Les attaquants « sang et or » ont tout fait, sauf mettre la balle dans les filets du gardien de l’AS Vita Club. Un blocage que certains observateurs imputent aux joueurs, d’autres aux choix tactiques de l’entraîneur. Mongi Ben Brahim, Mohamed Ali Mahjoubi et Sami Laaroussi donnent leurs points de vue.
Leader du groupe D avec six points au compteur, l’Espérance de Tunis a reçu vendredi soir la formation congolaise de l’AS Vita Club pour le compte de la 3e journée de la phase des groupes de la C1 africaine. Les « Sang et or » aspiraient aligner la passe de trois afin de préserver leur leadership et mettre un pas en quart de finale, d’autant que l’AS Vita Club était, sur le papier, largement à leur portée. L’AS Vita Club est, certes, un adversaire réputé sur le continent, mais n’est pas au meilleur de sa forme, notamment cette saison où il est loin du niveau qui a fait rayonner son nom en Afrique.
Mais même s’ils étaient prenables et avaient refusé le jeu, les Congolais ont réussi à préserver leur cage vierge. Jouer le bloc bas et créer le surnombre dans leur zone de réparation ont empêché les attaquants espérantistes de mettre la balle dans les filets de Nelson Lukong. Un gardien qui n’hésitait pas à prendre son temps pour remettre le ballon dans le jeu.
Au fil des minutes, la domination de l’Espérance est devenue stérile et ce ne sont pas les changements opérés par Mouine Chaâbani qui allaient débloquer la situation. Pourtant, le technicien « sang et or » avait ses raisons pour chacun des trois changements opérés. Il a expliqué, lors de la conférence de presse d’après-match, qu’ à un moment donné, il a constaté que Hamdou El Houni n’est plus dans le moule notamment dans le « un contre un » et a estimé qu’un changement s’imposait. Sauf que les Congolais ont réussi à imposer leur style de jeu et n’avaient fait que gérer jusqu’au au coup de sifflet final. Du coup, les changements opérés par Mouine Chaâbani n’avaient pas modifié la donne.
Par ailleurs, ce n’est pas la première fois que l’Espérance de Tunis trouve des difficultés à Radès face à des adversaires qui jouent le bloc bas. A un moment donné, Hamdou El Houni ou Anis Badri ont réussi à débloquer la situation sur un exploit individuel. Mais, franchement, la cohésion entre les deux joueurs était inexistante vendredi soir, ce qui explique entre autres pourquoi la mayonnaise n’a pas pris avec Ibrahim Ouattara.
M.A. Mahjoubi : « Le gardien a réussi à casser le rythme »
Essayer de trouver son rythme face à un adversaire qui refuse catégoriquement le jeu n’est pas chose facile. Pour l’ancien international et ex-joueur de l’Espérance de Tunis, Mohamed Ali Mahjoubi, le gardien de l’AS Vita Club a eu le premier rôle dans l’art de baisser, voire tuer le rythme du jeu : « Cela peut paraitre anodin, mais un gardien de but qui prend tout son temps avant de remettre le ballon dans le jeu influence énormément sur la physionomie du match. Le gardien de l’AS Vita Club a même réussi à casser le rythme de jeu en prenant tout son temps à chaque fois qu’il était à appeler à remettre la balle. », explique notre interlocuteur pour qui il est logique que le jeu des « Sang et or » a été imputé de déchets vers la fin de la partie : « Quand on affronte un adversaire qui joue le bloc bas et qu’en plus son gardien de but casse le rythme de jeu, il est tout à fait normal qu’au fil des minutes, les joueurs de l’équipe adverse qui, eux, font le jeu tout en étant inefficaces, finissent par fléchir mentalement. Par conséquent, ils se déconcentrent et le jeu devient entaché de déchets. La précipitation devant les buts adverses est dès lors monnaie courante dans le jeu de l’attaque.
Dans ce cas de figure, il est important que dans l’équipe il y ait un joueur qui sait faire la différence sur un exploit individuel, notamment sur les balles arrêtées que ce soit les corners ou les coups francs directs. Saad Bguir assumait ce rôle à l’Espérance de Tunis. Il faisait la différence sur les balles arrêtées ce qui permettait de débloquer ce genre de situations où on jouait l’attaque à outrance mais on n’arrivait pas à déverrouiller la défense adverse. », estime Mohamed Ali Mahjoubi pour qui il ne faut pas dramatiser suite à ce match nul face au Vita Club : « Je suis confiant en la capacité des joueurs de l’Espérance de rebondir au plus vite. A l’Espérance de Tunis, même du temps où j’étais joueur, cela a été toujours ainsi. A chaque fois que la réussite n’a pas été au rendez-vous sur un match, la réaction ne se fait pas attendre ».
