Convaincre serait une tâche bien ardue pour la nouvelle équipe gouvernementale lors de la séance d’évaluation prévue pour demain en raison de l’animosité non dissimulée du parti Ennahdha à l’égard du « candidat du président de la République Kaïs Saïed » depuis son investiture et à cause d’une situation économique grave, des remous sociaux et notamment une composition hétéroclite à l’hémicycle qui n’a fait qu’accroître les divergences et l’émergence de nouveaux partis, reléguant au second plan les dossiers prioritaires et se livrant une guerre par motions interposées.
Une séance plénière aura lieu demain, jeudi 25 juin, au Parlement, et se penchera sur l’évaluation des 100 premiers jours de l’action gouvernementale ainsi que le plan économique et social post-Covid. Après l’échec du parti Ennahdha à faire passer le gouvernement de Habib Jemli, le parlement avait accordé sa confiance à l’équipe d’Elyes Fakhfakh par 129 voix pour, 77 contre et une seule abstention sur un total de 207 députés en février 2020. L’ombre du camouflet subi par le parti classé premier aux législatives de 2019 plane toujours sur l’hémicycle au point qu’il a appelé le Chef du gouvernement à élargir la ceinture politique le soutenant. Le niet de ce dernier ne tardera pas à venir et d’une manière bien claire mais dont l’écho se fera indubitablement ressentir lors de la plénière de demain.
En dents de scie
Des ministres au sein de l’équipe Fakhfakh n’ont pas eu le temps de prendre leur souffle et se sont retrouvés en pleine action et ont pu en toute logique émerger du lot, notamment ceux qui ont été désignés à la tête de ministères régaliens. D’autres n’ont pu encore s’affirmer et ont fait preuve d’inefficacité, légitimant ainsi les critiques autour de l’utilité même de leur département ministériel. La mauvaise gestion et le conflit d’intérêts dans l’affaire des bavettes qui a défrayé la chronique ont acculé le Chef du gouvernement à s’expliquer et le ministre de l’Industrie, Salah Ben Youssef, à s’excuser à l’ARP.
Citant la lutte contre la corruption comme l’un des piliers de sa politique, le Chef du gouvernement s’est laissé prendre lui-même dans les filets des conflits d’intérêts par le biais d’actions en sa possession dans un groupe d’entreprises. Oubli ou omission ? On ne le sait pas trop. Les deux ministres, Mohamed Abbou, intransigeant d’habitude, et Ayachi Hammami n’ont pas manqué de venir à la rescousse du Chef du gouvernement. Pour mettre un terme à la polémique, ce dernier décide de céder ses actions dans une société faisant partie d’un groupement d’entreprises qui traite directement avec l’Etat pour éviter tout conflit d’intérêts, annonce Abbou, selon l’agence TAP.
Sans attendre le délai d’un mois qui lui a été fixé par le doyen et président de l’Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc) Chawki Tabib pour « régulariser sa situation », le Chef du gouvernement a bien fait de montrer le bon exemple avant le passage le 25 juin devant la plénière. La décision est un peu tardive, commentera le député Yassine Ayari dans un post sur son compte facebook.
Des ministres ont pris le train en marche, d’autres ont raté le départ
Le baptême du feu a été clément pour les uns mais bien périlleux pour d’autres. Confinement sanitaire oblige, le ministre de l’Energie et des Mines, Mongi Marzouk, s’est retrouvé bloqué en France après les vacances de l’Aïd. L’anathème est très vite jeté sur ce dernier nonobstant la bouée de sauvetage tendue par Elyes Fakhfakh qui a expliqué que son ministre a obtenu un accord exceptionnel de la présidence du gouvernement pour se rendre en France durant les congés de l’Aïd afin de régler des « affaires personnelles ».
Nommé à la tête du ministère des Domaines de l’État et des Affaires foncières, Ghazi Chaouachi, avocat et cofondateur du Courant démocratique, n’a pas beaucoup attendu pour dépoussiérer certains épineux dossiers et tenter d’activer la procédure de restitution des biens de l’Etat et annonce dans la foulée son intention de créer une agence de gestion des biens confisqués. Mais face au groupe Mabrouk, il bute à une affaire bien complexe. Attendons la suite.
Sur la même trace, Mohamed Abbou, ministre chargé de la Fonction publique, de la Bonne gouvernance et de la Lutte contre la corruption, monte très vite au créneau de par certaines actions entreprises, mais il n’a pas échappé à des critiques frontales à cause de sa position à l’égard d’affaires inhérentes au conflit d’intérêts. Un « traitement de faveur », selon certains observateurs.
La propagation du coronavirus a acculé certains ministres fraîchement désignés à prendre le train en marche dont notamment Abdellatif El Mekki (la Santé) alors que d’autres n’ont pas manqué de déclencher un bras de fer avec l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt) de par leur traitement de certains dossiers, à l’instar de Anouar Maârouf, ministre du Transport et la Logistique, du parti Ennahdha.
L’adoption d’un projet de décret gouvernemental stipulant l’application du port du bracelet électronique comme alternative à la peine de prison pour décongestionner les lieux de détention (ministère de la Justice), la réforme en vue du service militaire pour les jeunes (ministère de la Défense), les nouvelles mesures se rapportant à la loi de Finances complémentaire et le secteur informel ( ministère du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale) et bien d’autres projets autour des grandes réformes sous l’œil attentif de Lobna Jeribi sont venues confirmer une volonté affichée de la part de l’équipe de Fakhfakh pour s’attaquer aux grands chantiers, mais il va sans dire que d’autres nouveaux départements ministériels manquent, 100 jours après, de visibilité .
Série de rencontres pour Fakhfakh
Le refus du Chef du gouvernement d’élargir la ceinture de l’Exécutif comme le souhaite le parti disposant du plus grand nombre de sièges au Parlement, Ennahdha, risque de compliquer la tâche à son équipe lors de l’audition de l’évaluation, mais il est sûr que chaque parti se rangera aux côtés de « ses » ministres et que l’évaluation sera subjective et faussée par des alliances partisanes.
Le chef du gouvernement a entamé à cet effet une série de rencontres avec les blocs parlementaires appuyant le gouvernement dont le parti Ennahdha et le bloc Démocratique le 22 juin. Les débats ont porté sur la situation générale du pays et les derniers développements en lien avec la crise du coronavirus et ses répercussions sociales et économiques. L’insistance a porté à cette occasion sur la nécessité d’accélérer les réformes fondamentales au profit du citoyen et de renforcer la confiance entre les diverses composantes politiques du gouvernement et coordonner les efforts.
Convaincre serait une tâche bien ardue pour la nouvelle équipe gouvernementale lors de la séance d’évaluation prévue pour demain en raison de l’animosité non dissimulée du parti Ennahadha à l’égard du « candidat du président de la République Kais Saied » depuis son investiture et à cause de la grave situation économique, les remous sociaux et notamment une composition hétéroclite à l’hémicycle qui n’a fait qu’accroître les divergences et l’émergence de nouveaux partis reléguant au second plan les dossiers prioritaires et se livrant à une guerre par motions interposées.