En marge de la cérémonie d’ouverture de cet incontournable rendez-vous annuel, nous avons donné la parole au professeur Salma Zouari qui nous a dévoilé, brièvement, sa vision concernant le rôle de l’Etat dans l’économie.
En se rapportant au thème de cette édition, à savoir « l’entreprise et le nouveau rôle de l’Etat », selon vous, quel rôle devrait jouer l’Etat dans l’économie ?
D’abord, l’Etat doit continuer à avoir un rôle important dans l’économie et dans la vie économique d’une façon générale. Il doit assurer deux fonctions essentielles ou plutôt incontournables : la première se rapporte à son rôle de régulation de l’économie, tandis que la deuxième est relative à un rôle de protection des plus vulnérables, mais aussi de redistribution de la richesse nationale et des revenus entre individus et régions de façon à réduire les inégalités et faire de sorte qu’il n’y ait pas de laissés-pour -compte dans la société.
Et les laissés-pour-compte peuvent se traduire en termes de catégories sociales ou d’aménagement du territoire. Ce qui implique que l’Etat se doit d’avoir une politique d’aménagement du territoire qui assure un plus grand équilibre en vue de réduire les inégalités dans la société, même si on ne peut pas parler d’égalitarisme pur.
Aujourd’hui, on n’est pas dans cette situation, cependant, on attend tout de l’Etat. On a eu un Etat providence qui assure la fonction régalienne, en même temps, nous avons eu l’Etat producteur, qui assure la production du bien marchand dans des secteurs compétitifs. Cependant, l’Etat producteur, notamment dans les domaines productifs, concurrence le secteur privé qui peut être beaucoup plus efficace dans cette mission. Donc, il faudrait que l’Etat se désengage progressivement, de façon à laisser la place au secteur privé, sans pour autant s’orienter vers le tout-marché où l’Etat ne joue aucun rôle. Si on développe davantage une économie où le marché et l’initiative privée jouent un rôle beaucoup plus important en comparaison de ce qui est fait aujourd’hui, il n’en reste pas moins que l’Etat doit réguler l’économie de marché.
Par quels mécanismes l’Etat peut-il intervenir pour assurer cette fonction de régulation ?
D’abord, par la création d’institutions complémentaires. Par exemple, on prend le secteur du transport des marchandises. C’est un secteur privatisé depuis les années 2000. Ce secteur demeure aujourd’hui inefficace. Pourquoi l’est-il ? Parce que le coût du transport des marchandises reste élevé, par rapport aux normes internationales. Ce renchérissement remarqué au niveau du coût s’explique, en partie, par les retours à vide effectués par les transporteurs privés et qui sont facturés et pris en compte dans le calcul des tarifs. Ce problème récurrent puise son origine dans l’absence de plateformes qui diffusent l’information et permettent, ainsi, d’organiser des allers et retours pleins. Ces plateformes-là peuvent être mises en place par l’Etat.
Voilà, donc, un cas concret d’un mode de régulation et d’impulsion au secteur privé qui peut contribuer à l’amélioration de son efficacité. Bien évidemment, si le secteur privé est efficace, c’est toute l’économie qui va mieux se porter. Et on peut imaginer que dans certaines situations, le secteur privé soit suffisamment fort pour s’organiser en cluster, monter des actions de coopération interopérateurs permettant de créer ce genre d’organe qui produit l’information, les plateformes nécessaires pour qu’il puisse fonctionner mieux dans sa globalité. Hélas, le secteur privé n’a pas encore suffisamment de maturité, de recul et de capacité de coordination, pour ce faire. Donc, on a encore besoin d’un coup de pouce de l’Etat. Un autre mode de régulation peut être envisagé : aller vers une forme de réglementation où tout pourrait être permis, à l’exception de certaines activités.
C’est-à-dire une sorte de listes négatives ?
A juste titre. On peut, par exemple, recourir à des cahiers des charges que le secteur privé doit respecter pour une prestation de services de qualité et pour éviter des situations où il peut y avoir potentiellement de l’abus.