Livré à lui-même, il y a bien longtemps, le Parc scientifique et technologique de Borj Cédria est, enfin, doté d’un projet de développement censé lui rendre son éclat.
Fallait-il attendre Slim Khalbous, en fin de mission à la tête du ministère de l’Enseignement supérieur, pour l’inaugurer, alors qu’on aurait dû le faire bien avant ? Pourtant, ce temple de la formation et de la recherche-développement ne date pas d’aujourd’hui. Il remonte au début des années 80, où il existait sous son nom d’antan «Centre de Borj Cédria ». Trente-cinq ans déjà, l’on n’en sait plus rien. Tout comme une perle précieuse repêchée des profondeurs océaniques pour être perdue sur les côtes d’un pays sous-développé qui n’a guère peiné à la retrouver.
Pourquoi l’Etat n’est-il pas intervenu ? Et pourquoi un tel projet de développement intégré a-t-il tardé ? Pourtant, il s’annonce de bon augure : construction d’établissements d’enseignement supérieur, complexe sportif, foyer universitaire, extension d’un centre de recherche, en plus d’une assistance technique visant la promotion de l’emploi et l’innovation des activités de recherche-développement. Le tout avec une enveloppe de 95 millions de dinars, financés dans le cadre d’une coopération japonaise, via la Jica-Tunisie. Lors de la cérémonie d’inauguration, M. Khalbous a affirmé que ce projet revêt une importance capitale, de par la complémentarité de ses composantes de formation, de recherche et de valorisation, ainsi que par les thématiques prioritaires à traiter dont les énergies renouvelables, la gestion de l’eau, la biotechnologie végétale et l’environnement. L’accent sera, ainsi, mis sur l’innovation, comme facteur de transformation économique. Donc, une valeur ajoutée à plus d’un titre.
Chercheurs et industriels font bon ménage !
Mais, tout ça a toujours été au centre d’intérêt de la technopole de Borj Cédria (TBC), sans avoir jusque-là porté ses fruits. Sauf qu’un trésor de brevets d’innovation et de vraies boîtes à idées qui risque, s’il n’est jamais exploité à bon escient, de partir en éclats. Qu’en est-il au juste ? Bâtie sur un terrain de 90 hectares, la TBC présente un potentiel académique riche en expérience en matière de formation et de recherche-développement. En 2015, elle comptait quelque 400 chercheurs sur place auxquels se joint, en toute complémentarité, un effectif important d’universitaires, dispensant ensemble une formation professionnalisante assez poussée. Une telle cohabitation dans un espace industriel fait, alors, bon ménage.
L’on y trouve, aussi, trois institutions d’enseignement supérieur offrant une palette de choix en filières de haute technicité : Institut supérieur des sciences et technologies de l’environnement, Ecole nationale des sciences et technologies avancées et Institut supérieur des technologies de l’information et de la communication. Autour d’eux gravitent quatre centres de recherche et développement spécialisés en matière d’énergie, de biotechnologie végétale, d’eau et de matériaux. Thèses ou masters, environ cinq mille étudiants y ont trouvé, à l’époque, leur compte.
Il y a quatre ans, l’Ecopark de Borj Cédria s’est lancé dans des actions de promotion, afin de sensibiliser sur son patrimoine, son potentiel et sur les services divers qu’il propose à ses clients, à ses promoteurs et à ses start-up. Sa stratégie de communication a pris, depuis 2016, une nouvelle forme sous le signe «L’innovation intégrée ». Faute de moyens, la technopôle a du mal à se faire vendre. Son P.D.G. avait, un jour, déclaré aux médias que son budget était si maigre (320 millions de dinars au titre de 2015) qu’il n’arrive pas à gérer son quotidien.
Alors que les projets de recherche initiés ne manquent guère d’idées novatrices porteuses de solutions liées essentiellement à la dépollution, au traitement des eaux usées, aux énergies renouvelables (solaire et éolienne), gestion des réserves hydrauliques, valorisation des déchets et exploitation des matières. Autant de questions mises à l’épreuve des tests et analyses scientifiques qui ont fait l’objet de contrats-programmes à durée déterminée conclus au service du développement durable. Peu à peu, ce mode de partenariat a pris de l’ampleur, en relation avec certaines entreprises publiques (Steg, Etap…), départements ministériels à caractère agricole, industriel, universitaire ou aussi à travers des marchés engagés à grande échelle avec la France, la Suisse, le Maroc, l’Algérie.
Solutions en suspens
Cependant, l’objectif est primordial : faire de ce parc un vivier technologique rayonnant au niveau aussi bien national qu’international. C’est que la pépinière des promoteurs hébergée, la zone industrielle in situ ou celle aménagée à Bouargoub basée à une vingtaine de km de Borj Cédria devraient mieux s’investir dans cette mission. En dépit de ses moyens limités, la TBC est parvenue, bon an mal an, à répondre aux besoins de l’industrie. Banalisés, plusieurs projets de recherche, bien que finalisés, sont hélas restés lettre morte.
Pourquoi ces alternatives technologiques apportées à de vrais problèmes d’actualité n’ont pas été prises au sérieux ? Pourquoi sont-elles toujours en suspens ? Ironie du sort : châteaux d’eau au nord-ouest dont les riverains ne profitent pas, pénurie d’eau potable gisement naturel et forestier sous-exploité. Tout comme au sud tunisien, la création de stations de dessalement des eaux de mer continue à bercer les habitants d’illusions. De même A Séjoumi, où l’assainissement de la sebkha, la décharge de Borj Chakir déjà saturée et les rejets industriels ici et là posent encore problème.
Les autres régions ne sont pas, aussi, du reste : pollution envahissante, désertification, coupures d‘eau à répétition, ressources naturelles qui se font de plus en plus rares, infrastructure routière mal en point, etc. A quand ces propositions de solutions et ces études de recherche-développement telles que formulées par la technopole de Borj Cédria seront traduites dans les faits ? Du reste, le prochain gouvernement, en phase de formation, devrait tout prendre en considération.