement économique, social, politique et culturel.
2) Quand la jeunesse s’éveillera…
Les dernières élections législatives et présidentielle se sont manifestées par un «niet» catégorique à presque tous les hommes politiques depuis 2011 jusqu’à aujourd’hui et un rejet systématique de tout un système dont les caractéristiques saillantes sont la corruption, le laisser-aller et le manque d’application de la loi dans son sens le plus large et le favoritisme honteux et malsain.
Les slogans tant criés à la veille du 11 janvier 2011, restés depuis lettre morte, sont en train de resurgir et de se remanifester. Cette jeunesse qui a su bien mener la campagne de Kaïs Saïed doit continuer sa lutte pour une Tunisie meilleure où l’application de la loi doit être une priorité absolue, la lutte contre la corruption son corollaire et la recherche du bien-être de la population tunisienne le leitmotiv de tous et de toutes.
Du haut de cette tribune, je m’adresse à cette jeunesse et à son Président, Kaïs Saïed, et leur dis que jamais il ne faut désespérer et que la lutte contre la corruption, le favoritisme, le terrorisme doit être implacable. Je me permets de paraphraser à leur intention Renan : «La Révolution tunisienne» est un événement si extraordinaire que c’est par elle qu’il faut ouvrir toute série de considérations sur les affaires de notre temps… (Renan : La Monarchie constitutionnelle en France» Revue des deux monde 1er novembre 1869).
Kaïs Saïed a choisi une démarche singulière. Au lieu des promesses pompeuses, vides et mensongères, il a opté pour la voie de la droiture, du bon sens et du courage intellectuel.
Alors que certains partis ont dépensé des milliards dans les dernières élections, il a choisi la voie du peuple. Celle de la simplicité, du dépouillement et de la modestie.
En marchant, en s’attardant dans les cafés avec les gens du peuple, il a réussi à attirer son attention. Avec ses affirmations qu’il ne recevra pas ces indemnités faramineuses que reçoivent nos ex-présidents, qu’il éliminera tous les aspects de la fausse fortune affichée hélas par certains de nos hommes politiques, alors que le peuple souffre de la faim et de la cherté de la vie, Kaïs Saïed a gagné le cœur des Tunisiens.
La voie pour l’égalité de tous devant la loi, pour la dignité de chacun, de tous et de toutes, est une voie très dure, ardue même mais elle n’est pas insurmontable. Il suffit de la bonne volonté, du courage, de la patience. Sans lui jeter des fleurs, notre Président Kaïs Saïed jouit pleinement de ces qualités.
Nous espérons que notre classe politique s’inspirera de son exemple et suivra sa démarche. La Tunisie profonde, celle des affamés, des chômeurs, des victimes d’injustices en tous genres nous interpelle tous.
Loin des querelles bassement politiques des sièges et des pièges, des laisser-aller, pleins les cœurs du vrai patriotisme, il est de temps de lever l’ancre.

Par Me Med Laïd LADEB (*)

(*) Avocat à la Cour de cassation et ancien universitaire

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