Depuis des semaines, l’affaire de l’extension et du réaménagement de l’aéroport international de Tunis-Carthage ne cesse d’alimenter les polémiques et les craintes entre partisans et détracteurs. La première catégorie trouve que cette décision est l’option la plus efficace et la moins coûteuse, alors que la deuxième est contre, vu les hypothèses pessimistes et l’impact négatif qui va être engendré par cette extension prouvant ainsi que le projet ne porte pas l’ambition de Tunis, la métropole du futur.
Le sujet de l’extension de l’aéroport de Tunis-Carthage a été remis à nouveau sur la table de discussion, suite aux déclarations faites par l’ancien ministre du Transport, Hichem Ben Ahmed, qui a annoncé que l’appel d’offres pour l’aménagement et l’extension de l’aéroport sera lancé bientôt. L’ancien ministre a justifié cette décision en déclarant que face à un taux d’accroissement constant et à la hausse de l’effectif des arrivées des touristes, la capacité d’accueil de l’aéroport touche à ses limites. Pour cela, une étude a été faite dont l’objectif principal est d’assurer une capacité d’accueil d’environ 2.5 millions de voyageurs supplémentaires, afin de revoir à la hausse le nombre des passagers de 5.5 millions à 8 millions de passagers par an. L’aéroport s’apprête, également, à faire peau neuve, et ce, à l’issue de ces travaux d’extension. Selon lui, l’aéroport de Tunis-Carthage ne fait plus honneur à la Tunisie, en tant que vitrine d’une destination devant accueillir, régulièrement, des touristes, des investisseurs étrangers, des VIP (diplomates et autres cols blancs…).
Cette annonce n’a pas été sans provoquer des réactions auprès de la société civile qui refuse ce scénario «catastrophe», tant sur le plan sécuritaire que sur le plan économique, mais qui refuse aussi de baisser les bras face à une extension «vouée à l’échec», comme l’a décrite Borhène Dhaouadi, jeune architecte manager en politiques urbaines et président de l’Association Tunisian Smart Cities. Pour Dhaouadi, avant de prendre des décisions fatidiques et évoquer une telle affaire, le ministère du Transport doit en principe avoir une vision multidimensionnelle de la chose urbaine, et est appelé à faire, dans la transparence la plus totale, des études comparatives entre les divers scénarios avant de s’engager dans des investissements lourds de ce type dont les limites sont perceptibles à l’œil nu.
En réponse aux propos de l’ancien ministre du Transport, Dhaouadi précise qu’il fallait s’inquiéter sur le manque à gagner pour le Grand-Tunis, du fait que l’aéroport de la capitale est au centre-ville et que son extension ne peut pas se faire sur 3 ou 4 ans, une période qui sera consommée par la phase des travaux, vu la complexité du projet et de sa réalisation en site occupé.
«On a besoin de 5 ans pour construire une première tranche opérationnelle de 10 millions de passagers, en maintenant l’activité de l’aéroport Tunis-Carthage, avec le strict minimum d’investissement sur les aspects sécuritaires et ceux liés à l’amélioration de la qualité d’accueil des passagers… Et qu’un transfert effectif avec l’arrêt total des activités de Tunis-Carthage ne peut se fait qu’en 2028», affirme-t-il.
Une extension obsolète
Dans une déclaration accordée à La Presse, Dhaouadi précise qu’une modélisation du trafic, réalisée par un bureau d’études international pour le compte de l’Oaca (Office de l’aviation civile et des aéroports) a démontré qu’en 2030, le trafic de l’aéroport de Tunis-Carthage atteindra les 11 millions de passagers, ce qui nous permet de prédire que cette extension sera obsolète en moins de 5 ans en considérant les trois années de travaux.
Le jeune architecte, qui se dit choqué des propos de l’ancien ministre du Transport et ceux de l’actuel ministre par intérim René Trabelsi, ajoute que cette mesure d’extension relève du «bricolage institutionnel» et n’est qu’un «gaspillage de l’argent public».
«Le projet d’extension de l’aéroport de Tunis-Carthage, tel qu’il est présenté, relève du bricolage institutionnel… On constate à ce niveau un problème de vision et d’ambition pour une métropole qui s’appelle Tunis, de donner les moyens à notre compagnie aérienne nationale Tunisair de se projeter dans l’avenir et de soutenir l’économie du pays…», précise-t-il, tout en rappelant que 40 % de la valeur du commerce international est réalisé par le transport aérien et qu’avec l’emplacement actuel de l’aéroport, on ne pourra pas profiter de ce potentiel.
‘’Tunis Aéroport City’’
Dans ce cadre, Dhaouadi propose de construire un nouveau site aéroportuaire intégré labélisé ‘’Green’’, sous la marque ‘’Tunis Aéroport City’’ qui sera le premier smart aéroport en Afrique à 25km au Nord de la capitale. «L’annonce du transfert a été prononcée par un conseil des ministres en date du 27 juillet 2017. Entre-temps, rien n’a été fait par les autorités concernées qui ne veulent pas quitter leur zone de confort. C’est pour cela que je m’adresse au nouveau Chef du gouvernement pour lui demander de prendre ses responsabilités et d’arrêter le processus de l’appel d’offres de l’extension de l’aéroport et d’annoncer un projet de rêve pour notre pays et notre capitale et donner de l’espoir à cette jeunesse en quête de rêve », souligne-t-il.
Il affirme, également, que l’objectif du nouveau site aéroportuaire est de créer une nouvelle aire économique internationale en se positionnant comme un Hub de transit et de commerce aérien international capable de subvenir aux besoins de l’e-commerce en attirant les géants du secteur tels que Ali baba, Amazone…
Dhaouadi, qui s’adresse aux trois pouvoirs du pays, indique aussi que les jeunes veulent un programme qui leur permet de rêver leur pays et non pas ceux des autres… «On veut trois grandes aires économiques interrégionales, complémentaires et interconnectées (Nord/Centre/Sud). On veut, également, trois grandes métropoles (Nord/Centre/Sud) et une capitale Tunis qui profite pleinement de son histoire et de sa position géostratégique en Méditerranée et qui s’adresse au monde à travers des projets ambitieux qui fédèrent les jeunes de ce pays en quête d’espoir…En un seul mot, on veut un pays capable de capitaliser sur sa démocratie naissante et innovante pour inventer un nouveau modèle socio-économique tunisien», explique-t-il, tout en ajoutant qu’il attend du prochain gouvernement et des députés de ne pas sombrer dans les entrailles de l’administration stérile et profonde qui tue les projets avec l’inertie et le refus du changement et de ne pas entretenir les mécanismes du bricolage institutionnalisé. «Notre association rêve que la Tunisie lance son programme Smart City pour 2025, Smart Nation pour 2030 et accueille les Jeux Olympiques de 2040 en faisant de ce programme un objectif national qui rassemble toute la population autour d’un objectif commun …».