M. Ben Brahim : « Bguir savait faire la différence »
Mongi Ben Brahim s’interroge, quant à lui, sur l’incapacité des « Sang et Or » à adapter leur jeu face à un adversaire qui en refuse : « Ce qui est étonnant et en même temps surprenant, c’est l’incapacité d’un footballeur d’adapter sa tactique de jeu face à un adversaire qu’on sait d’avance qu’il allait opter pour le bloc bas. Ce qu’il faut savoir, quand on joue le bloc bas, on fait exprès que la possession du ballon soit chez l’adversaire et on se contente de jouer les contres quand l’occasion se présente. Les joueurs de l’AS Vita Club ont failli réussir leur coup en marquant contre le courant de jeu. Le pire c’est que cela aurait été devant un public extraordinaire qui, du reste, était en parfaite harmonie avec son équipe à chaque occasion créée. L’EST a été soutenue par son public jusqu’au bout et c’est déjà grand-chose. Elle a fait le jeu contrairement à son adversaire, mais malheureusement, dominer n’est pas gagner comme on dit dans le jargon footballistique.
Aucun joueur de l’EST n’était capable de faire la différence, notamment sur un exploit individuel. A ce propos, l’inconstance d’Anis Badri m’inquiète ».
Quant aux changements opérés par Mouîne Chaâbani, notre interlocuteur n’en comprend pas l’utilité : « Concernant les changements, les entraineurs adjoints sont censés donner un avis là-dessus. Ce qui s’est produit contre l’AS Vita Club est incompréhensible et inadmissible. La gestion d’un groupe se fait en osmose. Faire sortir El Houni et laisser Badri jouer, voilà une donne que je trouve bizarre. Le pire dans les trois changements opérés lors cette rencontre, c’est l’humiliation pour un jeune joueur comme Mohamed Ali Ben Romdhane, un enfant du club à la qualité technique exceptionnelle. Traiter ce jeune de cette manière et l’humilier en le faisant remplacer après l’avoir incorporé en cours de jeu, personnellement, cela me fait mal au cœur pour lui. Le jeune Ben Romdhane doit s’aguerrir. C’est dans ces moments difficiles qu’on fait son apprentissage. Il ne doit pas être abattu. Quant à Coulibaly et Bonsu, avoir le rang de titulaires à part entière avec des prestations pareilles, il y a de quoi se poser des questions sur leurs qualités individuelles et leur apport au groupe. Enfin, Khénissi et Jouini constituent, pour chacun d’entre eux, un grand point d’interrogation ».
S.Laaroussi : « L’ombre de Belaïli »
L’ancien attaquant de l’Espérance, Sami Laaroussi, pense lui que le fait que l’EST soit tenue en échec par l’AS Vita Club s’inscrit dans la logique dans la mesure où le staff technique n’a pas trouvé la solution pour contrer les équipes visiteuses qui se contentent de jouer le bloc bas : « La rencontre contre l’AS Vita Club est dans la lignée des deux ou trois matches précédents disputés à Radès. Contre les équipes qui jouent le bloc bas qui disposent de défenses solide techniquement et bien en jambes, la seule manière de les déverrouiller est de disposer d’individualités capables de faire la différence sur un exploit individuel. Contre l’AS Vita Club, El Houni est parvenu à faire une partie du travail en dribblant les défenseurs adverses, mais sans parvenir à terminer le travail. Il lui est arrivé lors de sorties précédentes de finir le travail, mais pas vendredi dernier. Trouver des solutions face à des équipes qui refusaient le jeu était le rôle alloué à Youssef Belaïli.
Mais comme Badri a perdu de sa constance et El Houni n’était pas au top au niveau de la finition, nous étions incapables de débloquer la situation vendredi dernier.
Contre l’AS Vita Club, notre équipe a fait tourner constamment le ballon, mais sans en faire bon usage. Certains observateurs imputent le manque de réussite aux joueurs, d’autres au choix tactiques de l’entraîneur. A mon avis, nous avons atteint le seuil du blocage offensif et avec la pression du public, ce sera le blocage psychologique pour les joueurs ».
A notre humble avis, être tenu en échec par l’AS Vita Club ne doit pas être vécu comme un drame. L’Espérance de Tunis est, certes, tenante du titre, mais elle ne joue pas seule. La réussite n’a pas été au rendez-vous vendredi dernier, mais ce n’est pas une raison de fustiger les joueurs ni le staff technique non plus. Il y a eu, certes, des erreurs commises. Il faut tout simplement en tirer les enseignements.