Accueil Actualités Tribune | Si Chedly Klibi : l’homme de culture et le patriote

Tribune | Si Chedly Klibi : l’homme de culture et le patriote

Par Pr Ahmed Friaâ*

Notre pays vient de déplorer la disparition de l’un des plus talentueux bâtisseurs de la Tunisie moderne en la personne de feu Si Chedly Klibi. Que Dieu lui accorde Son infinie miséricorde.

Il serait trop long d’énumérer ici l’apport de Si Chedly au pays et au monde arabe en général, eu égard aux multiples responsabilités qu’il a assumées avec compétence et abnégation durant sa combien riche et variée carrière intellectuelle et politique.

Je voudrais en revanche revisiter quelques souvenirs que j’ai vécus personnellement avec l’illustre défunt.

J’ai eu le plaisir de connaître Si Chedly à la fin des années quatre-vingt du siècle dernier. Il venait de quitter le secrétariat général de la Ligue arabe et je présidais le conseil municipal de Zarzis, ma ville natale. Je l’avais invité pendant l’été à venir faire une conférence dans le cadre des journées culturelles de la ville, qu’avec le soutien des membres du conseil municipal on avait instaurées, en concomitance avec le festival des éponges, que l’on organisait annuellement. Il avait répondu avec enthousiasme à cette invitation. Sa conférence, qui portait sur la situation du monde arabe et les perspectives d’avenir, avait attiré une assistance nombreuse parmi les intellectuels de la ville qui en gardent jusqu’à aujourd’hui un excellent souvenir. Par la même occasion, je lui ai présenté le projet de musée qu’on voulait créer en vue de valoriser le riche patrimoine de la ville et bien entendu nous n’avons trouvé auprès de lui qu’encouragement et soutien. Ce musée a bien été réalisé en collaboration avec l’Institut national du patrimoine et grâce au dévouement et au soutien d’archéologues et d’historiens originaires de la vile tels que Ali Drine, Ali Mtimet et Ahmed Mcharek, en plus du soutien du grand archéologue et éminent spécialiste de l’époque punique, le Professeur Mhamed Fantar.

Depuis cette rencontre de Zarzis, mes relations avec Si Chedly n’ont fait que se renforcer au fil du temps et malgré notre différence d’âge, j’ose dire que nous devînmes amis.

Au début des années quatre-vingt-dix, Si Chedly était alors maire de la prestigieuse ville de Carthage et moi en charge du ministère de l’Equipement et de l’Habitat. Il demanda au ministère un soutien pour nettoyer et réhabiliter les ports puniques de Carthage qui ont été témoins de brillantes périodes dans l’histoire de notre pays, quand celui-ci dominait l’espace méditerranéen. Bien entendu, une grande opération de curage de ces ports eut lieu. Ce qui a permis d’en sortir des centaines de tonnes de détritus et de boues, à la satisfaction des riverains et de tous ceux qui s’intéressent à notre patrimoine culturel. Par la même occasion et sur sa demande, une opération de réhabilitation du canal Khair-Eddine fut entreprise par les services du ministère.

En plus de ces actions de coopération formelle, nous eûmes de fréquentes rencontres. J’allais le voir chez lui, dans sa résidence à Carthage et, entouré de livres, autour d’un verre de thé vert et quelques gâteaux tunisiens, notre conversation portait sur des sujets variés. Toujours affable et doté d’un esprit alerte, malgré son âge, Si Chedly ne laissait jamais indifférent. En plus de ses solides connaissances dans les domaines relevant des sciences humaines, il s’intéressait beaucoup à l’évolution des sciences dites dures et aux évolutions technologiques, qu’il analysait toujours avec un esprit critique qui sied à tout intellectuel digne de ce nom. Si Chedly était curieux de tout ce qui relevait des produits de l’esprit. Il aimait à vanter les mérites de la philosophie, l’un des domaines où, jeune qu’il était, il avait effectué  des études à la Sorbonne auprès des grands maîtres de la discipline à l’époque. Il m’a dit un jour : « Sans un minimum de formation philosophique, il est difficile à quelqu’un de comprendre le monde et encore moins d’y avoir un quelconque apport ». J’y ai vu une ressemblance avec la grande citation du mathématicien et révolutionnaire français, malheureusement trahi par ses camarades, qui disait ceci : « Un peuple qui n’est pas éclairé par des philosophes est trompé par des charlatans. »

Le décès de Si Chedly est une grande perte pour le pays, mais telle est la destinée de tout être vivant. Il restera cependant vivant dans nos cœurs en tant que grand homme de culture et en tant que grand patriote, ayant servi son pays avec dévouement et compétence. Il est regrettable que les circonstances qui prévalent dans le pays n’aient pas permis que la cérémonie de son enterrement soit à la hauteur des honneurs dont il est des plus dignes.

Que sa femme, son fils, ses filles et toute sa famille trouvent ici l’expression de mes plus vives condoléances.

Allah yarhmou.

A.F.

*Ancien ministre et universitaire

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Un commentaire

  1. Laroussi HANI

    19 mai 2020 à 13:12

    Un grand merci pour notre cher Professeur le Docteur Ahmed FRIAA pour l’hommage rendu au grand homme de culture et patriote feu chedly KLIBI .
    Laroussi HANI-Ingénieur Général Civil .

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