Nous sommes en 2020 et les expériences de magistrats «débauchés» par les inévitables pratiques politiciennes ont été légion. Et l’Association des magistrats tunisiens, qui en a avalé des couleuvres, souhaite ardemment que l’on mette en veilleuse cette pratique.
Pour la nième fois, depuis la révolution, l’Association des magistrats tunisiens (AMT) s’est prononcée, ce dimanche, contre la nomination de magistrats au sein du gouvernement.
Un fait est certain, c’est que l’ambition politique n’épargne aucun corps professionnel et que les magistrats sont souvent tentés par une carrière politique qui vienne les dégager de la routine des salles d’audience cérémonieuses et des piles de dossiers poussiéreux d’où ils s’appliquent à dégager un «coupable» appelé à aider la justice en grommelant ses aveux.
Durant les neuf dernières années, s’il y a un amateur de ministres-magistrats désigné spontanément par l’opinion, c’est bien l’avocat Noureddine Bhiri qui en est à son troisième mandat de députation. C’est un véritable manitou nahdhaoui que de nombreux juristes et politiciens accusent d’un redoutable pouvoir occulte dans les cercles de la justice. Mais il s’en défend bien, prônant sans cesse, à tue-tête, l’indépendance de la Justice et rappelant les heures de gloire lui ayant octroyé, ainsi qu’à son épouse, sous Ben Ali, l’opportunité d’un militantisme avéré en faveur d’une «justice juste».
Mais nous sommes en 2020 et les expériences de magistrats «débauchés» par les inévitables pratiques politiciennes ont été légion. Et l’Association des magistrats tunisiens, qui en a avalé des couleuvres, souhaite ardemment que l’on mette en veilleuse cette pratique.
L’Assemblée tenue dimanche a donc pris l’initiative de s’adresser à Elyès Fakhfakh pour lui demander d’engager des concertations avec le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et les structures représentant les magistrats avant d’aller plus dans son processus de formation du gouvernement.
« La nomination des magistrats touche à l’indépendance de la justice, note l’AMT, et celle-ci doit être à l’abri de toute instrumentalisation politique », lit-on dans la motion en question, adressée à l’issue de son conseil national, dimanche à Hammamet.
A noter que l’AMT s’est adressée directement au Conseil supérieur de la magistrature pour solliciter son intervention directe pour «traiter la question au niveau intentionnel», d’autant qu’il a pour rôle de «garantir l’indépendance des magistrats de l’ordre judiciaire par rapport au pouvoir exécutif».
L’AMT est revenue sur la désignation de certains magistrats qui devaient faire partie du gouvernement Habib Jemli, estimant que ces nominations sont contre le principe de séparation des pouvoirs dans les deux sens : elles corrompent les magistrats nommés, de même qu’elles remettent en doute l’indépendance des ministres qui y sont proposés.
La désignation de divers juges à la tête de ministères régaliens dans le gouvernement avorté de Habib Jemli avait provoqué l’indignation des partis politiques et de la société civile.
Les exemples ne manquent pas : le juriste et porte-parole du Parquet et du pôle antiterroriste, Sofiène Sliti, comme ministre de l’Intérieur.
L’ex-Premier président de la Cour de cassation, Hédi Guédiri, alors choisi ministre de la Justice.
Imed Dérouiche, pressenti pour le portefeuille de la Défense, avait plus spécialement suscité une opposition catégorique de la part de la Ltdh de voir ce magistrat à la tête du ministère de la Défense nationale, qualifiant cette candidature de «véritable provocation».