Accueil Actualités Tractations et deals à l’hémicycle : Quand les partis jouent leur propre destin

Tractations et deals à l’hémicycle : Quand les partis jouent leur propre destin


Au palais du Bardo, on s’attendait à une journée de débats, d’échanges et de tiraillements. On a eu droit à une foire de deals, de transactions, de promesses et de menaces, le tout dans l’objectif d’assurer le meilleur avenir possible à soi-même et à son parti


Hier, au palais du Bardo, les députés qui étaient censés accorder leur confiance au gouvernement Habib Jemli ou lui opposer un veto catégorique, ouvrant ainsi la voie au processus de formation du «gouvernement du président» (conformément à ce que prévoit l’article 89 de la Constitution) ont donné l’impression aux Tunisiens qui ont eu la patience de suivre leurs performances sur le petit écran qu’ils ne sont pas venus pour dire au chef du «gouvernement de compétences indépendantes», transformé subitement en «gouvernement de la réalisation» (comme inscrit sur les dossiers remis aux députés) pourquoi ils lui accorderont leurs voix ou pourquoi ils rejetteront l’équipe ministérielle.

A travers les discours ronronnants que certains députés ont développés durant près de 18 minutes à l’instar de Abir Moussi, des interviews accordées notamment par les chefs des groupes parlementaires aux radios qui ont installé leurs studios de talk-show au sein du Parlement, les indiscrétions ou informations «arrangées» distillées aux journalistes dans le but d’influencer le vote, de séduire les hésitants, ou de menacer ceux qui pourraient faire faux bond au dernier moment aux instructions du président du parti et croire aux promesses qu’ils pourraient recevoir de la part des promoteurs du gouvernement Jemli, en premier lieu «les limiers d’Ennahdha» chargés de ramener «à la raison d’Etat et à la suprématie de l’intérêt national supérieur» ceux qui finiront par choisir la Tunisie «aux dépens de leur parti», on avait compris que l’hémicycle s’est transformé en une véritable foire où on se bousculait pour promouvoir son approche, promettre monts et merveilles à ceux disposés à lâcher leurs partis ou coalitions et rejoindre le parti ennemi et à voter pour le gouvernement qu’on vouait le matin même aux gémonies et, enfin, pour arracher des garanties ou des assurances sur son propre avenir.

Les Tunisiens s’attendaient à un débat sérieux, profond et critique sur d’abord le processus suivi par Jemli pour la formation de son gouvernement et, ensuite, sur le contenu, les propositions ou les promesses qu’il a avancés dans son discours intitulé «Les grandes lignes du gouvernement de la réalisation» (ce qui insinue que Habib Jemli ne dispose pas d’un programme pour son gouvernement et que les députés seront appelés à voter, de nouveau, un programme non encore élaboré, au cas où le gouvernement remporterait leur confiance).

Malheureusement, les députés, qu’ils soient censés soutenir le gouvernement en question (principalement les nahdhaouis) ou qu’ils soient classés parmi les opposants irréductibles au gouvernement Jemli et par conséquent à Rached Ghannouchi et à Ennahdha, ont privilégié, plutôt, le langage de l’insulte, le discours des accusations gratuites et des insinuations douteuses (sans aucune preuve palpable) sur l’intégrité morale et sur la compétence professionnelle des ministres proposés par Jemli, certains députés déclarant qu’ils ne connaissent pas les ministres ou secrétaires d’Etat en question mais se permettant tout de même d’affirmer qu’ils ne sont ni intègres ni compétents.

Et les promesses exprimées par Habib Jemli de s’évaporer dans le brouhaha général installé dans les couloirs du Parlement où certaines parties procédaient, au vu et au su de tout le monde, à la conclusion de deals ou de transactions sur la base desquels les députés hésitants ou «susceptibles de changer d’opinion» monnayaient leur voix ou exigeaient des assurances (promesses de promotion administrative pour leurs proches ou l’obtention de privilèges auxquels ils n’ont pas droit) en contrepartie d’un oui dont Habib Jemli et Ennahdha ont besoin, un oui dont la sollicitation et donc la contrepartie vont se répéter au cas où la confiance du Parlement serait acquise au bout du vote et la perspective menaçante du gouvernement dit «gouvernement du président» sera définitivement écartée.

Et c’est bien cette atmosphère de «séduction monnayée» et de «méfiance quasi-généralisée» de la part de certains partis de voir leurs députés céder aux promesses qui a régné, particulièrement dans les couloirs et les recoins de l’hémicycle, au moment où les députés prenaient la parole pour débiter des phrases qui n’intéressaient personne et au moment aussi où les chefs des groupes parlementaires faisaient la queue devant les studios des radios installés au premier étage de l’ARP pour mobiliser leurs partisans, guetter les hésitants ou «potentiels retourneurs de veste» et enfin réunir les conditions qui baliseront la voie à leur propre devenir et à celui de leur parti. Le devenir de la Tunisie pourrait attendre «le messie» ou Godot qui ne viendront peut-être jamais.

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