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Saïed a préféré le numéro 3


En dépit de ses projets de réformes constitutionnelles radicales, de démocratie directe et d’inversement de la pyramide du pouvoir, Kaïs Saïed a préféré garder le contact et soumettre à l’Assemblée un social-démocrate modéré, proche de Mustapha Ben Jaâfar. Avec, peut-être, dans le collimateur la perspective d’une nouvelle majorité parlementaire avec Abbou.


Le président Kaïs Saïed a donc choisi Elyes Fakhfakh, secrétaire général du parti Ettakatol, en tant que candidat au poste de chef du gouvernement.
Au terme du délai de 10 jours accordé par la constitution, le président de la République a ainsi annoncé, dans la soirée du lundi 20 janvier 2020, le nom du candidat désigné pour la formation du gouvernement devant être soumis au vote de confiance de l’Assemblée. Il s’agit de l’ancien ministre des Finances sous la Troïka, Elyes Fakhfakh.

Ce choix revient souverainement au chef de l’Etat, suite à des consultations avec les partis et groupes parlementaires qui devront procéder, en réunion plénière de l’ARP, à la désignation par vote à la majorité absolue du chef du gouvernement et de son équipe ministérielle.
Cette désignation ayant opté pour un candidat que seuls Tahya Tounès et Attayar ont suggéré intervient suite à la demande du chef de l’Etat adressée aux partis politiques de lui présenter, par écrit, les candidats à la primature que chacun d’entre eux préfère.

Selon l’article 89
Dans son communiqué, la présidence de la République rappelle les dispositions de l’article 89 de la Constitution. « La désignation de M. Fakhfakh est l’aboutissement d’une série de consultations avec les partis, les organisations nationales et les personnalités proposées », relève la présidence.

On précise donc qu’Elyes Fakhfakh devait entamer à partir d’hier, mardi 21 janvier, la formation de son gouvernement, dans un délai ne dépassant pas un mois.
La présidence ajoute qu’ « en total respect de la volonté des électeurs aux législatives et les propositions faites par les partis, ce gouvernement ne sera pas celui du président de la République, puisque c’est le parlement qui lui accordera la confiance ». Le communiqué souligne ainsi qu’une minorité de députés a proposé Elyes Fakhfakh et que le dernier mot reviendra à l’ensemble des parlementaires.

Malgré les défaites électorales
Ancien ministre des Finances puis du Tourisme sous les deux gouvernements de la Troïka de Hamadi Jebali et Ali Laârayedh, Elyes Fakhfakh avait dû quitter le gouvernement suite audit «sit-in Errahil» du Bardo en 2013. Comme on s’en rappelle, le «Pacte de Carthage», qui a suivi ce sit-in, a obligé l’islamiste Ali Laârayedh et son gouvernement à quitter le pouvoir au profit de Mehdi Jomâa et son équipe. Ce pacte a permis à ses acteurs, la centrale syndicale, la centrale patronale, la Ligue des droits de l’Homme et l’Ordre des avocats d’obtenir le Prix Nobel de la Paix.

En 2014, Ettakatol s’est présenté aux législatives et son président Mustapha Ben Jaâfar s’est porté candidat à la présidentielle. Aussi bien le parti que le président ont été défaits et le parti n’aura aucun siège au Parlement.
En 2019, même scénario avec cette fois Elyes Fakhfakh pour la présidentielle. Le parti a obtenu zéro siège et M. Fakhfakh n’a réussi à obtenir que 11.532 voix et 0,34% du total, se classant 16e dans le résultat final.
Comme précisé plus haut, les consultations effectuées par Kaïs Saïed la semaine dernière auprès des partis représentés à l’Assemblée ont relevé qu’Elyes Fakhfakh n’a été cité que par deux partis, à savoir Attayar et Tahya Tounès. En d’autres termes, il n’a été proposé que par 36 députés au maximum sur les 217 de l’Assemblée.

Toutes ces données font que le choix d’Elyes Fakhfakh pour former le gouvernement n’a pas eu l’aval des différents partis politiques. Et, de ce fait, ce candidat à la primature ne pourra théoriquement pas recueillir la majorité absolue de 109 voix requises. Mais le vote a sa logique que l’électeur ne saisit pas toujours.

Une désignation peu «démocratique» ?
Certaines personnalités politiques et observateurs estiment que cette désignation n’est pas «démocratique» puisqu’elle ne respecte pas la volonté ni des députés élus, ni celle des électeurs lors des législatives selon le suffrage universel. Mais nous ne sommes pas en présence d’élections verticales. Le raisonnement des partis mécontents, c’est de préférer voir s’imposer ce qu’ils désignent comme «le choix démocratique», qui aurait respecté la volonté des partis, soit celui de Fadhel Abdelkefi ou de Hakim Ben Hammouda.
C’est bien vrai que ces deux personnalités auraient eu, «sur le papier», plus de chances d’obtenir un plus grand nombre de voix lors de la séance du vote de confiance.

Pourquoi donc le chef de l’Etat a-t-il choisi quelqu’un qui a de gros risques d’être rejeté, en dépit de sa compétence supposée ou réelle ? Sans doute parce que la Constitution lui a accordé cette prérogative de «choisir», conformément à une logique d’équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif, ainsi que d’arbitrage entre les deux têtes de l’exécutif.
Les états-majors des divers partis craignaient de voir le président de la République désigner un marginal.

En fin de compte, malgré ses projets de réformes constitutionnelles radicales, de démocratie directe et d’inversement de la pyramide du pouvoir, il a préféré garder le contact et soumettre à l’Assemblée un social-démocrate modéré proche de Mustapha Ben Jaâfar et de Khalil Ezzaouia. Avec, peut-être, dans le collimateur, la perspective d’une nouvelle majorité parlementaire avec Abbou.

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