Accueil Economie M. Mohamed Hammadi JARRAYA, expert en économie, président de l’observatoire Tunisia Progress : «Les banques ont tardé à jouer le rôle attendu»

M. Mohamed Hammadi JARRAYA, expert en économie, président de l’observatoire Tunisia Progress : «Les banques ont tardé à jouer le rôle attendu»

L’emploi continue à être la priorité du gouvernement pour les années à venir. Avec la crise sanitaire du Coronavirus, le marché du travail a été impacté suite aux licenciements de plusieurs employés qui ont renforcé le taux du chômage qui atteint les 15,1%. Le gouvernement est donc appelé à trouver au plus vite des solutions pour créer de nouveaux postes d’emploi et réduire un tant soit peu ce taux de chômage. M. Mohamed Hammadi Jarraya, expert en économie, président de l’observatoire Tunisia Progress, nous donne ses appréciations sur la situation de l’emploi et les mesures qui peuvent être envisagées pour assurer la relance du marché du travail.

Le taux du chômage a augmenté pour la première fois depuis un an et demi pour atteindre 15%. Quelles sont les raisons d’un tel résultat, selon vous ?

En effet, d’après l’INS, le taux de chômage a atteint 15,1% pour le premier trimestre 2020. C’est l’une des premières conséquences de la pandémie Covid-19 et de la crise économique, sans précédent, qu’elle a engendrée.

Malgré les mesures prises, le pire est encore à venir. Le confinement imposé, rapidement, le 20 mars 2020 et ses impacts sur les activités des entreprises, PME et TPE notamment, sont plus profonds et plus graves. Les statistiques du deuxième trimestre le démontreront. Si le retour à l’activité normale tarde au-delà de fin juin, la situation sera dramatique pour l’entreprise, pour les emplois et pour le citoyen.

Quelles solutions envisager pour créer de nouveaux postes d’emploi ?

Dans les circonstances actuelles, créer de nouveaux emplois serait un rêve difficile. Plutôt, il faut s’activer à sauver les emplois actuels, d’autant plus que les mesures d’aide aux entreprises sont très difficiles à obtenir vu les conditions exigées. Le patronat a fait un effort pour les salaires de mars, avril et mai, pourtant les banques ont tardé à jouer le rôle attendu.

Cependant, on a entendu parler d’un éventuel projet d’instaurer une nouvelle taxe de visa d’entrée à la charge du Tunisien résident à l’étranger et souhaitant passer ses vacances en Tunisie !

A mon avis, une pareille mesure est non constitutionnelle. De plus, nos concitoyens vont s’abstenir de passer leurs vacances chez nous, faisant perdre à notre économie une bonne manne financière en devises.

Aussi, il semblerait que le gouvernement envisage d’augmenter certains taux d’impôts et taxes. Cette mesure fera grimper la pression fiscale de 32% à 45%, ce qui risque d’achever les petites et moyennes entreprises et les emplois.

Dans ce même projet, une éventuelle augmentation de la retenue à la source sur les dividendes de 10% (déjà lourde) à 15%, risque de freiner les investissements et les performances des entreprises. Il n’est pas exclu, aussi, d’engendrer des pertes d’emplois dans le cadre des restructurations et/ou redéploiement susceptibles d’être lancés par les hommes d’affaires.

Le travail à l’étranger constitue-t-il une réponse à la demande des milliers de chômeurs ?

La pandémie est mondiale et n’a épargné presque aucun pays de nos partenaires proches. Dans ces conditions, l’immigration à la recherche d’emploi ne peut pas être la solution, car chaque pays a ses problèmes de chômage interne à résoudre avant de recevoir des travailleurs étrangers.

Quel est l’impact de ce taux de chômage sur la croissance économique ?

C’est dialectique. La récession économique engendre une montée du chômage et la perte d’emplois engendre une croissance négative.

La perte la plus lourde serait le gaspillage des compétences métiers et des techniciens séniors dans tous les domaines. Recruter des jeunes sans expérience ne pourrait pas combler le vide laissé par les spécialisés de carrière.

Quelle est votre appréciation sur les perspectives de l’emploi en Tunisie pour les prochaines années ?

L’optimisme n’est pas permis. Historiquement, certains peuples ont pu transformer les crises en opportunités. Certes c’est possible, mais dans un environnement politique propice et encourageant.

Malheureusement, la Tunisie n’est pas dans la meilleure situation politique et sociale. Entre les tiraillements politiques et les mouvements de revendication sociale, le tissu économique, vulnérable, ne peut sortir indemne.

Une grande réforme de notre législation et fiscalité est plus que jamais indispensable et urgente. Il en est de même du modèle politique et du mode de gouvernance.

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