Il a fallu que les médias et la société civile braquent l’attention sur la situation précaire des migrants, étudiants, refugiés ainsi que des demandeurs d’asile issus de la communauté étrangère en Tunisie pour que certains ministères interférant dans ce dossier passent «timidement» à l’action. A cet effet, une réunion a été tenue le 08 avril sous l’égide du ministre chargé des Relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et des droits de l’Homme, en présence du directeur général chargé des droits de l’Homme au ministère de l’Intérieur, du directeur général de l’Observatoire national de la migration relevant du ministère des Affaires sociales, des maires des communes de La Marsa, Raoued et La Soukra, des représentants des agences onusiennes, de la société civile et de la communauté africaine en Tunisie.
La séance de travail tenue à cet effet s’est soldée par la mise en place d’une commission de suivi appelée à établir un plan de travail en vue de coordonner les efforts des parties intervenantes, déterminer et planifier les interventions susceptibles de leur apporter les aides nécessaires.
La société civile monte au créneau
La réaction des organisations de la société civile tunisienne, dont l’Union générale des travailleurs tunisiens, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, Les Femmes démocrates, la Ligue tunisienne des droits de l’homme, ne s’est pas fait attendre. Elles ont, dans un communiqué publié le 10 avril, jugé « encourageantes » certaines mesures prises en faveur des étrangers en Tunisie par le gouvernement mais qu’il fallait des décisions « plus fortes » pour protéger les migrants et les réfugiés contre le coronavirus. Parmi les mesures citées, la suspension des dates de fin de visa et des implications financières, l’octroi d’aides financières, le report des loyers des mois de mars et avril.
Au demeurant, trop de retard accusé de la part des autorités officielles au moment où la population concernée fait face à des problèmes à multiples facettes. Les organisations de la société civile tunisienne ont exprimé dans le même communiqué « leur profonde préoccupation face à l’extrême précarisation des plus vulnérables et en particulier ceux dont le statut les prive du droit à la santé : les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile présents sur le territoire tunisien ».
A cet effet, il y a lieu de rappeler que des migrants subsahariens ont été mis à la porte et ont passé des nuits entières à la rue. Le président de l’Association des étudiants et stagiaires africains en Tunisie (Aesat) avait déjà donné l’alerte dans une lettre ouverte adressée à la Tunisie et à son peuple le 31 mars dernier en lançant un appel aux bailleurs pour qu’ils fassent preuve de bienveillance et exonèrent leurs locataires de loyer pour le mois d’avril en ces temps difficiles.
L’Aesat n’a pas manqué d’énumérer les problèmes auxquels font face les étudiants et stagiaires depuis l’entrée en vigueur du confinement sanitaire obligatoire et le couvre-feu, dont l’accès aux plateformes pour les cours à distance (manque de connexion internet pour certains étudiants), les procédures liées à l’établissement ou au renouvellement de la carte de séjour, la transformation d’une partie des foyers des étudiants de Gabès et Siliana en centre de confinement pour le Covid-19, la ségrégation en milieu universitaire, les retraits des passeports bloqués au niveau des postes de police à cause de la crise sanitaire et la mobilité (autorisation de sortie) des responsables d’associations pour répondre aux besoins de ceux qui sont en difficulté. Certains de ces problèmes ne sont pas nouveaux et datent depuis des années.
Précarité financière
Si certaines réunions ont pu réunir autour de la même table le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, les représentants de l’Aesat et les présidents des différentes communautés pour plancher sur ces problèmes, ces derniers ont été toutefois appelés à effectuer un recensement minutieux afin de connaître le nombre exact des étudiants et stagiaires présents en Tunisie. Une tâche difficile et complexe en raison notamment du confinement et du couvre-feu et qui est susceptible de mettre des bâtons dans les roues à cette communauté en matière d’inclusion sociale et d’accès aux aides et aux services de soins dans cette période difficile.
Sur les réseaux sociaux, certains étudiants et stagiaires africains en Tunisie ne cessent d’appeler à la concrétisation au plus vite des mesures qui sont toujours en phase d’étude et de concertation. La collecte et la distribution des aides ne sont pas à la mesure des attentes de cette population qui rencontre de gros problèmes sur le plan financier, surtout dans les communes où les subsahariens sont très nombreux, à l’exemple de Raoued, La Soukra et La Marsa.
On termine toutefois sur une bonne nouvelle. Le maire de la ville de La Marsa, Moez Bouraoui, n’a pas trop attendu. Il est passé vite à l’action en annonçant la prise en charge par sa mairie des frais de location et des dépenses de 900 personnes résidant à La Marsa issues de la communauté africaine et ce jusqu’à la fin des mesures exceptionnelles prises dans le cadre de la lutte contre le coronavirus. Le maire de cette ville a appelé les habitants de sa commune à manifester leur solidarité à l’égard de cette communauté.