Une bonne gouvernance, indépendante et objective de la politique monétaire permet de gérer les fonds de l’Etat, en devises et en dinars tunisiens, d’une façon rationnelle. Les spécialistes de la finance doivent avoir la liberté, en effet, d’asseoir leur politique financière et de prendre les mesures qui s’imposent dans certaines conditions conjoncturelles, en préservant les équilibres financiers de l’Etat.
La politique monétaire tunisienne s’est basée, au lendemain de l’Indépendance, sur la réalisation des grands équilibres financiers. Ainsi, l’Etat a mobilisé durant des années des ressources financières provenant notamment des crédits fournis par les bailleurs de fonds étrangers, les dons et les crédits intérieurs provenant des différentes banques nationales outre les bons de trésor. Le souci premier de l’Etat était, certes, de fournir des fonds pour la réalisation des projets inscrits dans le cadre du budget, mais aussi de mettre de côté des ressources financières importantes en dinars et en devises afin de préserver les équilibres financiers. Ainsi, le dinar tunisien avait une valeur presque égale au dollar et au franc. Au fil des ans, la dépréciation du dinar a été constatée pour diverses raisons. Les dépenses illimitées des devises, la faiblesse des exportations et le recul des investissements étrangers ont porté un coup dur à nos réserves en devises et notre capacité d’achat de matières premières s’est nettement affaiblie.
Par le passé, la Banque centrale de Tunisie n’avait pas une autonomie et une indépendance au niveau de la gestion des devises. Son rôle, comme celui des autres structures publiques, était d’appliquer la politique de l’Etat dans le domaine financier. Ce n’est qu’après la révolution que la BCT a bénéficié de son indépendance et est devenue responsable de toute décision prise ou à prendre. Ainsi, elle sait quand changer le taux directeur compte tenu de plusieurs paramètres conjoncturels. Ce taux peut être maintenu à un niveau bas quand il s’agit de stimuler les investissements tunisiens et étrangers. Le taux directeur est augmenté quand le nombre des Tunisiens contractant des crédits pour leur consommation personnelle est constaté. Une veille est effectuée en permanence pour décider, en bonne connaissance de cause, du taux directeur à pratiquer. L’essentiel est de préserver les équilibres financiers généraux en évitant les abus qui pourraient avoir des répercussions graves sur nos réserves financiers en dinars tunisiens et en devises et la BCT assume bien cette mission.
Les dépenses en devises
Nos réserves en devises servent à régler des dépenses urgentes comme celles qui concernent les achats des matières premières, des produits alimentaires de base et des hydrocarbures. Les prix de tous ces produits sont fluctuants avec souvent des révisions à la hausse. C’est le cas, par exemple, des céréales. Quand la production mondiale est limitée, les prix connaissent une flambée et l’Etat est obligé de payer la différence entre le prix initial et le nouveau prix. A cela, il faut ajouter le montant de la compensation qui peut augmenter ou baisser en fonction du prix pratiqué sur le marché international. Malgré les efforts déployés pour accroître la production céréalière et les chiffres record réalisés, la Tunisie est toujours obligée d’importer de grandes quantités de ses besoins du marché mondial pour pouvoir satisfaire la demande des consommateurs. Et ces dépenses se font en devises en recourant aux réserves de l’Etat.
D’autres matières premières sont nécessaires pour le fonctionnement de l’industrie, du transport et de certains services. Ainsi, les hydrocarbures sont régulièrement importés vu que nos ressources locales ne sont pas en mesure de satisfaire toutes les demandes. Lors de la période de crises par lesquelles est passé notre pays, l’Etat a été contraint de réduire les importations de certains produits de consommation considérés comme superflus ou de luxe. La convention de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), dont la Tunisie est membre fondateur, autorise chaque pays qui fait face à des difficultés conjoncturelles d’appliquer des mesures restrictives pour limiter ou suspendre l’importation de produits qui ont leur similaire fabriqué localement. Mais ces mesures doivent être limitées dans le temps car la règle est la liberté d’échanges commerciaux et l’exception est la suspension des importations des produits ayant leur similaire fabriqué localement.
Eviter l’amalgame
Pour mener à bien une politique monétaire, il faut éviter l’amalgame entre le politique et le financier. C’est que les ambitions des politiques sont démesurées et ne tiennent pas compte des capacités financières de l’Etat. A la faveur de l’indépendance de la BCT —comme c’est le cas dans toutes les banques centrales du monde développé— il est possible de tracer et d’appliquer une politique monétaire en toute neutralité et en privilégiant l’intérêt supérieur de la nation. Par le passé, c’est le pouvoir exécutif qui donne ses ordres pour débloquer des montants en devises ou en dinars tunisiens sans tenir compte des capacités disponibles. Cette politique que certains veulent réincarner n’est plus en vigueur, ce qui permet aux spécialistes financiers qui n’ont aucune couleur politique, d’agir en fonction de l’intérêt public en essayant dans la mesure du possible de préserver les grands équilibres financiers.
La bonne gouvernance de la politique monétaire peut avoir des impacts positifs sur la gestion des deniers publics. Le dinar commence à retrouver sa bonne santé vis-à-vis des devises étrangères et notamment l’euro et le dollar, mais la vigilance doit être de mise pour éviter une rechute de la valeur de notre monnaie nationale. La solidité de notre monnaie ne doit pas dépendre des crédits étrangers octroyés par les bailleurs de fonds internationaux mais par la plus-value de nos produits marchands. Le tourisme, les investissements directs étrangers et les exportations sont les trois principaux piliers sur lesquels est portée la croissance. Le système financier tunisien se trouve détendu quand les indicateurs de ces trois secteurs sont à la hausse.
Or, ce n’est pas toujours le cas, dans la mesure où le déficit de la balance commerciale a enregistré, au cours des ces dernières années, une hausse inquiétante, vu que la valeur des importations est plus importante que celle des exportations. Le recul des investissements directs étrangers n’est pas dans l’intérêt de notre politique monétaire. Les détenteurs de capitaux de l’Hexagone veulent avoir une idée claire sur la vision prospective de la Tunisie à moyen et long terme afin qu’ils puissent investir en toute sécurité. Enfin, le tourisme commence à réaliser des chiffres record avec plus de neuf millions de touristes drainant ainsi des sommes assez conséquentes en devises. Cet élan doit se poursuivre pour mobiliser plus de devises et consolider nos avoirs en dollars et en euros notamment.
(Image par Gerd Altmann de Pixabay )