Le ministre de l’Intérieur du gouvernement libyen d’entente nationale, Fathi Bachagha a fait état jeudi à Tunis d’une « coopération importante entre la Libye, la Turquie, la Tunisie et l’Algérie ». « Nous serons dans une même alliance de manière à servir nos peuples et notre stabilité et construire une coopération économique sur la base de la coopération politique et sécuritaire », a-t-il affirmé lors d’une conférence de presse tenue ce jeudi à Tunis. Il a estimé que la région de l’Afrique du Nord est dans la ligne de mire à la suite de la dernière opération militaire dans la capitale libyenne Tripoli (en allusion à l’opération militaire menée par le Maréchal Khalifa Haftar sur Tripoli depuis le 12 décembre dernier).
« Si Tripoli tombe, Tunis et Alger tomberont à leur tour. Il s’agit d’une tentative de semer l’anarchie dans la région et faire main basse sur l’Afrique du Nord », a-t-il averti. Répondant aux questions des journalistes, le ministre libyen de l’Intérieur a indiqué que la rencontre du président turc, Recep Tayyip Erdogan avec le président de la République, Kais Saied, mercredi, et l’annonce par Erdogan du soutien de son pays au gouvernement d’entente nationale (conduit par Fayez al- Sarraj) ne constitue pas une ingérence dans les affaires libyennes. D’autant plus, a-t-il dit, qu’un mémorandum d’entente a été signé entre la Libye et le gouvernement turc basé sur la notion de coopération. Interrogé sur la décision du Conseil suprême des tribus et des villes libyennes de mandater Kais Saied pour résoudre la crise libyenne, Bachaghaa déclaré que « le gouvernement d’entente nationale tend la main à toute initiative unissant les libyens, sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies ».
« Nous ferons face à toute tentative de domination jusqu’à la dernière goutte de sang », a-t-il martelé. Sur un autre plan, le ministre libyen a fait remarquer que les réactions sur la guerre à Tripoli ont toujours été confuses dès lors que certaines parties régionales et internationales font fi de la position internationale officielle qui reconnait le gouvernement d’entente nationale. Il a, dans ce sens, évoqué la difficulté de l’organisation de la Conférence de Berlin prévue sur la crise libyenne, précisant que « Haftar refuse toutes les conférences ». Bachagha a, par ailleurs, salué les efforts de la Tunisie pour trouver une solution à la crise libyenne dans les plus brefs délais, mettant en avant « la mentalité bourguibienne qui fonde l’Etat tunisien et ses institutions, lui permettant de surmonter toutes les crises et préserver l’Etat, contrairement à la Libye qui n’arrive pas à faire la séparation des pouvoirs ». « La chute du régime libyen induit celle des institutions », a-t-il dit, ajoutant que « l’armée tunisienne a toujours soutenu la transition démocratique et protégé la Constitution ». « L’armée tunisienne n’a pas usé de surenchères en prétextant la lutte contre le terrorisme et les complots fomentés contre la Tunisie », a-t-il souligné.
Pour le ministre de l’Intérieur libyen, la région est désormais confrontée à la prolifération des organisations terroristes en Syrie, en Irak, en Egypte et en Tunisie depuis le déclenchement des révolutions. Cela a fait de la Libye une cible pour ces organisations, ce qui requiert une lutte stratégique et acharnée contre le fléau du terrorisme, a-t-il soutenu. Il a dit regretter « l’exploitation par certaines parties de cette situation pour justifier leurs tentatives désespérées d’accéder au pouvoir par le langage de la force ».
L’Etat libyen est représenté par un gouvernement légitime issu de l’entente nationale et approuvé par l’ONU ainsi que par tous les pays frères et amis, a-t-il ajouté, rappelant l’adoption par le Conseil de sécurité de l’accord politique libyen conclu le 17 décembre 2015, à Skhirat, au Maroc, entre les différentes factions libyennes. Et de rappeler que les pays du voisinage, tels que la Tunisie, l’Egypte, l’Algérie et le Soudan « reconnaissent, officiellement, le gouvernement d’entente nationale, outre les pays du Conseil de coopération du Golfe ». Selon lui, le gouvernement s’était préparé au congrès de Ghadamès en avril dernier afin de mettre fin aux conflits entre les différentes parties libyennes sans exception et dans la mesure où la solution militaire a été écartée à l’unanimité, « sauf que le 4 avril dernier, l’artillerie militaire a assailli Tripoli, sans aucune raison valable ».
Au début du mois d’avril 2019, les forces dirigées par le maréchal Khalifa Haftar ont avancé vers la capitale Tripoli. Des raids aériens ont été lancés dans le sud de la capitale et des affrontements ont eu lieu avec les forces relevant du gouvernement dirigé par Fayez al-Sarraj. Depuis cette attaque, le Conseil de sécurité des Nations unies n’a pas réussi à imposer un cessez-le-feu en Libye qui vit dans l’anarchie depuis la chute du régime Kadhafi en 2011.