Des milliers d’élèves prendront cette semaine le chemin de l’école après six mois d’interruption des études. Pour certains parmi eux qui résident dans des régions reculées, il sera difficile d’endosser le tablier, de prendre le cartable et d’aller à une école qui n’offre rien à part les cours. Et c’est exactement la découverte de ces espaces délabrés, parfois sans clôture, dépourvus de toilettes décentes, sans salles de révision, sans espaces verts, sans lieux de détente, de relaxation, sans bibliothèques, sans salle, de sport qui nous amène à comprendre pourquoi des élèves pleurent le matin tellement et ont peur d’aller en classe. De plus, le manque d’eau dans ces écoles et le problème d’hygiène en pleine pandémie de Covid-19 inquiètent les parents, les autorités sanitaires et le corps enseignant. Elles sont près de 500 écoles privées d’eau.
« Partout nous avons bâti des écoles près d’un puits et là où il n’y en avait pas nous avons prévu des citernes. Car l’hygiène devra être enseignée comme le calcul et la grammaire », affirmait Ali Belhouane, l’homme qui a conçu et créé l’école du peuple et qui était le président de la commission du « Relèvement social », cette branche du Néo-Destour qui prit une importance particulière le jour où la lutte contre le colonialisme cessa. C’est pour dire combien la question de l’hygiène était importante et présente dans les esprits à cette époque-là. En effet, il est choquant de constater qu’après plus de 60 ans, la Tunisie compte des écoles sans points d’eau. Lors d’une conférence de presse tenue le 11 septembre, le ministre de l’Education, Fathi Slaouti, s’est engagé, à fournir l’eau potable à tous les établissements éducatifs confrontés à des problèmes d’approvisionnement régulier en eau, soit 461 écoles, ainsi que des masques et du gel hydroalcoolique au profit de tous les élèves issus de familles démunies.
Un programme d’approvisionnement en eau
Pour sa part, le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche a annoncé un programme d’approvisionnement des écoles en eau potable dans le cadre des mesures sanitaires et des modalités applicables à la rentrée scolaire 2020 pour lutter contre le coronavirus (Covid-19). Il s’agit de raccorder 37 écoles au mois de septembre pour porter le nombre total d’écoles alimentées depuis 2015 en eau potable à 713, soit 83%. Quant au programme d’assainissement qui a été lancé en 2016, les travaux ont été achevés, en septembre 2020, dans six écoles supplémentaires, ce qui porte le nombre total d’écoles raccordées au réseau à 590 (71%).
Mais ces chiffres révèlent que l’Etat doit mettre les bouchées doubles pour pallier ces défaillances qui sont parmi les raisons du décrochage scolaire.
Une nécessité
Dans ce sillage, le respect de l’hygiène à l’école est une nécessité communément admise et les orientations pour l’éducation à la santé à l’école et au collège ne sont pas des moindres.
Cependant, bien que l’apprentissage de l’hygiène soit inscrit dans les programmes scolaires et qu’au niveau des familles les actions de sensibilisation pour une meilleure hygiène se multiplient auprès des écoliers (hygiène corporelle, bucco-dentaire, alimentaire, etc.), il est déplorable, à ce propos, de souligner que dans certains établissements scolaires, les règles les plus élémentaires d’hygiène ne sont pas respectées, les élèves devant s’accommoder de l’existant.
En effet, des entorses aux règles d’hygiène sont, en toute contradiction, le quotidien de nombreux établissements scolaires et rien qu’au niveau des sanitaires, l’on relève des problèmes récurrents : nombre insuffisant de toilettes, éloignement du bloc sanitaire, manque de propreté et mauvaises odeurs, fermetures défaillantes des portes, robinets hors d’usage, absence d’éclairage, de savon ou d’essuie-mains, ce qui provoque chez les enfants un inconfort physique et des maux en tous genres.
Or, les implications médicales du non-respect d’un minimum d’hygiène corporelle sont parfaitement connues en termes de pathologies (infections urinaires ou génitales, troubles mictionnels, constipation), d’épidémie et de psychologie.
Il n’y a pas à rougir de le dire sans détour : ils sont nombreux ces enfants qui déclarent ne jamais se rendre aux toilettes ou qu’ils y vont à contrecœur. Les parents ou les médecins l’attestent, les maux de ventre chez cette population scolaire sont fréquents. Pour n’avoir pu utiliser opportunément les toilettes, des élèves éprouvent de la gêne pour effectuer leur travail à l’école ou au collège. D’ailleurs, ils réclament d’aller aux toilettes dès leur retour à la maison.
Certes, quand le sujet est abordé en quatrième vitesse, les réponses sont incontournables : manque de moyens financiers, de personnel d’entretien et d’effectif de surveillance.
N’empêche, il est temps d’évaluer les conditions existantes, de planifier les améliorations, de les concrétiser en matière d’hygiène et d’élaborer un programme d’entretien des équipements et de nettoyage des sanitaires en fonction de leur utilisation intensive entre les cours et à certains moments de la journée.
Certes, on le savait depuis longtemps. L’Etat est incapable de prendre en charge à lui seul le financement des travaux de construction, de rénovation des écoles publiques, vu les moyens limités dont il dispose. Mais les acteurs de la société civile peuvent lui prêter main-forte. Il est à noter que le nombre d’élèves atteindra en 2032 près de 2.666.918 élèves et que pour satisfaire les besoins accrus, le ministère de l’Education doit construire 400 nouvelles écoles dont plusieurs dans 150 « zones noires » pour les deux prochaines années afin d’assurer la scolarisation des élèves.