Le spectacle peu recommandable que donne à voir la gouvernance prévalant en Tunisie inquiète de plus en plus toutes les catégories de Tunisiens et affole, paradoxalement, les franges qui se considéraient les plus proches de la vision nahdhaouie, du type Attayar, Echaâb et même Al Karama. Sans oublier la base du parti islamiste dont les langues se délient et qui ne comprend plus à quoi joue son leader historique.
Chaque session du Conseil de la choura d’Ennahdha se transforme en un véritable bras de fer entre les inconditionnels du cheikh et la masse des dirigeants islamistes que Ben Ali avait combattus.
Mais c’est à travers les plus récents épisodes ayant succédé à la rupture de l’alliance avec Béji Caïd Essebsi puis le décès de ce dernier que les pratiques du senior se sont avérées de plus en plus curieuses et inattendues.
Passons sur les rapports mystérieux qu’il a entretenus avec Youssef Chahed et qui continuent d’intriguer autant les politiques que l’opinion publique, avec leurs flux déroutants et leurs reflux tout à fait inattendus. Et venons-en aux péripéties des dernières élections.
D’abord à la présidentielle où Ghannouchi a tout misé sur le rejet du candidat Nabil Karoui, avant de le récupérer pour accéder à la présidence de l’Assemblée.
Ensuite, lors du choix du candidat à la présidence du gouvernement. Pourquoi avoir décidé de frustrer les dizaines de figures de proue du parti, militants sincères qui ont subi l’épreuve de la répression et des prisons, qui ont vécu dans la marginalité sous Ben Ali, et qui étaient là à l’aéroport Tunis-Carthage pour prêter allégeance au chef historique qui, lui, se la coulait douce à Londres, à la tête d’une véritable fortune. Les Mekki, les Dilou, les Noureddine Bhiri, les Mohamed Ben Salem…
C’est plutôt à un compagnon de route, qui n’a pas donné grande satisfaction en tant que secrétaire d’Etat «indépendant» auprès du ministre de l’Agriculture dans le premier gouvernement de la troïka qu’a présidé Hamadi Jbali, que l’on confie la destinée d’un gouvernement que certains considèrent comme celui de la dernière chance pour Ennahdha.
Et, pourquoi donc, après une simulation de négociations avec les «révolutionnaires» pour le contrôle de l’appareil sécuritaire et de la justice, Ghannouchi cède-t-il toute l’initiative à un novice ? Ou, comme prétendent certains nahdhaoui, fait mine de céder.
En tout cas, le résultat est trop décevant pour correspondre aux ambitions de Ghannouchi. Lui qui affirme, à tout bout de champ, qu’Ennahdha veut réaliser tous les objectifs de la révolution et que ses alliés l’ont, neuf années durant, empêché de concrétiser.
Et, à ce niveau, il serait prudent de se questionner sur le type d’aventure que Rached Ghannouchi projette pour le pays.