En 2018, le volume des exportations tunisiennes vers l’Europe a atteint environ 10 milliards d’euros contre 9 milliards en 2010. Une décennie de stagnation.
Y a-t-il un phénomène de désindustrialisation en Tunisie ? A vrai dire, il y a un débat entre économistes, mais aussi entre industriels autour de la question. S’agit-il d’un périclitement de l’industrie ou de sa stagnation? Le constat diffère, mais une chose est sûre: durant la dernière décennie l’industrie tunisienne a reculé. Certaines filières, comme la branche du textile, risquent de perdre en compétitivité. L’instabilité qu’a vécue le pays durant ces dernières années a fortement impacté le tissu industriel tunisien.
C’est, en somme, la conclusion qui a été tirée par le président du centre de veille et d’intelligence économique de l’Iace, Nafaa Ennaifer, dans son intervention lors du webinaire qui a été organisé jeudi 4 juin 2020 par l’Institut des hautes études et qui a porté sur le thème “ L’industrie du futur en Tunisie : Etat des lieux, déconvenues et perspectives”.
Recul de l’industrie tunisienne
Le débat a regroupé plusieurs industriels et spécialistes et a été animé par l’expert économique Moez Joudi. Partant d’un état des lieux qui repose sur une comparaison entre les industries tunisienne et marocaine avant 2010, M. Ennaifer a expliqué qu’avec ses divers atouts, mais surtout grâce à sa compétitivité la Tunisie dépassait largement le Maroc, dans tous les créneaux de l’industrie manufacturière, ce qui n’est plus le cas après 10 ans de recul pour l’industrie tunisienne. En effet, le volume des exportations tunisiennes vers l’Europe, a atteint en 2018, environ 10 milliards d’euros contre 9 milliards en 2010, tandis que les exportations du Maroc vers l’Union européenne étaient de 8 milliards d’euros en 2010. En 2018, elles dépassaient les 18 milliards d’euros, soit plus que le double. “Le mal vient de chez nous, les problèmes sont exclusivement endogènes. Cela fait 10 ans qu’on nous parle de diversification des marchés, d’aller vers de nouveaux marchés, notamment arabe, africain, etc. Mais ces marchés-là n’achètent ni textile, ni composants automobiles, ni pièces mécaniques, etc.”, a-t-il souligné.
Il a ajouté que l’instabilité qu’a vécue la Tunisie, à tous les niveaux, notamment financier, social, monétaire, fiscal, couplée à la mauvaise gouvernance et la bureaucratie qui s’est paradoxalement alourdie, ont été à l’origine du recul de l’industrie de la Tunisie. “Le climat des affaires, la logistique, notamment le transporteur national, se sont tous détériorés et cette détérioration a fait reculer l’industrie», estime l’orateur.
Pour une bonne gouvernance
«Mais malgré tout ce que nous avons vécu, les choses sont entre nos mains. On peut relancer notre industrie. Mis à part l’agroalimentaire, le textile était le seul secteur qui n’a pas licencié les employés et qui est apte à rebondir demain”, a-t-il noté. Par ailleurs, M. Ennaifer a fait savoir que grâce à une bonne stratégie, une bonne gouvernance, ainsi qu’une dynamique de PPP, on est tout à fait capable de remettre l’industrie tunisienne sur les rails.
Ce même constat a été partagé par l’ancien ministre du Tourisme, Slim Tlatli, qui s’est interrogé si ce recul de l’industrie tunisienne constitue “un décrochage définitif” ou plutôt d’un recul qui prélude d’une reconfiguration. Au sujet de la crise du coronavirus, il a expliqué que cette crise constitue—malgré les menaces qu’elle représente, notamment en matière de perte d’emploi—, une opportunité. “ Il y a deux types d’opportunités. Une première qui est liée au mouvement de relocalisation que l’Europe est en train d’observer. Le deuxième type d’opportunité est celui du potentiel de télétravail dont la Tunisie a fait montre. Grâce à cette aptitude de télétravailler, on peut ne plus avoir une fuite de cerveaux”, a-t-il estimé. Par ailleurs, il a souligné qu’il est urgent d’effectuer une transformation de l’industrie tunisienne vers ce qui est communément connu sous l’appellation industrie 4.0.