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Un potentiel sous-exploité


Entre atouts et lacunes, la Tunisie se perd et peine à définir quelle voie économique emprunter, même si tout le monde s’accorde sur la nécessité de basculer vers une économie à forte valeur ajoutée. C’est-à-dire vers une croissance portée par la valeur ajoutée apportée par le savoir et les connaissances.


Maintenant que nous avons défini l’économie du savoir, la question qui se pose naturellement est la suivante : est-ce que la Tunisie peut entrer de plain-pied dans l’économie du savoir? A-t-elle les moyens lui permettant de révolutionner son économie? Dispose-t-elle de l’infrastructure nécessaire, des compétences adéquates, des mécanismes indispensables au transfert ainsi qu’à l’absorption du savoir par son tissu économique et industriel? Ce sont des questions qui taraudent les esprits et auxquelles les réponses elles-mêmes nous amènent à l’ultime question: y-a-t-il une volonté politique pour basculer vers l’économie du savoir?

L’économie du savoir n’est pas intégrée dans le plan quinquennal 2016-2020
Rappelons, tout d’abord, que la transition d’une économie à faible coût vers une économie à très forte valeur ajoutée ou un “hub économique” figure parmi les objectifs du plan quinquennal 2016-2020. Cet objectif se déploie, tel qu’il est indiqué dans le plan, à travers l’amélioration du positionnement de la Tunisie dans les chaînes de valeur à l’échelle mondiale, et ce, en développant les industries des composants aéronautiques, automobiles, mécatroniques, des énergies renouvelables, de l’économie numérique, de la biotechnologie et des industries pharmaceutique, agroalimentaire et textile et habillement. Rappelons, également, que la stratégie nationale Tunisie Digitale 2020 qui vise à améliorer la croissance de l’économie numérique s’inscrit dans la même veine de la sophistication de l’économie tunisienne.
Cependant, cette stratégie n’a pas trouvé des échos auprès des spécialistes qui considèrent qu’un tel plan d’action ne suffit pas pour faire décoller l’économie numérique en Tunisie.

Dans un entretien accordé à La Presse datant du 27 novembre 2019, le professeur d’Intelligence Artificielle, Faouzi Moussa, a souligné que “l’économie numérique tunisienne est une économie Low Cost. Elle consiste à exhorter les entreprises étrangères à s’installer chez nous dans le seul objectif de créer des emplois, en contrepartie, elles bénéficieront d’avantages fiscaux”. Et d’ajouter que notre pays doit se transformer en une puissance numérique, surtout qu’il a tout le potentiel et toutes les capacités et les prédispositions pour le devenir. C’est dire que tous les experts se mettent d’accord sur le potentiel de la Tunisie en matière de technologies et d’information qui servent, à leur tour, de tremplin pour accéder à l’économie du savoir. Pourvu qu’elle préserve ses atouts, en engageant, urgemment, les mesures nécessaires pour ce faire. Dans le cas contraire, la Tunisie risque de perdre, non seulement son positionnement mondial dans le secteur du numérique et de l’innovation, déjà en baisse depuis quelques années, mais de surcroît, elle risque de manquer l’opportunité de hisser son économie dans le rang des économies à forte valeur ajoutée.

Une complexité économique en baisse
A ce titre, on peut se référencer à l’Indice de complexité économique (ICE) qui est l’un des indicateurs utilisés pour évaluer à quel point la croissance d’une économie est basée sur les connaissances. L’ICE mesure, en effet, l’intensité du savoir d’une économie en mesurant l’intensité du savoir dans les produits exportés par le pays. L’évolution du rang de la Tunisie dans ce classement en dit long sur les atermoiements des autorités dans la prise de décisions dans ce domaine. D’ailleurs, cet indice a été utilisé, comme référence dans le rapport 2014 de la Berd sur le potentiel de la Tunisie en matière d’économie du savoir. Sur la période 2013-2017, la Tunisie a occupé la 69e place en matière de complexité économique sur un total de 124 pays, soit au-dessous de la médiane.

Dans les années 2003 à 2007, la Tunisie occupait un meilleur positionnement, précisément la 45e place, sachant que, depuis les années 80, le Japon, la Suisse et l’Allemagne occupaient le podium de l’ECI avec des valeurs qui varient aux alentours de 2 et que l’indice d’alors de la Tunisie était négatif jusqu’en 2008, année marquant le point d’inflexion de la complexité économique tunisienne. Dans ce même contexte, il est à souligner qu’en 2017, environ 7,4 % des exportations des biens manufacturés en Tunisie, sont des exportations de haute technologie, soit un taux au-dessous de la moyenne mondiale qui avoisine les 8%.

2e place en matière du taux des diplômés en filières d’ingénierie
L’Indice mondial de l’innovation (IMI) est un autre indicateur dévoilant l’aspect sophistiqué qui relie le monde du business à celui de l’université, et, par conséquent, la capacité d’entrer dans l’économie du savoir. En effet, l’IMI 2019 met à nu les faiblesses de l’environnement des affaires en contrepartie, il souligne quelques points lumineux qui constituent les atouts de la Tunisie. En effet, l’année 2019 a été marquée par la rétrogradation de la Tunisie en matière d’innovation en passant de la 66ème place observée en 2018 à la 70e place sur un total de 129 pays. Dix ans en arrière la Tunisie, était classée 49e à l’échelle mondiale.

Par souci de contextualisation de cette évolution, il faut tout de même noter que le rang de la Tunisie a connu une évolution fluctuante, tantôt vers le haut, tantôt vers le bas. Selon le même rapport 2019 sur l’innovation qui révèle, en outre, d’autres sous-indicateurs, la Tunisie occupe la 115e place en matière de sophistication des affaires. Sur le plan absorption des connaissances, le rang de la Tunisie est revu encore à la baisse pour se situer à 118. Paradoxalement, le pays est classé 32e en matière de capital humain et recherches. Mieux encore, il occupe la 2e place à l’échelle mondiale en matière du taux des diplômés en filières scientifiques et d’ingénierie. Sans barguigner 2e place! Un véritable réservoir de compétences scientifiques. Ces chiffres en disent long sur les changements qui devraient être opérés au niveau du tissu économique tunisien pour qu’il sied à l’évolution astronomique des connaissances, du savoir ainsi que de la science.

18% des entreprises font du R et D
Une autre enquête publiée en 2017 par l’Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives (Itceq), appelée “la transition de la Tunisie vers une économie de la connaissance basée sur les TIC : Penser le changement ou changer le pansement”, et qui a été menée auprès de 238 entreprises opérant dans différents secteurs industriels, a révélé que toutes les technologies d’information et de communication ont pénétré les structures des entreprises tunisiennes. Toutefois, cette diffusion demeure faible et loin d’être homogène. Des technologies avancées comme le Dessin assisté par ordinateur (DAO), la Gestion de production assistée par ordinateur (Gpao) et d’autres technologies de pointe similaires enregistraient un taux de diffusion relativement modéré entre 22% et 38%. L’enquête a, également, mis en exergue la faiblesse en matière d’investissement dans les innovations organisationnelles.

Seulement 39% des entreprises font de la recherche et développement. Les entreprises faisant la RD d’une manière continue ne représentent que 18% de l’ensemble des entreprises interrogées, le reste (20%) le fait d’une manière occasionnelle selon le besoin. En somme, l’enquête conclut que la capacité de la Tunisie d’entrer dans l’économie de la connaissance nécessite d’accroître ses capacités d’absorption des technologies étrangères (particulièrement les technologies génériques comme les TIC) afin de valoriser les compétences acquises dans les industries existantes et de monter dans la spécialisation technologique.

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