Au sein d’Ennahdha, la fronde des 100 signataires implorant Rached Ghannouchi de faire valoir ses droits à la retraite est-elle sur la voie d’être récupérée par les professionnels des solutions consensuelles ?
Qui aurait pronostiqué en février 2011, quand Rached Ghannouchi a regagné triomphalement la Tunisie à l’issue d’un exil de près de vingt ans à l’étranger, que dix ans après la révolution et dix ans après avoir goûté aux délices du pouvoir, le même président (presque à vie) et leader du parti nahdhaoui se trouve aujourd’hui acculé, conseillé ou poussé par ses propres disciples, dont certains qu’il considérait jusqu’à une époque récente comme ses propres fils à annoncer qu’il ne briguera pas un troisième mandat à la tête du parti à l’occasion du prochain congrès d’Ennahdha prévu pour décembre prochain, une décision qu’il est invité et exhorté à prendre en signe de son respect de l’article 31 du statut du parti stipulant que la présidence du mouvement ne peut pas dépasser deux mandats successifs de quatre ans chacun, les deux derniers mandats (2012-2016 et 2016-2020) ayant été déjà consommés par Rached Ghannouchi ?
Et les Tunisiens, la base nahdhaouie en premier lieu, de suivre quotidiennement les développements qu’enregistre à longueur de journée, d’une part, l’appel lancé à Rached Ghannouchi par une centaine de responsables d’Ennahdha lui demandant de faire connaître sa position personnelle définitive sur l’affaire du possible troisième mandat, loin des déclarations de certains respon- sables connus pour être proches du président du parti et qui pré- tendent parler en son nom, mais sans assumer la responsabilité de leurs analyses ou approches et, d’autre part, le silence assourdissant observé jusqu’ici par Ghannouchi qui refuse toujours de répondre officiellement aux exhortations qui lui ont été lancées, même si une certaine lettre-réponse à lui attribuée officieusement a circulé dans les médias et dans laquelle il aurait fait comprendre aux frondeurs qu’il n’est pas question qu’«un leader (Zaïm) de ma trempe quitte la présidence d’Ennahdha à un moment où le parti, la Tunisie ou même la région méditerranéenne ont encore besoin de mon expérience, de mon savoir-faire et de mes compétences».
Place aux solutions consensuelles
Et au moment où Mohamed Ben Salem et Samir Dilou, du côté des signataires de l’appel des cent frondeurs, et Yamina Zoghlami, Kha- lil Barhoumi et Rafik Abdessalem, du côté des «légalistes attachés à l’expérience et au charisme du président-leader fondateur du parti», occupent les plateaux radio et TV pour expliquer les dessous de l’afaire et mobiliser les bases mili- tantes nahdhaouies en prévision du prochain congrès dans l’objectif de faire prévaloir le respect du statut et de s’empêcher d’en amender le fameux article 31 ou d’accepter l’approche selon laquelle il faut s’adapter aux nouvelles exigences et admettre la nécessité de réviser l’article en question, bien des tentatives tendant à trouver une solution consensuelle propre à satisfaire les deux fractions en conflit sont menées au sein d’Ennahdha dans le but d’empêcher l’éclatement du parti dans le sens du retrait des leaders-frondeurs qui menacent de quitter la maison au cas où leurs revendications ne seraient pas satisfaites.
Ainsi, dans le but de préserver l’homogénéité du parti et de prouver qu’il demeure toujours un espace de discussion libre et démocratique au point d’implorer le président du parti de faire valoir ses droits à une retraite paisible digne de son long investissement à la tête d’Ennahdha, certaines sources se disant proches des grandes décisions au sein du mouvement assurent qu’il est possible de mettre en place une troisième solution consensuelle qui consacrerait le double objectif suivant.
D’abord, dégager un nouveau président à la tête d’Ennahdha qui serait une personnalité connue pour sa vocation de rassembler les militants du parti et pour son ouverture sur les autres formations politiques ainsi que sur les différentes composantes de la société civile. Et quand Abdelkrim Harouni, l’un des fidèles lieutenants de Rached Ghannouchi parle de l’éventuel retour de Hamadi Jebali au parti, il ne parle pas sûrement en l’air et il n’exprime pas sa propre opinion.
Ensuite, laisser au congrès la possibilité de «confectionner» un poste de direction au sein du parti qui sera offert au «Zaïm» dont les services et l’apport sont toujours sollicités par les nahdhaouis.
Abdelkrim Harouni a lancé l’idée. On attend la réponse des frondeurs qui pourraient assouplir leurs positions en saisissant le message que leur a envoyé, mardi, Rached Ghannouchi, en désignant Noureddine Arbaoui, l’un des signataires les plus médiatisés de l’appel des 100 contestataires, pour aller rencontrer, au nom d’Ennahdha, le Chef du gouvernement Hichem Mechichi, ren- contre s’inscrivant dans le cadre des consultations presque quotidiennes menées par le locataire du palais de La Kasbah avec les partis politiques, les composantes de la société civile et les personnalités nationales.