Le divorce est un phénomène qui prend de l’ampleur, d’après toutes les sources, ces dernières années, sans que l’on trouve de remède ou de solution pour freiner ce fléau qui brise les ménages et disloque les familles.
D’année en année, le nombre de divorces ne cesse d’augmenter. Le nombre de mariages aussi, nécessairement. On parle de 45 cas par jour. En début de mois, une dépêche de l’agence TAP a signalé la précarité du mariage. La rupture du lien conjugal est souvent la résultante d’un problème matériel inhérent à la vie du couple ou du foyer. La dégradation du pouvoir d’achat du Tunisien et la cherté de la vie en sont les causes sous-jacentes.
Les nombreux sociologues et juristes, qui ont évoqué le sujet, n’ont pas trouvé le remède miracle à cette situation problématique liée au divorce. Ils se contentent de décrire le phénomène et ses dérives sans proposer des solutions qui puissent «sauver» le lien conjugal et empêcher la dislocation des familles. Les problèmes liés à la garde des enfants ont augmenté au cours des trois dernières années car ils constituent le nœud du conflit au moment de la rupture lorsque le couple divorcé a des enfants.
Facteurs matériels et psychologiques
L’absence du sens de la responsabilité de l’un des partenaires, ajoutée à d’autres facteurs, notamment matériels et psychologiques, constitue l’élément principal qui conduit au divorce. Le recours à la violence provoque également la rupture du lien conjugal. Etroitement lié au célibat, notamment lorsque le lien du mariage est rompu, le divorce a pris une nouvelle tournure, ces dernières années, avec les difficultés de la vie, dans le monde mais certainement propres au pays qui vit une crise sans précédent dans sa jeune histoire depuis l’Indépendance. On divorce pour des raisons de plus en plus nombreuses et variées, même si l’on répète à souhait sans être devin que les difficultés matérielles et financières ont la palme. On a recueilli des témoignages auprès de la gent masculine pour connaître les raisons de leur célibat retrouvé, suite au divorce ou au mieux de leur séparation d’avec leur femme. Zouheir Z., cadre supérieur, trentenaire, habitant à Ezzahra, raconte son parcours alambiqué depuis le mariage. «Je suis actuellement séparé de ma conjointe qui est retournée vivre chez sa famille, depuis de longs mois. Le contact est quasiment rompu, à cause de nombreux disputes et désaccords. Ma famille m’encourage à demander le divorce et recourir aux tribunaux pour mettre fin à un mariage raté».
On ne sait pas si le fait d’avoir ou de ne pas avoir d’enfant a pesé dans la balance au moment de la séparation après deux ans de mariage. On comprend bien ici que le divorce puisse être dû à un problème de caractère ou un décalage des habitudes et coutumes régionales. Hichem S., quadragénaire, résidant à l’Ariana, vient de divorcer après une longue relation de dix ans avec son ancienne épouse et deux enfants à charge. Au-delà des faibles moyens financiers du ménage, la raison principale du divorce a trait à un problème de caractère là aussi…». Elle est difficile et insupportable, avec un pic dans son attitude ingrate et lâche au moment où je rentre à la maison.
Dépression et tristesse
Elle me signifie qu’elle n’est pas heureuse alors que je travaille toute la journée et partage avec elle la gestion des enfants, dès le retour au bercail.
Elle aurait dû être plus patiente. Au lieu de cela, le foyer part en l’air et le ménage fout le camp pour de bon ! «Pauvres gamins…». Qui ne connaît pas autour de lui un couple divorcé au moins durant ces trois dernières années ? Quasiment personne au regard des statistiques. Un peu comme le coronavirus, il touche de plus en plus près si bien qu’on risque d’être concerné un jour ou l’autre tant que ce phénomène est très ressenti dans son entourage.
Les hommes sombrent souvent dans la dépression et la tristesse profonde dans une première étape avant de se décider à se remarier avec la «bonne». Celle qui fera durer longtemps le mariage, jusqu’à la fin de la vie en somme… On constate que les problèmes de caractère prennent souvent le dessus sur toutes les autres considérations d’ordre psychologique et matériel. Tous les défauts du monde rejaillissent après quelques années de mariage, à croire qu’il faut réfléchir à deux, voire trois fois avant de s’engager.
Quoi qu’on en dise, ce sont les hommes qui déposent plus de plaintes de divorce, mais dans les milieux plus favorisés où la femme est «reine», c’est quasiment l’inverse. Divorce caprice ou divorce pour préjudice subi, le résultat est le même. La femme devient totalement insatisfaite, craque et passe à l’acte pour rompre le lien conjugal. Une dernière histoire sur les ondes radio, ces derniers jours, fait part du récit d’un homme que sa femme a quitté en divorçant par deux fois à cause du fait qu’il est stérile et inapte à procréer ! Une raison suffisante pour briser le mariage et la confiance nourrie au début de la relation.
Abattu et résigné, il a suscité l’émoi auprès des auditeurs qui n’en croient pas leurs oreilles. A quoi bon se marier dès lors si c’est pour que l’un des partenaires prenne la poudre d’escampette au moindre désagrément ou désaccord ? C’est pour cette raison que beaucoup d’hommes avouent le concubinage calqué sur le modèle occidental… Mais les députés tunisiens, tels que Seif Jaziri, d’El Karama, ou le controversé Affès qui défendent la chasteté et la virginité jusqu’au mariage, ne risquent pas de digérer de telles réflexions de leurs concitoyens.
Hausse des plaintes et des demandes
Quelques données statistiques s‘imposent pour mieux connaître la réalité du côté des tribunaux. D’après la même dépêche, on apprend que «les décisions de divorce prononcées sont passées de 16.452 au cours de l’année judiciaire 2016-2017 à 16.750 au cours de l’année judiciaire 2017-2018, selon les dernières données du ministère de la Justice. Le nombre des demandes déposées par les maris a dépassé celui des demandes déposées par les femmes (9.926 demandes déposées par les maris contre 6.526 déposées par les femmes au cours de l’année judiciaire 2016-2017 et 9.963 demandes déposées par les maris contre 6.787 déposées par les femmes, au cours de l’année judiciaire 2017-2018)».
On terminera par cette citation de Chamfort sur le divorce :
«Le divorce est si naturel que dans beaucoup de maisons, il couche toutes les nuits entre les deux époux». Une manière de montrer qu’aucun couple n’est à l’abri avec les innombrables difficultés liées au mariage et que dès le premier jour du mariage, le compte à rebours est lancé… Le mariage dans la durée est un véritable défi par les temps qui courent.