Les accidents de la route ont repris de plus belle ces derniers temps. Avec plus d’un millier de tués sur les routes en 2019, la Tunisie est classée par l’Organisation mondiale de la santé à la 138e position sur 180 pays avec un taux de mortalité de 24,4 morts pour 100.000 habitants en termes d’accidents de la route. Triste constat. Le dernier drame à Menzel Témime (Nabeul), qui a fait selon le dernier bilan neuf morts et quatre blessés dimanche 19 juillet 2020, confirme la dégradation des conditions de transport en Tunisie. Après l’accident sur l’autoroute Tunis-Sousse causé par le renversement d’un louage causant neuf blessés ou encore les trois morts dans l’accident de la route à Monastir en début de mois, l’hécatombe se poursuit frénétiquement. Présidente de l’ASR, Afef Ben Ghenia milite depuis 2013 pour des routes plus sûres en Tunisie avec des succès notables au moins à son niveau d’intervention. Elle condamne de tout temps le manque de répression, l’impunité et l’absence de contrôle dans certains endroits névralgiques et potentiellement dangereux, mais elle compte passer à une étape supérieure dans son combat pour sauver des vies sur les routes tunisiennes. Elle dresse un constat implacable et ne désarme pas en vue de rectifier le tir sur plusieurs points comme un meilleur contrôle de la vitesse au volant pour les automobilistes et le port du casque pour les motocyclistes.
Que pensez-vous des derniers accidents qui ont eu lieu sur nos routes? Y a-t-il à craindre une recrudescence durant la période de l’Aïd El Idha cette semaine et au cours du mois d’août? Quelle est votre évaluation de la situation de la sécurité routière au cours de la période du confinement et après le déconfinement ?
Nous avons observé une baisse des accidents de la route au cours de la période du confinement. Cela s’explique par la baisse de la fréquence et du mouvement routier tout en sachant que même pendant cette période, on a enregistré des accidents mortels avec 78 morts sur nos routes au cours des mois d’ avril et de mai, ce qui explique bien que le facteur humain reste en premier lieu la vraie cause des accidents de la route avec les comportements irresponsables sur la route. La période après le confinement en est témoin avec le nombre de morts qui a augmenté (140 personnes) depuis le 1er juin jusqu’au 23 juillet 2020 à cause des accidents de la route, alors qu’on n’a enregistré que 50 morts avec le Covid-19. Mais malheureusement, la problématique des accidents de la route n’est pas arrivée jusqu’à maintenant à susciter l’intérêt et l’attention adéquate de nos décideurs malgré que les accidents de la route aient causé plus de morts que l’épidémie à travers le monde.
Nous avons peur que le manque de civisme sur nos routes et le comportement irresponsable d’un bon nombre de conducteurs soient responsables d’un plus grand nombre de victimes et de tragédies sur nos routes pendant la période de l’Aïd El Idha et le mois d’août, c’est pour cela que nous sommes en train de redoubler d’effort avec toutes les parties prenantes afin de prévenir une éventuelle recrudescence des accidents de la route.
La Tunisie a réalisé des progrès sur le plan législatif depuis 2017 avec l’obligation du port de la ceinture à l’avant et à l’arrière et pourtant le bât blesse car l’application de la loi fait défaut…
Le problème réside, en effet, dans la mise en vigueur de lois et décrets promulgués. A titre d’exemple, il a fallu attendre depuis 2002 jusqu’à avril 2017 pour l’établissement de la loi relative à l’obligation du port de la ceinture à l’avant et à l’arrière pour sauver des vies et les statistiques ont bien montré la diminution du nombre de tués vu que le port de la ceinture diminue la gravité d’un accident mortel de 50% pour les passagers des sièges avant et de 75% pour ceux des sièges arrières, et l’ASR a eu l’honneur d’avoir participé activement pour la mise en vigueur de cette loi avec sa grande campagne «Hotessabtta».
Malheureusement, tout le monde a pu noter un notable déclin quant au port de la ceinture. D’ailleurs, c’était bien la cause qui nous a conduits avec nos partenaires dans le programme national «Vacances en Sécurité 2020» à mettre l’accent lors du mois de juillet sur le thème de la ceinture de sécurité, en faisant appel aux diverses structures du ministère de l’Intérieur et essentiellement à la Police et la Garde Nationale pour intensifier le contrôle sur nos routes car la sensibilisation sans la répression ne peut guère donner de résultats concrets.
