Rached Ghannouchi, président de l’Assemblée des représentants du peuple et chef du parti Ennahdha, a, dans une conférence de presse tenue à Sfax, annoncé que le Parlement veillera dès la nouvelle année législative à parachever la constitution de la Cour constitutionnelle et à amender le Code électoral. Cette annonce sous-entend que même si le gouvernement Mechichi obtient le vote de confiance, la rentrée législative accordera une priorité absolue à ces deux points importants qui manquent à l’arsenal juridique pour permettre aux partis vainqueurs des élections législatives de faire face aux choix du Président de la République. En effet, pour Ghannouchi, dans l’état actuel, « personne ne peut se prévaloir d’interpréter à sa guise la Constitution », faisant allusion au Chef de l’Etat qui, tout en critiquant certains articles de cette Constitution, à l’instar de son article premier qui stipule que « La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l’Islam est sa religion, l’arabe sa langue et la République son régime », avait considéré erroné le fait de parler de « religion de l’Etat », soulignant à cet effet que l’Etat ne peut avoir de religion, mais « ce sont les citoyens qui peuvent avoir une religion ». Vraisemblablement irrité par la récurrence des propos du Chef de l’Etat quant à certaines dispositions de la Constitution, Ghannouchi accélèrera le processus de parachèvement de la Cour constitutionnelle qui, une fois mise en place, sera la référence de recours en cas de litige sur le sens de ces articles qui, faut-il le reconnaître, sont parfois vagues, incomplets ou inachevés. De ce fait, Ghannouchi aspire à déposséder le Chef de l’Etat, dont les compétences dans le domaine juridique laissent sa lecture du texte et ses décisions sans appel, de cette arme qui lui permet de régner en maître absolu en l’absence d’une Cour constitutionnelle qui est seule compétente pour contrôler la constitutionnalité des projets de loi, des traités et de toutes les questions d’inconstitutionnalité soulevées par l’une des parties. Ce qui fait que Saïed a les coudées franches dans ce contexte marqué par l’inexistence de ce chaînon juridictionnel puisqu’il est, selon l’article 72, « le symbole de l’unité du pays dont il garantit l’indépendance et la continuité et veille au respect de la Constitution ». L’autre projet auquel tient Ghannouchi est l’amendement de la loi électorale en vue d’enlever à Ennahdha cette épine du pied qui chaque fois qu’il sort vainqueur des élections se voit obligé de chercher un corps politique étranger à ses fondamentaux pour pouvoir gouverner. L’objectif d’Ennahdha serait non seulement de barrer la route aux indépendants mais aussi aux partis mineurs qui siègent au Parlement à cause de la politique du quotient électoral où les sièges non répartis sont attribués sur la base du plus fort reste au niveau de la circonscription. En votant de tels amendements qui poseraient de nouvelles conditions très ciblées, Ennahdha espère reprendre le contrôle sur le législatif avec un nombre plus important de députés pour sa coalition et faire main basse sur l’exécutif, soit tout simplement recouvrer le pouvoir dont il se sent délesté. Une fois ces outils en sa possession, Ennahdha procédera à un retrait de confiance au gouvernement Mechichi et ne craindra pas de croiser le fer avec Saïed et d’aller de nouveau aux urnes pour faire face à des candidats dispersés. Pour le moment, Ennahdha se contentera de lisser la crise et de préparer la riposte qui le maintiendra au pouvoir longtemps, plus longtemps. Mais ce serait sous-estimer encore une fois la botte secrète de Kaïs Saïed.
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