C’est aujourd’hui qu’Elyes Fakhfakh soumettra son gouvernement au vote de confiance des députés. L’opération intervient dans une ambiance particulière où les élus de la nation sont invités à placer l’intérêt supérieur de la Tunisie au-dessus de toute autre considération
Aujourd’hui, mercredi 26 février, sonneront, au palais du Bardo, les trois coups décisifs qui détermineront le sort du gouvernement Elyes Fakhfakh, portant l’appellation officielle «gouvernement de la clarté et de la restauration de la confiance» dont le programme commun (appelé officiellement le document contractuel gouvernemental) a été signé lundi 24 février par les représentants des partis Ennahdha, Tahya Tounès, Achaâb et Attayar et par le président du bloc parlementaire «la réforme nationale», soit les forces partisanes et parlementaires qui ont accepté de faire partie du futur gouvernement et ont promis à Elyes Fakhfakh les voix de leurs députés afin qu’il puisse entamer l’exercice de ses fonctions en tant que chef du gouvernement issu des législatives du 6 octobre 2019.
Donc, aujourd’hui, sonnera l’heure de vérité pour Elyes Fakhfakh qui saura, à l’heure du dépouillement des bulletins de vote et l’annonce des résultats, si son gouvernement et ses ministres réussiront à arracher les voix qui leur sont promises par les partis «partenaires» du gouvernement de coalition nationale composée justement de ministres d’Etat (au nombre de trois) de ministres et de secrétaires d’Etat appartenant à ces mêmes partis et de ministres dits indépendants choisis par Fakhfakh lui-même et considérés comme faisant partie du quota qui lui revient dans la composition du gouvernement.
Il reste, toutefois, à faire remarquer que la séance plénière d’investiture du gouvernement Fakhfakh dont les travaux se dérouleront aujourd’hui et pourraient s’étendre jusqu’à une heure tardive (dans tous les cas, le vote définitif doit être clos avant minuit) intervient dans une ambiance particulière marquée notamment par trois faits qui méritent d’être soulignés.
D’abord, la signature du programme commun du futur gouvernement comprenant notamment les huit priorités urgentes que le gouvernement s’est engagé à exécuter au cours de sa première année (voir La Presse du mardi 25 février). Sauf que, déjà, les partenaires du gouvernement, c’est-à-dire les partis représentés par certains de leurs hauts dirigeants au sein du gouvernement, commencent à révéler, à travers des déclarations prêtant à toutes les interprétations possibles, les dissensions ou les conflits qui caractériseront les rapports entre les ministres du gouvernement tant attendu. Ainsi, Noureddine B’hiri appelle-t-il à l’instauration-revivification de la coordination partisane chargée d’assurer le suivi de l’action gouvernementale comme ce fut le cas lors des gouvernements de la Troïka I et II dans le sens de la création d’une instance partisane qui sera chargée d’exercer un certain contrôle sur les actions entreprises par Elyes Fakhfakh et ses ministres.
Noureddine B’hiri ne l’exprime pas clairement mais les observateurs et les analystes n’ont pas manqué de le pressentir : il s’agit purement et simplement d’une instance qui aura un droit de regard sur tout ce que Fakhfakh aura à faire, donc un droit d’aval ou d’empêchement des décisions, des mesures ou des lois qu’il envisage de prendre dans l’exercice de ses fonctions.
De leur côté, Mohamed Abbou et Zouheir Maghzaoui s’interdisent d’exprimer leur optimisme quant à la réussite de la mission confiée au futur gouvernement où leurs partis sont représentés préférant déclarer attendre pour voir si les orientations contenues dans le document contractuel seront respectés par Fakhfakh, se dégageant, ainsi, de toute responsabilité au cas où les promesses en question resteraient lettre morte.
Ensuite, les députés s’exprimeront aujourd’hui en ayant en tête les derniers résultats révélés, hier, par le quotidien Achourouk à propos des intentions de vote au cas où des élections anticipées seraient organisées dans les semaines à venir.
Il y apparaît, en effet, que Qalb Tounès, le parti écarté des négociations par Fakhfakh, et le Parti destourien libre (PDL) occupent les deux premières places avec 18,2% pour Nabil Karoui et son parti et 15,8% pour Abir Moussi suivis d’Ennahdha avec 15,1% des voix.
Il ne faudrait pas être un grand stratège pour comprendre qu’il existe beaucoup de partis qui auraient intérêt à ce que le gouvernement Fakhfakh ne parvienne pas à arracher, aujourd’hui, la confiance des députés, quitte à ce que les voix qui lui seront accordées ne constituent pas une majorité très large.
Enfin, les Tunisiens, lassés des polémiques stériles, des divisions et des «batailles inutiles» qui caractérisent le rendement du Parlement actuel depuis les premiers jours de son entrée en fonction, estiment qu’ils ont le droit de s’attendre, de la part de leurs députés, à une performance digne de la fonction qu’ils accomplissent et à la mesure de la confiance que les électeurs leur ont accordée en considérant qu’ils sauront se placer au-dessus de tous les calculs étriqués et de tous les agendas partisans.