Et cela prouve bien que toutes les parties prenantes dans le domaine de la sécurité, routière doivent réviser leur stratégie de travail et promouvoir une approche intégrée de la sécurité, développer des solutions durables sur le long terme dans le domaine de la sécurité, mais aussi renforcer la collaboration nationale entre les secteurs, y compris l’engagement des ONG et des acteurs de la société civile, des entreprises et de l’industrie qui influent sur le développement économique et social des pays tout en étant des parties prenantes actives.
D’ailleurs, lors de la 3e Conférence mondiale sur la sécurité routière qui s’est tenue en février dernier à Stockholm à laquelle j’ai participé activement au nom de l’ASR, l’une des recommandations les plus importantes issues de cette conférence était l’instauration d’une collaboration entre les diverses parties prenantes des secteurs public et privé, du monde universitaire, des organismes professionnels, des organisations non gouvernementales et des médias afin de réduire de 50% le nombre de décès consécutifs à des accidents de la circulation routière entre 2020 et 2030. La Tunisie a bien adhéré et s’est engagée à atteindre cet objectif.
L’anarchie qui règne sur nos routes, à cause des louagistes appelés les «fous du volant» qui n’en font qu’à leur tête et font fi des règles élémentaires en matière de sécurité routière sans focaliser uniquement sur eux, peut-elle demeurer encore longtemps malgré tous les dégâts humains et matériels occasionnés ?
Je crois qu’il est temps de réagir et cette fois-ci rigoureusement en faisant appel aux instances concernées afin d’agir devant les catastrophes causées par l’irresponsabilité de certains «louagistes» et d’être plus ferme. D’ailleurs, il y a une campagne, démarrée le 1er juillet, par la police et la Garde Nationale pour intensifier les contrôles routiers face au comportement irresponsable et dangereux de conducteurs qui cause la mort de beaucoup d’innocents sur nos routes. Le retrait de leur permis et de leur carte professionnelle s’impose afin qu’ils pensent mille et une fois avant de terroriser les autres usagers de la route, d’où un appel à la révision des sanctions dans le code de la route afin que les sanctions soient plus répressives.
L’ASR, qui a été récompensée doublement, le 10 décembre 2019 à Londres en Grande-Bretagne, pour son action en faveur de la sécurité des usagers et, auparavant en avril 2019, à Athènes en Grèce, prévoit-elle d’obtenir de nouvelles consécrations à l’échelle internationale pour démontrer que la Tunisie reste sur la bonne voie pour «des routes plus sûres»?
Oui, l’ASR a eu l’honneur d’avoir été primée doublement cette année à l’échelle internationale avec deux prix distinctifs et prestigieux attribués par des jurys composés des meilleurs experts mondiaux de la sécurité routière suite à ses efforts et son travail distingué dans le domaine de la sécurité routière. Ces récompense ne font que nous motiver encore plus afin de poursuivre notre lutte avec des projets et des programmes concrets capables de réduire sur le terrain le nombre des victimes des accidents de la route pour montrer à la communauté internationale que notre ONG est capable de faire la différence et de montrer que notre pays retiendra l’engagement qu’elle a fait lors de la 3e Conférence mondiale à Stockholm et qui est d’atteindre les objectifs mondiaux d’ici 2030 et de réduire de 50% le nombre des accidents de la route ainsi que les tués et blessés.
On espère aussi que la reconnaissance émanera la prochaine fois aussi de notre pays et sera couronnée par une réduction remarquable de victimes des accidents de la route.
Car nous, en tant que militants de la société civile, nous estimons que la sécurité routière est un droit qu’il faut préserver.
Une campagne nationale intitulée «Vacances en Sécurité, été 2020» pour sauver le maximum de vies sur nos routes en collaboration avec le ministère de l’Intérieur et d’autres organisations a démarré le 1er juillet dernier et devra se poursuivre jusqu’au 15 septembre 2020. Cette campagne met l’accent sur trois thèmes, en l’occurrence le port de la ceinture de sécurité, la limitation de la vitesse et le port du casque. Il s’agit là d’une action fort louable et appréciable. Sera-t-elle suffisante pour autant pour atteindre les objectifs escomptés, à savoir moins de mille tués sur nos routes en 2020 ?
Le point fort de cette campagne est l’alliance entre les structures du ministère de l’Intérieur et un nombre d’ONG qui ont accepté d’y adhérer.
Cette alliance a pour objectif d’ unifier les efforts pour atteindre l’objectif de moins de 1.000 morts sur la route pour l’année 2020 à travers le lancement de cette campagne nationale.
Je suis assez optimiste quant à la possibilité d’atteindre cet objectif planifié, vu que cette campagne a unifié les efforts des diverses parties afin de responsabiliser nos usagers de la route et de limiter les dégâts humains et matériels.