Le projet de loi de finances pour l’année 2021 a été adopté le 10 décembre 2020 par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Dans sa version définitive, le budget de l’Etat de 2021 a été ramené à 51,8 milliards de dinars avec un déficit de 18,7 milliards. Ce déficit sera financé à hauteur de 13,1 milliards de dinars par des prêts extérieurs et 5,6 milliards par des ressources intérieures dont 600 millions de dinars à travers un emprunt national et 1,5 milliard de dinars via un emprunt syndiqué en devises destiné aux Tunisiens résidents à l’étranger (TRE).
Le ministre de l’Economie, des Finances et de l’Appui à l’investissement, Ali Kooli, a déclaré que le gouvernement prévoit une croissance positive de 4%, au cours de l’année 2021. Et d’ajouter que des indicateurs montrent que la croissance pourrait être stimulée grâce à la réduction de l’impact de la pandémie de Covid-19 et l’amélioration de la production des phosphates, du pétrole et du tourisme. Le déficit budgétaire indiqué dans le projet de loi de finances 2021 est d’un montant record que la Tunisie enregistrera l’année prochaine en matière de remboursement des dettes. Le ministre précise qu’il est possible d’apporter quelques modifications ou amendements à la LF 2021 après son adoption, et ce, en fonction des impératifs de l’économie nationale.
Taoufik Rajhi, ancien ministre chargé des Grandes réformes, indique que « les entreprises publiques fournissent à l’Etat 20% des recettes fiscales, soulignant que si leur rendement est amélioré, elles pourront économiser 30 ou 40% des recettes ».
Rajhi a suggéré la création d’un fonds de liquidation des dettes sociales qui convertirait les dettes à court terme en dettes à long terme en dehors du budget et sous la supervision du Parlement. Par ailleurs, il a déclaré que la loi de finances pour 2021 comprend des chapitres populistes et n’inclut aucune réforme, précisant que « la Banque centrale joue un rôle dans le financement du budget, mais les risques restent importants ».
« La loi sur la réforme de la gouvernance des entreprises publiques que j’ai présentée le 17 février 2020 à la commission de l’ARP a été retirée par l’actuel gouvernement. La loi sur le socle social, adoptée par le CM depuis le 19 décembre 2019, qui instaure la couverture sociale et médicale universelle ainsi que le revenu minimum et l’allocation chômage pour ceux qui ont perdu un emploi, est restée sans suite parlementaire. De même, le projet de la caisse d’assurance chômage est dans les tiroirs pour avis depuis l’année dernière. La loi sur l’économie solidaire et sociale que j’ai fait sortir des tiroirs et présentée à l’ARP a failli être retirée mais la persévérance de la commission parlementaire a conduit à son adoption alors que les textes d’application qui devraient être promulgués depuis le 30 juin tardent à paraître », poursuit-il.
Des réformes de fond à la traîne
L’ancien ministre regrette, par ailleurs, que des réformes de fond qui changeront fondamentalement le modèle de développement du pays restent encore à la traîne. « Des réformes qui auraient pu contribuer même partiellement à résoudre les problèmes de précarité, d’exclusion sociale, de performance des entreprises publiques et de création d’emplois. Voir des pays voisins commencer à réfléchir sur ces questions tardivement et après nous mais les implémenter avant nous est une source d’exaspération ». De l’avis de l’ancien ministre, la LF2021 aurait dû intégrer ces réformes dans ses objectifs, à savoir le renforcement et l’assainissement du secteur public (entreprises publiques), la cohésion sociale et la protection sociale universelle (socle social).
« Qu’une économie plonge pendant le confinement du deuxième trimestre(-21,6%), c’est normal parce que la récession est commandée pour des raisons sanitaires. Que la même économie retrouve presque le même niveau du deuxième trimestre (+19,8%) lors du déconfinement du troisième trimestre est techniquement concevable. L’effet ouverture-fermeture du robinet pourrait fonctionner dans une récession contrôlée. Mais continuer de plonger sur l’année avec des ‘‘mesures de politiques de relance’’, ce n’est pas normal, voire grave. J’ai toujours dit ce dont on avait besoin en avril, c’était une politique de reprise et non de relance économique », souligne-t-il.
D’après Rajhi, les résultats du troisième trimestre témoignent d’un mauvais diagnostic et d’une politique économique inappropriée. « Pour s’en rendre compte, il suffit de remarquer que 2% des dossiers des entreprises en difficulté ont été traités et que le budget 2020 allouait 200 millions pour appuyer les entreprises, soit 0.04% du budget total ».
L’ancien ministre n’a pas manqué de rappeler que la pandémie du Covid-19 est un double choc d’offre et de demande qui a eu des retombées négatives sur les finances publiques exprimées par une perte de recettes fiscales de 6.000 millions de dinars, soit 20% de la recette fiscale anticipée. Il a proposé l’introduction dans la loi de la BCT une facilité de caisse de 5 à 10% des recettes fiscales antérieures, pour une durée ne dépassant pas 12 mois pour résoudre les problèmes de trésorerie.