L’Institut arabe des droits de l’Homme (Iadh), en partenariat avec l’Unhcr, le seul organisme onusien mandaté pour la protection des réfugiés, cherche à recentrer le débat sur cette question, afin d’aboutir à une meilleure compréhension du phénomène, en y apportant une réponse collective qui tienne compte de la diversité et de la dignité de chacun.
Il ne passe pas un jour sans qu’on ne compte parmi nous un flux supplémentaire de réfugiés et demandeurs d’asile, ayant fui guerre et galère. Selon l’Unhcr-bureau de la Tunisie, leur nombre a presque doublé en l’espace d’une année, passant de 1.500 à 2.700 actuellement. Cette montée exponentielle du phénomène pose problème. Sa couverture médiatique aussi. Outre la gestion de leur placement, l’identification des nationalités et le traitement, au cas par cas, de leurs demandes d’asile, l’on se retrouve, à chaque fois, face à des médias d’émotion qui se nourrissent des malheurs des autres. En l’espèce, l’autre n’est que le réfugié, sa personne et sa dignité.
A son deuxième jour, le séminaire international sur « Médias et réfugiés : défis et bonnes pratiques » n’a pas fini de capitaliser exemples et contre-exemples, révélateurs d’une représentation si nuancée des réfugiés dans nos médias. Voire une certaine méconnaissance d’un tel sujet d’actualité. Et pour cause. L’Institut arabe des droits de l’homme (Iadh), en partenariat avec l’Unhcr, le seul organisme onusien mandaté de la protection des réfugiés, cherche à recentrer le débat sur cette question, afin d’aboutir à une meilleure compréhension du phénomène, en y apportant une réponse collective qui tienne compte de la diversité et de la dignité de chacun.
Présidée par notre collègue Abdellatif Garrouri, journaliste et documentaliste travaillant sur le sujet, la séance de clôture s’est focalisée sur la promotion de l’éthique journalistique comme charte des bonnes pratiques. En général, toute couverture médiatique doit obéir aux règles déontologiques rudimentaires. Cela mérite, selon l’Iadh, un intérêt tout particulier. On insiste, ici, sur le respect du code de conduite y afférent réalisé pour servir d’un document de référence. Toutefois, par négligence ou par ignorance, certains médias continuent à se laisser faire, sans tenir compte des principes élémentaires des droits humains. Quitte à porter préjudice aux réfugiés, population censée être extrêmement vulnérable.
Il faut faire la part des choses
Et pourtant, l’on n’apprend guère de nos erreurs. Et si ces réfugiés étaient sujets à tout risque ! A défaut d’une couverture médiatique savamment dosée, l’on ne peut plus atteindre la vérité. Et là, M. Garrouri a repris une trilogie soi-disant journalistique : « Croire à tout, douter de tout et vérifier tout ». Cela nous amène à dire que la couverture médiatique liée aux questions des réfugiés requiert, avant tout, une parfaite connaissance du phénomène. D’où, il faut faire la part des choses : migrants irréguliers, réfugiés ou demandeurs d’asile, le statut n’est, certes pas, le même, d’autant que les raisons en sont bien multiples et complexes.
Parlons-en ainsi, l’homme des médias est une véritable courroie de transmission. Donc, une bonne communication là-dessus semble de mise. Mohamed Shamma s’est étalé sur son expérience en Jordanie, un des pays où l’on trouve plus de camps de réfugiés, soit une douzaine au total. Fondateur du bureau des journalistes des droits de l’homme, il a réussi à créer un réseau médiatique sur les réfugiés, visant à faire pleins feux sur le phénomène et en dévoiler la réalité. Pour lui, à sujet particulier, couverture particulière. De même, l’expérience de l’association italienne « Carta Di Roma » a été aussi présentée. Elle s’opère dans le contrôle de la couverture médiatique liée au sujet et veille à la formation en la matière.
Des pas franchis, mais..
De son côté, l’Iadh a présenté son parcours initiatique entamé, il y a quatre ans, en étroite coopération avec l’Unhcr, son partenaire principal. Directrice des programmes au sein dudit institut, Mme Hajer Chehbi Habchi a donné un aperçu du programme de renforcement des capacités des journalistes, via des formations sur la couverture médiatique des questions des réfugiés. Soit quelque 150 journalistes ont été formés dont une quarantaine spécialisés. « On voulait, tout juste, leur faire comprendre le phénomène et éviter la confusion des concepts s’y rapportant… », précise-t-elle. De surcroît, avocats, magistrats et société civile ont également été ciblés. Puis, commença, en 2017, l’étape du plaidoyer sur la nécessaire loi d’asile dont le projet dort, depuis 2012, dans les tiroirs de l’ARP.
Que faire pour aboutir à son adoption ? Une coalition civile fut, alors, constituée d’avocats et de magistrats, du Ftdes, de l’Ugtt, du Conseil tunisien des réfugiés et bien d’autres ONG nationales. Elle se veut un lobbying de proposition et de pression, avec pour slogan «Nous ne vous oublions pas, la loi tunisienne vous protège ». Entre-temps, l’Iadh ne lésine pas sur les moyens pour apporter aux réfugiés et demandeurs d’asile l’assistance requise. Qu’en est-il de la Tunisie qui avait, déjà, adopté la convention de 1951 et son protocole de 67 relatifs au statut des réfugiés ? Notre pays, qui avait su bien gérer la crise des flux migratoires, au lendemain de la révolution, se contente, aujourd’hui, du rôle de garde-côtes, avec des interventions de sauvetage. Seulement, il y a une toute récente initiative, suivant laquelle les réfugiés ont, désormais, droit à la sécurité sociale.
« Cela est une première », estime M. Abdelbassat Ben Hassen, directeur de l’Iadh, dans son mot de clôture. « On continue à militer pour que le projet de loi sur le droit d’asile soit adopté dans les meilleurs délais », a-t-il ajouté, soulignant l’apport considérable des médias dans l’information et la sensibilisation. Et d’annoncer qu’une radio-réfugiés diffusera, bientôt, sur le web. A cela s’ajoute un portail électronique, en arabe, spécialisé dans ce domaine qui sera lancé le 10 décembre prochain, date de la commémoration de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Faisant valoir le rôle des médias et les pas franchis en matière de protection des réfugiés, Mme Nejia Hafsa, fraîchement nommée à la tête du bureau de protection au sein de l’Unhcr-Tunisie, a formulé l’espoir de voir ces réfugiés jouir, sous nos cieux, de leur droit d’asile.