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Processus électoral : Un luxe chèrement payé ?


On s’y attendait. La formation du gouvernement tarde à venir. Les entretiens et les rencontres se multiplient à un rythme soutenu depuis plusieurs semaines sans qu’il y ait un résultat tangible. Les difficultés non dévoilées semblent être la pierre d’achoppement au point que le chef du gouvernement désigné a demandé une période supplémentaire pour parvenir à constituer son équipe. Les observateurs s’interrogent, alors, si on se dirige vers des élections législatives anticipées en cas de non formation d’un gouvernement dans les délais.


Les délais constitutionnels s’ils sont dépassés et qu’un éventuel gouvernement n’obtient pas la confiance, il y aurait un risque de passer à de nouvelles élections. Comme si cette étape n’était qu’une simple formalité. Déjà, les trois élections qui se sont tenues dernièrement ont coûté cher à la communauté. Or, dans une étape comme celle par laquelle passe notre pays exige une bonne gouvernance. Ce qui n’est, sûrement, pas le cas, actuellement.

Une Isie budgétivore
Les élections ne sont pas un jeu. C’est plus un droit que tout autre chose. Mais la cadence de ces rendez-vous électoraux depuis 2011 ne cesse de nous interpeller. Quels bénéfices le pays en tire-t-il en comparaison avec les sacrifices financiers ? Apparemment, ces pratiques « démocratiques » n’arrangent que certaines parties. Les énormes dépenses ne représentent-elles pas un fardeau pour nos efforts de développement ? Ces fonds ne seraient-ils pas plus efficaces s’ils étaient orientés vers des projets productifs ?

L’utilité de telles élections (surtout comme elles sont pratiquées) n’est pas évidente. En Tunisie, on accorde beaucoup plus d’intérêt à la tenue de tels scrutins qu’à leur apport économique voire politique. Les élections sont devenues une occasion pour faire des affaires. Avec un montant net de plus de 140 millions de dinars (2019) l’Isie est devenue un organisme budgétivore. Les dépenses vont çà et là pour l’achat des nombreux équipements (machines, voitures, ordinateurs, urnes, papier, encre, etc.), le paiement des 292 salariés permanents en plus du recours à près de 58.150 agents temporaires et contractuels durant l’ensemble du processus de vote. En outre, l’opération du vote à l’étranger coûte trop cher. Pour une dizaine de voix on mobilise des centaines d’agents fortement payés en euros ou en dollars.

Si on s’en tient, uniquement, au verdict des chiffres on constate que le nombre d’électeurs potentiels inscrits s’élève à 7.074.566, soit une augmentation de 1.768.242 personnes par rapport à 2014. Présenté comme un progrès, ce chiffre, en réalité, n’est qu’une augmentation douloureuse du budget consacré à l’opération électorale. Quand on sait qu’une voix coûte environ 19.d188 aux législatives et 10.d815 pour la présidentielle on comprend facilement que l’argent dépensé n’est pas bien dirigé vers son objectif. On a même envie de parler de gaspillage. Qu’on en juge ! Des millions (autant que le nombre des électeurs attendus et plus si l’on multiplie par trois pour les législatives et les deux tours de la présidentielle) de bulletins de vote finissent dans la poubelle faute de ne pas avoir été utilisés ! C’est une manne pour les papetiers, les imprimeurs et en même temps pour les publicitaires qui se chargent de la campagne de sensibilisation et d’information.

Affaires et politique
Du coup, nos élections se transforment en une grande opération commerciale qu’en processus démocratique. Avec tout le respect que l’on doit à ceux qui s’y investissent de bonne foi et se dévouent pour concrétiser les idéaux qui sont derrière. Toutefois cela ne peut pas nous empêcher de faire les remarques qui s’imposent.
La tendance que l’on entrevoit ces derniers jours et qui fait allusion à la dissolution du Parlement pour organiser des élections législatives anticipées ne doit pas être un jeu d’enfants. L’organisation d’une telle échéance ne sera qu’une sanction supplémentaire pour notre pays. Car, au lieu d’orienter ces fonds vers des programmes de développement régional, on va, en quelque sorte, les jeter par les fenêtres. Ou, mieux encore, en faire profiter des circuits plus ou moins douteux.

Il n’est pas question qu’un processus destiné à doter le pays des moyens qui lui permettent d’assurer les libertés et les droits soit dévié pour servir des intérêts et des desseins corporatistes plus ou moins avoués.
En effet, il n’échappe à personne que c’est une manne que des esprits mal intentionnés cherchent à exploiter en faisant dévier ce processus de ses vrais objectifs.

On sent, ainsi, ce lien ténu entre le politique et l’économique mais également entre les bonnes intentions et les interférences affairistes. Tout cela donne raison à ceux qui appellent à la révision de la loi électorale. Et, en particulier, concernant son immunité contre toutes les imperfections qui la rendent fragile devant certains abus et laisse la porte ouverte devant de nombreuses interprétations. Le vote des tunisiens à l’étranger ne doit pas être le même et avec les mêmes dispositions pour les pays où il y a une forte colonie que pour ceux où il n’y a qu’une centaine. Il y a des aberrations dont il faut se débarrasser au plus vite.

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