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Crise du secteur pétrolier | L’impératif de la reprise

Face à l’augmentation croissante de la consommation et le déclin naturel des champs de pétrole, la relance de l’exploration notamment pétrolière, mais aussi des réservoirs dits non conventionnels, s’impose pour assurer le renouvellement des réserves.

Certes, la Tunisie n’est pas un pays pétrolier. Mais le secteur des hydrocarbures  est un secteur clé pour l’économie tunisienne. Pour avoir un aperçu sur ce secteur et, plus particulièrement, celui du pétrole, il faudrait a priori planter le décor avec les indicateurs relatifs à la consommation et à la production d’énergie primaire en Tunisie. En effet, depuis les années 90, la consommation en énergie primaire suit une tendance haussière à un rythme soutenu accusant une croissance moyenne de 2 % par an.

En 2019, la demande nationale d’énergie primaire a atteint un niveau sans précédent de 9,5 millions tep (Mtep). A son tour, le déficit du bilan énergétique  continue  sa hausse pour se situer à 5,7 Mtep, entraînant une aggravation  de la balance commerciale énergétique, dont le déficit a été multiplié par 15 en l’espace de 9 ans, passant de 480 millions de dinars en 2010 à plus de 7400 millions en 2019. Cet écart grandissant entre la demande et la consommation en énergie primaire en Tunisie a induit une incessante dégradation du taux d’indépendance énergétique qui était maintenu aux alentours de 85% entre 2000 et 2010 et qui a atteint un  taux alarmant  de 41% en 2019.

A cela s’ajoute la faible efficacité énergétique, si l’on sait que la Tunisie consomme à peu près  230 tep d’énergie primaire par million de dollars de PIB. Un niveau très élevé en comparaison avec des pays comme la France qui consomme 101 tep ou encore l’Allemagne qui n’a besoin que de 86 tep par million de dollars de PIB. C’est dans ce contexte d’aggravation de déficit énergétique mais aussi de tensions sociales rallumées et suscitées par la campagne ‘Où est le pétrole” que l’Association tunisienne du pétrole et du gaz (Atpg)  a publié, en 2018,  un ouvrage qui donne une rétrospective exhaustive du secteur tunisien de l’énergie au cours des cinq dernières décennies. Élaborée par 13 experts et ingénieurs dans le domaine de l’énergie et des hydrocarbures, cette rétrospective aborde d’une manière scientifique l’évolution du secteur en termes de production, de réserves et de nouvelles opportunités (hydrocarbures non conventionnels).

Les Majors quittent le pays à cause du faible taux de succès

Dans ce document,  le consultant international en géosciences internationales, Ali Gaaya, est revenu sur l’histoire, mais aussi sur l’état des lieux de l’exploration pétrolière et gazière en Tunisie dont les débuts remontent à 1894. En effet, l’expert considère que la période entre 1960 et 1995 comme  étant  l’âge d’or de l’exploration pétrolière et gazière en Tunisie, avec la découverte en 1964 du champ géant d’El Borma au sud tunisien par la société Agip (filiale de la société italienne ENI), mais également d’importants champs offshore de pétrole d’Ashtart en 1971. Ces découvertes importantes ont réussi à attirer “les Majors” internationaux comme Shell, Marathon, British Gas ou Total, qui ont acquis des permis d’exploration, dont le nombre a atteint la trentaine au début des années 80.

A cette période-là, le nombre de forages par an a atteint un pic entre 25 et  28 forages par an. La production pétrolière qui a résulté du développement de ces découvertes, ainsi que celles réalisées par les Majors, tels que Douleb, Sidi Litayem, Tazerka, Mahres, Ezzaouia ou Cercina, s’est élevée à un plateau entre 5 et 6 millions de tonnes par an  correspondant à un pic de 110 000 barils par jour entre  1979 et 1984.

Mais  toutes ces découvertes “étaient de petite  taille” et “n’arrivaient pas à compenser l’augmentation sans cesse croissante de la consommation, ni le déclin naturel des principaux champs de pétrole”, précise le rapport. S’ajoute à cela  le faible taux de succès inférieur à 20% dans la plupart des régions terrestres ou maritimes. Ce qui a poussé certains Majors à quitter le pays. Ils ont cédé la place à des “indépendants” de moindre capacité technique et financière qui ont maintenu une activité relativement élevée, avec quelques succès.

Des réserves modestes en comparaison avec nos voisins

“Le développement et la mise en production par British Gas  des découvertes de Miskar en 1996, puis de Hasdrubal en 2006, a permis d’atténuer un déficit énergétique, qui ne faisait que s’amplifier depuis l’année 2000”, indique le document. L’auteur souligne que la situation de l’exploration s’est nettement dégradée dès le deuxième semestre 2014, suite, premièrement, au crash du prix du baril de pétrole, qui est passé de 110 dollars  à environ 48 dollars, mais aussi à l’instabilité politique et sociale, survenue après la révolution de 2011.

En effet, comme le montre le rapport annuel 2019 de l’Etap, le montant des investissements d’exploration a atteint à fin 2019, 77,4 millions de dollars, certes une augmentation par rapport à 2018 et 2017 où le montant des investissements n’était que respectivement de 57 millions  et 46 millions de dollars, mais très inférieur par rapport au volume d’investissement de 2010 qui a dépassé les 374 millions de dollars.

En réponse à la fameuse question pourquoi la Tunisie dispose-t-elle de réserves modestes en comparaison avec ses voisins pétroliers la Libye et l’Algérie, l’auteur explique que la Tunisie partage avec l’Algérie et la Libye un seul bassin (les pays voisins en ont une multitude), celui de Ghadamès – Berkine. Compte tenu des frontières actuelles, la superficie tunisienne de ce bassin n’en constitue que 10% qui se situe sur le bord du bassin, qui est  une partie peu structurée où les pièges s’avèrent de petite taille. Cependant, les nouvelles technologies permettent  d’améliorer significativement le taux de succès en exploration-appréciation que ce soit dans la région du Sud ou dans les régions du Nord et du centre où la géologie pétrolière est bien plus complexe.

Les réserves en déclin

Mais le problème majeur auquel est confronté la Tunisie est le déficit énergétique qui a commencé à s’accélérer depuis les  années 2000 et qui a atteint des niveaux alarmants après 2011. Selon le document, ce déficit s’explique, d’une part, par le renouvellement insuffisant des réserves, de la diminution de la production amorcée depuis 1985 qui s’est accélérée depuis 1993, et ce, malgré la mise en production du champ de gaz de Miskar en 1996, ainsi que des nombreuses petites découvertes.

D’autre part, il est dû à la constante augmentation de la consommation (environ 2% par an).  L’auteur estime qu’à l’horizon 2030, les hydrocarbures continueront à dominer la consommation nationale d’énergie malgré l’apport des énergies renouvelables. C’est dans ce sens, qu’il préconise de relancer l’exploration, que ce soit pour les thèmes classiques, ou bien pour les  hydrocarbures dits ‘non conventionnels’ tels que ‘le pétrole et gaz de schiste’, étant donné que les réserves (définis comme étant  les volumes de pétrole récupérables aux conditions techniques et économiques du moment dans des gisements exploités ou en passe de l’être)   restantes en 2015, sont estimées par l’EIA à 425 millions barils de pétrole. Les ressources techniquement récupérables du ‘pétrole et gaz de schiste’ sont estimées à environ 1 500 Mb de pétrole et 648 Gm3 de gaz.

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