Accueil A la une Industrie pharmaceutique tunisienne et Aleca : L’accès au médicament compromis

Industrie pharmaceutique tunisienne et Aleca : L’accès au médicament compromis

« L’industrie pharmaceutique tunisienne repose sur la fabrication du générique. l’allongement de la durée des brevets européens pourrait affecter le droit d’accès au médicament en Tunisie»

La succession des affaires relatives au secteur de la santé qui n’ont cessé de secouer l’opinion publique, laisse entrevoir un secteur qui agonise. Cette fois-ci, il ne s’agit pas de médicaments ou de dispositifs périmés, d’un manque de médecins publics ou d’affaires d’escroquerie, le sujet est encore plus grave. En écho à des soupçons de corruption, on parle, en effet, de laboratoires anarchiques. La décision du ministère de la Santé de retirer du marché 55 médicaments fait froid dans le dos. Une enquête a été ouverte, l’opinion publique est impatiente de connaître la vérité. Il est vrai que le gouvernement a décidé de lancer les grandes réformes du secteur et un plan de sauvetage, mais qu’en sera-t-il des retombées possibles de l’Aleca sur le secteur de la santé, en l’occurrence sur l’industrie pharmaceutique.

Allongement de la durée des brevets européens, quel risque ?
Tout d’abord, il est à noter que les clauses relatives aux droits de propriété intellectuelle, notamment les brevets des médicaments, seront discutées pour la première fois dans le cadre de l’Aleca au cours du prochain round des négociations qui démarrera le 29 avril. Ce que les professionnels du secteur craignent, c’est la proposition de l’UE d’allonger la durée du brevet de médicament princeps. En effet, selon les réglementations régissant le commerce des médicaments dans les pays membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le commerce des médicaments d’origine est protégé par un droit d’invention (brevet) dont la durée ne dépasse pas 20 ans. En d’autres termes, durant toute cette période, la commercialisation du médicament princeps est l’apanage du laboratoire qui l’a mis au point. Les prix de la première mise sur le marché peuvent être très élevés, voire inaccessibles à la majorité des citoyens. Aux termes de ces 20 ans, le médicament passe dans le domaine public et peut être fabriqué et commercialisé à des prix modiques par des laboratoires dits génériques. « Ce que l’UE propose à la Tunisie c’est l’allongement de la durée du brevet. Ce qui retarde l’accès au médicament », affirme Mme Sarra Masmoudi, présidente de la Chambre nationale de l’Industrie pharmaceutique relevant de l’Utica, dans une déclaration à La Presse.

« Nous savons tous que l’industrie pharmaceutique en Tunisie repose sur la fabrication de médicaments génériques. Et par conséquent, l’allongement de la durée du brevet pourrait affecter le droit d’accès au médicament et donc la santé publique. Nous considérons que cette proposition est inique dans la mesure où la Tunisie ne reçoit pas de contrepartie. De ce fait, nous refusons les dispositions relatives au droit intellectuel spécifique au médicament », conclut Mme Masmoudi.

Appel à la mise en place d’une Agence des médicaments
Mme Masmoudi souligne encore que l’industrie pharmaceutique locale domine le podium des secteurs de pointe et la Tunisie a pu y développer une expertise reconnue à l’échelle mondiale. A cet égard, soucieux de la préservation de la notoriété du secteur, les professionnels du secteur, en l’occurrence la (Cnip), appellent à l’intensification des audits et des inspections, ajoute-t-elle. Et de préciser encore : « Nous considérons qu’il y a beaucoup d’amalgame. L’industrie pharmaceutique tunisienne satisfait plus de 77% du total des besoins du marché interne en médicaments, d’où sa notoriété», affirme Mme Masmoudi qui, à l’occasion, a appelé à la mise en place d’une Agence des médicaments, une structure indépendante et financièrement autonome dont la principale mission sera de garantir l’optimisation de la gouvernance du secteur pharmaceutique en Tunisie.

Marwa SAIDI

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