Accueil Culture Documentaires «Aliénations» et «Contre-pouvoirs»: A travers le regard de Malek Bensmail

Documentaires «Aliénations» et «Contre-pouvoirs»: A travers le regard de Malek Bensmail

Le réalisateur et documentariste algérien Malek Bensmail a mis en ligne une grande partie de sa filmographie, disponible jusqu’à fin avril. « Aliénations » (2004) et « Contre-pouvoirs » (2015) enferment le spectateur dans un asile psychiatrique et dans les locaux existants et en devenir du journal algérien indépendant et quotidien El Watan. Isolement spatial déroutant avec une équipe de journalistes et de médecins psychiatres pour mieux comprendre les failles de la société algérienne.

«Aliénations»: Ô grands maux de l’âme

D’une durée d’1 heure 50, Malek Bensmail nous plonge dans le quotidien de patients en psychiatrie, internés dans un asile, celui de Constantine et suivis de très près par une équipe de psychiatres dévoués. A travers ce quotidien haletant et difficile, le réalisateur tente de mettre en exergue les souffrances des Algériens : leurs angoisses, leur fragilité et les différents problèmes socioéconomiques qui les rongent. Les incertitudes religieuses et les conflits familiaux y sont grandement présents. La société algérienne, déjà aux prises à des bouleversements politiques et historiques d’ampleur, vit comme cloîtrée, figée dans le temps. Elle étouffe, paraît agonisante dans le récit de vie de chacun et chacune de ces patient.es. Bien que le documentaire soit à caractère scientifique, le religieux a occupé un axe important pendant le film. L’Algérie, étant fortement conservatrice, et Constantine encore plus religieuse, Malek Bensmail n’a pas manqué d’épingler les Djinns et leur fort impact spirituel, fortement pris en compte, y compris par les médecins psychiatres pendant la prise en charge des malades. Desdits «possédés» partent voir un imam ou s’isolent dans un marabout en cas de malaises ou de crises au lieu de se présenter à des médecins traitants spécialistes. Les souffrances récurrentes des patients sont souvent liées à la langue et à une crise identitaire persistante, à l’impact des bouleversements politiques et des guerres, aux rapports au religieux, à la sexualité, à la figure maternelle, à la femme, à la puberté, à l’adolescence, au mariage et aux deuils. Cette plongée saisissante est dédiée au père de la psychiatrie algérienne Dr Belkacem Bensmail, qui n’est autre que le père du réalisateur.

«Contre-pouvoirs», place à la liberté d’expression

Malek Bensmail suit le quotidien houleux d’une équipe de journalistes opposants, celles et ceux du journal indépendant El Watan. L’indépendance au régime actuel, étant sa valeur suprême, cette équipe est abritée depuis la décennie noire des années 90 dans les locaux de la maison de la presse en attendant qu’on leur livre leurs nouveaux locaux, symbole justement de cette indépendance longtemps prônée. Malek Bensmaïl pose sa caméra au sein de la rédaction du célèbre quotidien, nécessaire contre-pouvoir à un régime démocratique, inexistant en Algérie. Une rédaction synonyme de lutte. Cette aventure de Bensmail a été menée à l’heure où Bouteflika s’apprête à briguer un quatrième mandat. Cette rencontre passionnante filmée est une réflexion sur le travail journalistique, minutieusement bien accomplie. Doutes, affrontements, débats, souci de l’information, valeurs prônées par ces journalistes opposants, ce combat quotidien pour un journal libre et indépendant est dédié aux 120 journalistes assassinés pendant la décennie noire et annonce les prémices d’un Hirak, qui a secoué l’Algérie 4 ans plus tard.

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