Avec un «socialiste de marché» affilié à l’Internationale socialiste et en relation avec de nombreuses figures centristes des divers groupes parlementaires actuels, le chef de l’Etat quitte l’isolement politique tout en affaiblissant la solide alliance Abbou-Maghzaoui.
Le président de la République a pris à contre-pied tout le monde en désignant un social-démocrate pour diriger et former le gouvernement national de sauvetage. Et le fait est que le promus soit lui-même en mal de ceinture politique, complique considérablement l’équation qui s’offre à nous.
Face au «Quatuor» qui prétendait légitimement contrôler les mécanismes de vote à l’Assemblée, avec une masse de voix avoisinant la majorité absolue des 109, le chef de l’Etat ne pouvait se risquer à provoquer des scissions provocatrices risquant de braquer Monsieur propre (Abbou) ou de réveiller la vigilance des souverainistes d’Echaâb. Il a préféré mettre en course une nouvelle dynamique pouvant soutenir la lutte annoncée de Qalb Tounès contre la pauvreté et dynamiser la quête de centrisme cultivée par Tahya Tounès, malgré ses bien faibles victoires.
Que pouvait faire d’autre le Président pour s’octroyer un quelconque point de chute à l’ARP ? Nommer un antisystème ou un pro-salafiste, et risquer d’être contraint de dissoudre l’Assemblée ?
Avec un «socialiste de marché» affilié à l’Internationale socialiste et en relation avec de nombreuses figures centristes des divers groupes parlementaires actuels, le chef de l’Etat quitte l’isolement politique tout en affaiblissant la solide alliance Abbou-Maghzaoui.
Le mouvement Echaâb est, en effet, très réfractaire aux réformes draconiennes prévues pour les entreprises d’Etat, revendique une révision de l’autonomisation de la Banque centrale et souhaite une nette diversification des partenariats internationaux au détriment de l’UE. Sans compter qu’en tant que nationaliste-arabe, il voit d’un fort mauvais œil l’activisme que mène Israël en tant que force d’appoint au sein de l’Union européenne.
Bref, la désignation de Fakhfakh risque d’affaiblir le lien Attayar-Echaâb et de faire basculer le quatuor vers une nouvelle Troïka. Sans le CPR mais avec un rescapé d’Ettakatol, démissionnaire de toutes ses responsabilités.
Or, il est évident que cette nouvelle ceinture va forcément tirer vers le parti de Nabil Karoui où les anciens nidaïstes sont légion et où le fondateur de Nessma affirme s’être social-démocratisé et vouloir aider les pauvres. Maintenant, soyons zen.
Personne ne peut vraiment croire qu’en démissionnant d’Ettakatol, le chef du gouvernement va larguer ses amarres et laisser ses recettes aux vestiaires. Le monsieur est académiquement bien diplômé et fort de deux expériences de gouvernement, le Tourisme et les Finances. Il aura forcément son mot à dire.
D’où l’intérêt d’évoquer, peut-être, un rapprochement Saïed-Chahed ayant incité ce dernier à souffler le nom de Fakhfakh, et une alliance élargie dans le pays et au Parlement: Ennahdha, Attayar, Taya Tounès, Elyès Fakhfakh, Kaïs Saïed. Même si Rached Ghannouchi réussit, comme il l’a promis, à «interdire le tourisme parlementaire».