Sommes-nous dans la maison des horreurs où dans le noir une femme se raconte. Un secret la ligote à un passé encore à vif. Et ce corps qu’on torture, peut-être, qui souffre sûrement. Qui est-il? Que fait-il là ? Et ce chat qui ronronne dans les lieux comme un gardien des secrets et le témoin de ce qui se passe dans cette maison près de la plage d’Hammam-Lif ? Attendons la première pour en découvrir la suite…
«Coucou ! Enfin nous reprenons Moujira. J’aimerais que tu y assistes car c’est une nouvelle version avec un nouvel acteur et dans notre nouveau lieu à Hammam-Lif». Ce message, parvenu en cette période de fin d’année, période des bilans, d’évaluations et de résolutions de la comédienne et metteuse en scène Sonia Zarg Ayouna, a eu l’effet d’un aimant. Depuis tant de mois que nous vivons sans théâtre, sans arts, sans culture et surtout sans échange et sans réflexion, et voilà qu’une aussi bonne nouvelle arrive comme une aubaine. Ce n’est pas la première fois que nous nous retrouvons entraînés dans les sentiers improbables qu’emprunte Sonia Zarg Ayouna, cette aventurière du jeu et du verbe nous a fait vivre moult expériences en compagnie de Nouredine Ati, puis vint l’Etoile du Nord et tant de belles aventures…
Une fois, il y a quelques mois déjà, peut-être bien une année, nous avons été invités à assister à un filage d’une nouvelle création dans un appartement à la rue de Cologne du côté de Lafayette, et c’est ainsi que la nouvelle aventure de Sonia s’est révélée à nous. Un espace nouveau, un texte de feu Abdelwahab Jamli et une mise en scène de Rhaiim Bahrini que nous ne connaissons pas d’avant. Puis arrivent la Covid et ses dégâts sur les arts du spectacle et la création.
Qu’est devenue cette pièce que nous avons tant appréciée, dont l’écriture est tellement ancrée dans la modernité…que sont devenus ces artistes qui projetaient des premières et des cycles de représentations ?
Le message de Sonia Zarg Ayouna a tout de suite éveillé une étincelle, et nous nous sommes rappelés de ce projet qu’on pensait avorter. Et c’est à Hammam-Lif que l’aventure se poursuit.
La pièce est devenue un work in progress, le nouvel espace a imposé sa loi et sa logique d’écriture, le temps aussi a contribué à la réflexion. «Moujira» l’emporte sur la pandémie et trace sa voie pour se faire une autre vie.
C’est dans la maison familiale que «l’espace» a élu domicile. Une ancienne villa dans une rue avoisinante à la plage d’Hammam-Lif qui appartenait au grand-père de Sonia Zarg Ayouna. Et puisque cette comédienne et artiste est capable de faire du théâtre partout et tous les espaces l’inspirent, pourquoi pas faire du théâtre dans la maison de grand-père !
Dans l’intimité d’une représentation privée, nous découvrons l’univers de Rhaiim Bahrini. Et même si certains, par souci de facilité, essayent de le classer dans la mouvance du théâtre de l’absurde, ce qu’il écrit et ce qu’il met en scène ne rentrent pas dans cette case. R. Bahrini obéit à d’autres règles faites de nécessités quasi organiques. Le rythme, le souffle et le corps de l’acteur sont au centre de son travail de création. La frontière entre l’auteur et le metteur en scène est très fine. Il place le comédien au centre de sa recherche théâtrale aussi bien sur le fond que sur la forme et développe une identité qui bouscule les frontières entre les arts.
C’est dans cette optique que le travail avec Sonia Zarg Ayouna et Saifeddine Reguem, et avec ce texte «Moujira» de l’ami et camarade Abdelwahab Jamli, s’est développé. Une écriture qui se construit en bribes, se dessine sur les murs, découpe dans la chair de l’espace, met mal à l’aise le spectateur, le prive de certains sens pour obliger d’autres à l’éveil.
Moujira est une histoire aussi qui se raconte, se ressent et se construit comme un lego. Les pièces qui la forment, il faut les chercher dans les détails, dans les coins et recoins de l’espace, décoder son langage et en saisir le sens. Sommes-nous dans la maison des horreurs où dans le noir une femme se raconte. Un secret la ligote à un passé encore à vif. Il est parti, l’attente est longue et le monde change autour d’elle sans qu’elle y prenne part… et ce corps qu’on torture, peut-être, qui souffre sûrement. Qui est-il ? Que fait-il là? Et ce chat qui ronronne dans les lieux comme un gardien des secrets et le témoin de ce qui se passe dans cette maison près de la plage d’Hammam-Lif ? Attendons la première pour en découvrir la suite…