Les nahdhaouis sont, dans une certaine mesure, déstabilisés et se rejettent la responsabilité des mauvais choix qu’ils ont faits. Des petits secrets remontent, d’ailleurs, à la surface et les stratégies sont désormais soumises à de nouvelles approches critiques. En particulier, la révolte douce de certains leaders intermédiaires semble indiquer la fin de la suprématie sans conteste du Cheikh.
Au lendemain de la journée parlementaire marathon qui a vu un nombre impressionnant de députés prendre la parole pour évaluer l’équipe ministérielle proposée par le chef de gouvernement désigné par le mouvement Ennahdha, premier arrivé aux dernières législatives, chaque parti s’empresse de rendre publique son analyse de la situation et de mettre en forme ses premières propositions pour la suite du processus. Car il s’agit de s’entendre au plus tôt sur les initiatives qu’exige le déclenchement de la prochaine étape constitutionnelle, celle abusivement qualifiée de «gouvernement du Président».
Le président de la République a reçu, dès hier matin, le président de l’ARP, Rached Ghannouchi, qui lui a dressé un tableau de la situation et des rapports de force suite au vote ayant invalidé le gouvernement Jemli soutenu par Ennahdha..
La rencontre a été l’occasion de se pencher sur le passage à l’activation des procédures constitutionnelles qui donnent au chef de l’Etat les prérogatives pour nommer, lui-même, un candidat à la primature qui soit en mesure de former un gouvernement apte à obtenir la confiance de l’ARP.
Suivant un communiqué officiel rendu public par Ennahdha, Rached Ghannouchi a, par ailleurs, souligné que son parti souhaitait surmonter la situation actuelle et parvenir à la stabilité «avec un gouvernement qui réponde aux aspirations du peuple tunisien».
Mais les nahdhaouis sont, dans une certaine mesure, déstabilisés et se rejettent la responsabilité des mauvais choix qu’ils ont fait. Des petits secrets remontent, d’ailleurs, à la surface et les stratégies sont désormais soumises à de nouvelles approches critiques. En particulier, la révolte douce de certains leaders intermédiaires semble indiquer la fin de la suprématie sans conteste du Cheikh.
Quant au Parti destourien libre, il a appelé, dans un communiqué, tous les députés des blocs qui ont voté contre le gouvernement du candidat d’Ennahdha, Habib Jemli, à signer une pétition en vue de retirer leur confiance au président de l’ARP et chef du parti islamiste, Rached Ghannouchi. Selon le PDL, cet appel vient « corriger l’erreur monumentale commise à l’encontre de l’institution parlementaire pour laquelle a coulé le sang des martyrs ».
Pour rompre avec l’«islam politique», le parti de Abir Moussi appelle toutes les forces politiques nationales modernistes à choisir une figure nationale consensuelle pour l’assigner à former un gouvernement excluant « l’organisation des Frères et ses dérivés ».
L’Utica a estimé, de son côté, que le déroulé de la plénière pour le vote de confiance au gouvernement « représente un signe de bonne santé de l’expérience démocratique tunisienne et a envoyé un message rassurant au peuple tunisien et au monde entier sur l’intégrité des institutions constitutionnelles » de notre pays.
La centrale patronale a réaffirmé la nécessité de former un gouvernement qui soit loin de tout calcul basé sur les quotas partisans, avec une vision claire qui soit capable de gérer efficacement les enjeux économiques et sociaux auxquels est confronté le pays. «Un gouvernement capable d’approuver les réformes fondamentales requises par le contexte, de redonner confiance aux Tunisiens, de rétablir le rythme de la croissance et des investissements nationaux et internationaux, et de réaliser l’unité nationale».
Enfin, l’Utica souligne l’importance de choisir une personnalité nationale indépendante à la tête du prochain gouvernement « qui jouira de la confiance des différentes forces nationales. Une personnalité qui dispose d’un rayonnement national et international afin de relever les défis auxquels fait face la Tunisie ».
Au niveau des partis politiques, les débats font rage et la polémique s’installe de diverses manières. L’isolement d’Ennahdha et d’Al Karama, lors du vote, laisse constater la constitution d’une large alliance ayant englobé tous les autres groupes parlementaires. Mais certaines mises au point ont tenu à signifier le contraire.
C’est ainsi que le mouvement Echaâb a démenti, dans un communiqué diffusé hier sur les réseaux sociaux, qu’il fait partie de «l’initiative lancée vendredi par le président de Qalb Tounès, Nabil Karoui». Et de rappeler qu’il «fait partie du bloc démocrate» et qu’il n’est en rien concerné par ce que rapportent certains médias. « Nous restons toutefois ouverts à toutes les parties en ce qui sert l’intérêt du pays », indique Echaâb.
A propos du rôle incombant désormais au président de la République dans la désignation du chef du gouvernement, l’expert en droit constitutionnel Rafaâ Ben Achour et ancien ministre sous Ben Ali a déclaré à la Tap que le président de la République, qui devra désigner la personnalité la plus apte à former le prochain gouvernement, ne pourra pas choisir une personnalité et l’imposer aux partis, mais devra prendre en compte toutes les données par le biais des concertations les plus larges, afin qu’il recueille le consensus le plus large et obtienne la confiance du Parlement. Il y va de la crédibilité du Président.
M’hamed Jaibi