Trop de pain sur la planche. Voilà comment l’on pourrait décrire notre situation actuelle, à laquelle l’attente de la formation d’un nouveau gouvernement à la suite des législatives d’octobre 2019, devenue quelque peu stressante, ajoute du flou.
Avec tous ces dossiers complexes, compliqués et urgents qui s’amoncellent devant nous et qui sont autant de problèmes à résoudre et de réformes à conduire, pour que notre pays puisse avancer, son économie en premier, nous sommes réellement dans une situation critique.
Un état inquiétant qui risque de plonger le pays dans le tourbillon infernal du surendettement, processus inexorable qui n’a pour seule issue que la faillite. Un vrai casse-tête que doit affronter le pays et à sa tête le nouveau gouvernement.
Notre pays est, en effet devenu, depuis ces derniers mois obligé de produire des richesses supplémentaires non pour satisfaire ses besoins financiers toujours plus grands et plus pressants, seulement, mais aussi et surtout pour s’acquitter de ses dettes.
Chose qui est, à première vue, très difficile pour ne pas dire impossible, car la croissance de notre économie est bien trop faible pour combler la différence et que bien trop de facteurs, entrant dans le processus de création des richesses, sont totalement absents, dont, et en tête, un projet de société.
Le manque de moyens financiers du pays, qui va en s’aggravant, nous fait par ailleurs et réellement craindre au moins deux autres dangers aussi graves que le premier. Celui de l’incapacité à arrêter le vieillissement et la détérioration des infrastructures et celui de la baisse continue et rapide du niveau général de compétence de la population.
C’est donc un pain, sur la planche, différent de celui qui a constitué le premier pilier du déclenchement du processus révolutionnaire dit de la dignité (17 décembre 2010-23 octobre 2011). Lequel processus ayant été transformé en un autre processus appelé de «transition démocratique».
Mal conduit, surtout en ce qui concerne la justice transitionnelle et la récupération des biens du peuple détournés par la mafia qui était au pouvoir jusqu’au 14 janvier 2011, ledit processus a fait sortir l’Etat de son caractère mafieux pour le livrer en otage, à des «bandes», assoiffées de pouvoir ou d’argent (ou les deux à la fois) et qui se livrent bataille après bataille pour s’imposer à tous.
Première victime de cet état de fait, l’appareil productif du pays. Depuis 2011, les obstacles à la production se sont en effet multipliés et certains ont atteint leur apogée avec l’arrivée au pouvoir de la Troïka et sa principale composante, le parti En Nahdha.
Ce dernier, et pour les raisons connues de tout le monde, a fait et fait encore l’objet d’un rejet de la part de la majorité des composantes de la classe politique et aussi parmi la plupart des intellectuels, même si certaines parmi lesdites composantes se sont trouvées obligées de coopérer avec lui.
Arrêts de travail intempestifs, sit-in, grèves y compris celles dites de zèle, entraves à la production et aussi à l’acheminement des produits vers les divers relais (transformation et écoulement). Le cas de la quasi destruction du secteur des phosphates reste, dans ce volet bien précis, emblématique. Cela sans oublier le secteur de l’enseignement. Autant de facteurs destructifs de la production qui illustrent en partie le conflit déjà cité.
D’où l’incapacité du processus de transition à atteindre son but, tellement le legs de 55 ans de dictature est lourd. Le pain se fait donc rare (dans le double sens de nourriture et de travail) et cette douloureuse réalité est en train de menacer la survie des deux autres piliers de la Révolution qui sont la liberté et la dignité.
Liberté étant souvent réduite à celle dont doivent jouir la conscience, l’expression, et l’organisation, alors que l’on oublie souvent celle dont doit jouir la capacité d’entreprendre. Cette dernière étant restée encore très limitée.
Le sens qu’ont pris les négociations en cours pour la formation d’un nouveau gouvernement ainsi qu’une lecture même primaire des années 2012-2014 nous font donc craindre une reprise du scénario des phénomènes de rejet envers la coalition qui sera conduite par En Nahdha.
D’où la nécessité d’un gouvernement d’union nationale qui serait conduit par une personnalité compétente et indépendante faisant l’unanimité autour d’elle. Surtout lorsque l’on sait que le parti indiqué enregistre, en plus d’une régression patente de popularité, un manque flagrant de compétences.
Par Foued ALLANI