La Tunisie a entamé officiellement la mise en œuvre de la zone de libre-échange du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa), en janvier 2020, en se réservant le droit d’appliquer le principe de la réciprocité dans le traitement envers les pays membres du Comesa qui n’ont pas supprimé les tarifs douaniers à 100%.
A la fin de 2019, des instructions ont été données aux autorités compétentes, pour l’application des procédures relatives à la zone de libre échange du Comesa, dont la généralisation de l’utilisation du certificat d’origine du Comesa.
L’adhésion de la Tunisie au Marché commun de l’Afrique orientale et australe va lui permettre de bénéficier d’une réduction allant jusqu’à 17% des tarifs douaniers appliqués sur ses exportations.
Rappelons que la Tunisie est devenue, en juillet 2018, officiellement, le 20e membre du Comesa, lors du Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres tenu à Lusaka (Zambie).
Par son adhésion, la Tunisie témoigne de la volonté de consolider ses échanges avec le reste du continent africain.
Elle ouvrira également de grands marchés aux exportations tunisiennes, grâce à une forte réduction des droits de douane, ce qui accroîtra leur capacité de concurrence.
Zone de libre-échange tripartite
Approuvée membre permanent du Comesa, la Tunisie aura systématiquement l’accès à la zone de libre-échange tripartite qui regroupe, outre le Comesa, la CAE (Communauté de l’Afrique de l’Est), et la Sadc (Communauté de développement d’Afrique australe), un organe qui réunit la moitié des pays du continent.
Il est à noter que le Comesa représente un marché de 500 millions d’habitants, au produit intérieur brut (PIB) de 800 milliards de dollars. Aujourd’hui, le commerce entre les pays du Comesa se chiffre à 9 milliards de dollars américains, soit l’équivalent de 10% d’échanges globaux avec le reste du monde.
Une perspective de bon augure à un moment où la Tunisie place la promotion de ses exportations en tant que priorité de premier ordre. En effet, le Conseil national des exportations s’est fixé comme objectif d’atteindre un volume d’exportation de l’ordre de 50 millions de dinars en 2020.
Une bonne partie de ces exportations sera destinée à l’Afrique subsaharienne.
À la faveur de l’entrée de la Tunisie dans la zone de libre-échange des pays d’Afrique orientale et australe, le Comesa devrait réviser son union douanière commune, son visa unique et renforcer la zone monétaire avec son projet de monnaie unique.
Opportunités d’exportations
L’examen de l’évolution des échanges extérieurs de biens de la Tunisie avec le Comesa montre qu’ils demeurent modestes dans la mesure où la part de ce dernier ne représente, en moyenne, sur la décennie 2007-2016, qu’environ 5,6% et 2,5% respectivement du total des exportations et des importations tunisiennes. Cette part devient encore plus faible, si on exclue l’Egypte et la Libye, explique Mme Raoudha Hadhri, experte de l’Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives (Itceq), dans une analyse sur le Comesa et les opportunités des exportations pour la Tunisie.
Il est à noter que la structure géographique de la Tunisie sur cette zone « montre qu’il y a une concentration des échanges sur deux marchés, à savoir la Libye et l’Egypte avec des parts respectivement de 80,5 et 9,2% pour les exportations et de 45,8 et 49,5% pour les importations». Au niveau des exportations, l’Ethiopie se positionne troisième marché de destination avec une part moyenne de 8,1% sur la période 2007-2016.
De plus, «l’évolution des échanges entre la Tunisie et le Comesa s’est soldée à partir de 2009 par un excédent commercial, contre un déficit au cours des années précédentes».
Structures des échanges
L’analyse montre que les exportations tunisiennes sur le Comesa concernent principalement 26 produits dont la part représente plus de 88% du total de biens. Plus précisément, il s’agit de la graisse et huiles animales et végétales; des papiers et cartons; du sel, souffre, terres et pierres; des ouvrages en fonte, fer ou acier; des produits chimiques; des machines, appareils et matériels électriques, etc.
Quant aux importations, elles sont prédominées par 17 produits représentant plus de 87% du total des importations en moyenne sur la décennie 2007-2016. Il est à noter que les combustibles minéraux, huiles minérales et produits de leur distillation accaparent, à eux seuls, 51%.
Potentiel et positionnement compétitifs
D’après l’analyse, le Comesa «pourrait constituer un marché potentiel pour la Tunisie de par le dynamisme de ses importations comparativement au monde et à l’UE et du fait que la Tunisie n’écoule sur ce marché que 5,5% du total de ses exportations». Toutefois, «environ 90% de cette part est accaparée par deux pays uniquement à savoir la Libye et l’Egypte, (pays qui figurent déjà dans l’UMA et dans la grande zone arabe de libre échange), même si les exportations tunisiennes vers ces deux pays demeurent modestes par rapport à celles destinées à certains pays de l’UE».
Mme Hadhri affirme, par ailleurs, qu’en dépit de la faible part des exportations tunisiennes vers le Comesa, il serait intéressant d’apprécier le dynamisme de la demande de ce marché par produit et de voir dans quelle mesure les exportations tunisiennes sont déjà positionnées sur ces produits en mettant l’accent sur les avantages comparatifs dont dispose la Tunisie et les parts de marché qu’elle détient sur cette zone.
Les investigations menées au cours de la dernière décennie montrent que sur 98 produits de la nomenclature du système harmonisé, 60 produits sont dynamiques sur cette zone. Dans ce groupe, deux catégories de produits retiennent l’attention, à savoir les produits disposant d’une forte compétitivité occupant 48% du trial des produits exportés sur le Comesa et concernent principalement «les ouvrages en fonte, fer ou acier», « les papiers et cartons» et «les matières plastiques et ouvrages en ces matières». Il est à souligner que «la Tunisie est déjà capable de s’adapter à la demande de ce marché puisqu’elle dispose d’avantages comparatifs pour des produits qui y sont dynamiques».
Quant aux produits à faible compétitivité à désavantage comparatif, ils occupent 14% du total des biens exportés par la Tunisie sur le Comesa et concernent les machines, appareils et matériels électriques, les produits pharmaceutiques.. Le dynamisme de ce groupe de produits n’est pas suffisamment exploité par les exportateurs tunisiens.
Les investigations effectuées sur le positionnement compétitif de la Tunisie sur le marché du Comesa pour le total des biens montrent que la Tunisie a amélioré ses performances à l’export et a réussi à se classer au 41e rang en 2016 contre 61e en 2007. Eu égard au positionnement compétitif des exportations tunisiennes sur le Comesa dont la demande est importante et à la modeste relation commerciale qu’entretient la Tunisie avec cette zone, «l’économie tunisienne dispose encore de marges de progression qu’il y a eu lieu d’exploiter. Ceci est d’autant plus envisageable que la Tunisie est déjà spécialisée dans l’exportation de certains produits demandés par certains pays de cette zone et qu’elle pourrait améliorer sa position sur ceux-ci moyennant des mesures et incitations spécifiques».
D’après cette analyse, le renforcement de cette position demeure fortement tributaire d’un engagement plus fort des pouvoirs publics pour l’instauration d’un environnement institutionnel et réglementaire plus propice. À cet effet, plusieurs actions devraient être renforcées pour améliorer l’accès des entreprises tunisiennes aux pays du Comesa. Parmi ces actions, l’augmentation du nombre des représentations diplomatiques, le renforcement des dessertes aériennes et maritimes et la simplification des procédures douanières, l’amélioration de l’implication des banques tunisiennes dans ce marché pour accompagner et financer les entreprises qui s’y intéressent et l’assouplissement de la Loi de change pour faciliter les opérations d’exportation sur ce marché.