Accueil A la une Jour de colère et grève générale à Sidi Bouzid : «Non aux camions de la mort»

Jour de colère et grève générale à Sidi Bouzid : «Non aux camions de la mort»

L’appel à la grève générale régionale lancé le dimanche 28 avril par l’Ugtt a été suivi dans tout le gouvernorat. Les administrations, les établissements sanitaires (sauf les urgences) et scolaires et les entreprises publiques ont fermé leurs portes et rejoint la société civile et la population dans une marche de protestation suite à un accident à Sebbala qui a causé le décès de 12 ouvriers agricoles

Lazhar Gammoudi, secrétaire général de l’Union régionale du travail à Sidi Bouzid, a déclaré que cette grève a été suivie à 98% dans toutes les entreprises privées et publiques du gouvernorat de Sidi Bouzid. Elle a été décrétée en signe de soutien aux familles des victimes de l’accident qui a entraîné le décès de 12 ouvriers agricoles à Sebbala le samedi 27 avril. Gammoudi à également lancé un appel au chef du gouvernement afin de convoquer un Conseil ministériel extraordinaire pour prendre les mesures d’urgence économiques et sociales nécessaires en vue de résoudre les situations dramatiques engendrées par l’accident. Il a souligné l’urgence de la mise en application des accords signés entre le gouvernement et l’Ugtt pour lutter contre la marginalisation, la faiblesse de l’infrastructure et l’absence d’un tissu économique qui garantisse une vie digne et un emploi sûr pour les habitants de ces régions défavorisées. Le secrétaire général régional de l’Ugtt à Sidi Bouzid a souligné que les habitants ont des demandes légitimes, qui restent cependant sans réponse, telles que des routes praticables, l’accès à l’eau potable et la création de zones d’agriculture irriguée qui éviterait aux ouvriers agricoles de se déplacer dans des conditions indignes et inhumaines.

Jour de colère et de deuil régional qui a été suivi et observé par la société civile et la population endeuillée de Sidi Bouzid, où plusieurs associations ont rejoint la marche organisée par l’Ugtt pour exprimer la colère et l’indignation face à la faiblesse de réactivité de tous les ministères confondus.

L’association «Victoire pour la femme rurale» et son centre d’écoute contre la violence «Ismaani» à Sidi Bouzid étaient parmi les premiers à appeler à l’organisation de cette marche. Créée depuis 2014, elle s’active  dans le gouvernorat de Sidi Bouzid pour améliorer les conditions de vie et de travail des ouvrières agricoles et de la femme rurale et œuvre pour la valorisation de leur rôle socioéconomique primordial dans cette zone. Son directeur exécutif, Zied Kacem, a déclaré que ce nouveau drame est d’autant plus révoltant qu’il était prévisible et que le gouvernement doit assumer sa part de responsabilité  dans l’accident et le décès des ouvriers agricoles. Il a appelé au nom de l’association «Victoire pour la femme rurale» et de toute la société civile à l’application des protocoles garantissant la sécurité  des ouvrières agricoles et de la femme rurale en général. Il a rappelé que le gouvernorat de Sidi Bouzid assure 33% de la production agricole maraîchère nationale et que ce secteur vital est assuré à 95% par des ouvrières agricoles. Les femmes qui travaillent dans ce secteur ne jouissent pas de leurs droits les plus élémentaires, à savoir un transport sûr, la couverture sociale ou l’égalité des salaires. Elles travaillent dans des conditions précaires de 4h00 du matin à 16 heures pour seulement 7 dinars par jour et n’ont droit ni à la sécurité sociale ni aux soins, ni à la retraite. Il demande au gouvernement de mettre en application les accords ratifiés concernant aussi bien le transport que les droits économiques et sociaux de ces femmes.

Karima Ammami, porte-parole de l’association, a ajouté que les ouvrières agricoles travaillent dans des conditions qui n’assurent pas la sécurité et l’intégrité physique et morale. Un travail sur le terrain effectué par son association a conclu à la surexploitation de ces femmes qui sont obligées d’accéder à leur lieu de travail dans des caisses de camion par dizaines dans un espace de 6 m carrés, ce qui est contraire à toutes les normes. Elle a indiqué que les familles des victimes se trouvent aujourd’hui dans des situations de dénuement, car les ouvrières, mères de famille, sont souvent la principale source de revenu de leurs foyers et que des mesures d’urgence doivent être prises pour satisfaire les besoins de ces familles sans soutien désormais.

Zied Kacem a ajouté que le nombre d’ouvrières agricoles victimes d’accidents de la route ne cesse d’augmenter depuis 2015, faisant en 4 ans (2015 à fin 2018) 40 morts et 510 blessés, mais que le bilan de cette année est plus lourd que les années précédentes.

Le travail sur le terrain a révélé qu’à Sidi Bouzid, le transport vers les champs agricoles est un facteur de risque qui augmente la fréquence d’accidents: 58,6 % des ouvrières utilisent un moyen de transport pour rejoindre leur lieu de travail avec seulement 5 % dans des moyens de transport conformes aux normes de sécurité et 41% des femmes font la route à pied pour rejoindre leur lieu de travail, ce qui les expose à d’autres accidents non moins graves.

Le problème ne cesse d’être posé et un projet de loi qui porte sur la création d’une nouvelle catégorie de transport spécifique aux travailleurs dans le secteur agricole (par l’amendement des articles 21 et 23 de la loi n°33 organisant le transport terrestre) a été déposé devant l’ARP. Mais il semble que le drame ne soit pas une urgence pour l’Assemblée du peuple, car lors d’une réunion prévue le lundi 29 avril avec la Commission des affaires de la femme, de la famille, de l’enfance, de la jeunesse autour de l’accident, trois députées seulement ont répondu présent !

Le seul mois d’avril aura fait 14 morts sur les routes du transport des ouvrières agricoles, deux ouvrières agricoles sont mortes le 11 avril à Zaghouan et 12 le 27 avril à Sebbala.

Les camions de la mort ont pleinement mérité leur triste nom.

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