« Tout le monde porte le même masque, comme si l’on portait tous le même fardeau tel un lien secret que de rares personnes sont seuls capable de se l’avouer.. »
Le photographe et réalisateur Slown possède le pouvoir de la transposition et l’habilité de nous emmener vers des ailleurs fictifs subjectifs et communs à la fois modelés par son imaginaire et insufflés par des réalités le plus souvent accablantes…Il ne s’agit pas uniquement de dépeindre des visions sombres ou dystopiques, ses postulats esthétiques, dichotomiques et métonymiques, révèlent les dimensions imagées communes entre passé et présent. Elles sont cette multitude de tangentes, ces possibles et ces possibilités qui frôlent le réel et la fiction.
Cela se poursuit avec son nouveau projet « Khanka » (Asphyxie) où il se joue des codes de l’art orientaliste pour donner naissance, comme il le note, à des muses qui incarnent dans chaque œuvre, un sentiment, une observation ou un fantasme lié au sentiment d’asphyxie régnant et » au mal-être tunisien ». Le tout réunit dans une une réelle expérience virtuelle, immersive ludique et accessible, actuellement, à tous.
« Cette aventure fictive a pour but premier d’offrir le plaisir de l’art en attendant le retour à la « normale » qui aura comme aboutissement l’avènement d’une grande exposition « Khanka » dans le réel. », souligne-t-il.
Ainsi et en cliquant sur le lien http://khanka.online/, on est propulsé dans un espace d’exposition virtuel où l’on peut découvrir les mises en scène photographiques de Slown. De cimaise en cimaise nous sont révélés de curieux personnages, des simulacres d’êtres aux visages recouverts de masques à gaz. « Bienvenue au pays des désillusions, bienvenue dans la Khanka. En chassant la dictature, nous avons connu le mal le plus perfide de la mythologie : l’espoir de la boite de pandore. Doucement on découvre que l’on n’aspire pas forcément au même rêve et pire encore, nos espoirs communs nous demanderont des sacrifices. D’une manière inconsciente, nous sommes entrés en résistance, chacun portant son masque à gaz imaginaire. Tel un peuple en guerre nous luttons, pour continuer, nous combattons comme si de rien n’était, comme si rien n’avait changé. Mais comment devenir sans détruire, comment dépasser le cadre dans lequel, nous nous définissons ? Nous portons tous un masque à gaz, dont nous cherchons où, comment et avec qui, nous en défaire le temps d’un soupir. » lit-on dans un texte qui accompagne l’exposition.
Ce nouveau travail est dans la lignée et la continuité de séries antérieures où Slown se plait à raconter et mettre en scène des identités déchues. Cela a commencé avec l’exposition « Ma Tunisianité » où il était question du rapport direct entre liberté d’expression, teintée par les attentats en 2015, les crises politiques à répétition et ce sentiment d’asphyxie.
Devenant à ses yeux plus vaste, comme il le note, la thématique touchait à quelque chose de bien plus profond que notre époque n’a fait que révéler. Plus universel, « Khanka », tout en réaffirmant la dimension artistique de la première série met en avant des personnages inspirés par des thématiques qui lui sont chères comme l’amour, la solitude, la tradition, la liberté, l’alcool …
Figurant dans toutes les photos, l’objet- symbole du masque à gaz remplace les visages de ses personnages et renvoie directement à la guerre, à un monde hostile et à une volonté tenace de survie. Ses héros évoluent dans un cadre oscillant entre passé et présent, entre des modernités subjectives et des traditions fantasmés. Dans cet univers « tout le monde porte le même masque, comme si l’on portait tous le même fardeau tel un lien secret que de rares personnes sont seuls capable de se l’avouer.. », écrit-il encore.
A vivre!