L’Inde a conclu hier son vote marathon de six semaines pour les législatives, qui décideront de la reconduction ou non du Premier ministre nationaliste Narenda Modi à la tête de la démocratie la plus peuplée du globe.
Devenu en 2014 l’un des premiers représentants de la vague populiste mondiale actuelle à accéder au pouvoir, M. Modi espère décrocher un deuxième mandat de cinq ans, mais la société indienne, polarisée comme rarement à l’issue d’une campagne acrimonieuse, pourrait aussi retourner à une formule politique plus traditionnelle avec une coalition autour de l’historique Parti du Congrès.
Les urnes livreront leur verdict jeudi, jour du dépouillement. Une demi-heure après la fermeture des derniers bureaux de vote à 18h00 locales (12h30 GMT), les grands médias indiens ont publié leurs sondages sortie des urnes, même si les études d’opinion sont notoirement peu fiables en Inde.
La plupart de ces sondages s’accordaient pour prévoir une majorité parlementaire à la coalition sortante, emmenée par M. Modi et son Bharatiya Janata Party (BJP). Principale formation d’opposition, le Parti du Congrès serait en progression, mais pas suffisamment pour espérer pouvoir former le gouvernement.
Doté d’un sens politique redoutable, Narendra Modi a fait de ces législatives un quasi-référendum sur sa personne et la campagne du BJP a été dominée par un discours sécuritaire.
Le charismatique fils d’un vendeur de thé du Gujarat (ouest) affronte une myriade de puissants partis régionaux bien décidés à le faire chuter, ainsi que le Parti du Congrès emmené par l’héritier de la dynastie Nehru-Gandhi, Rahul.
Participation à 66%
Près de 120 millions d’électeurs, sur les 900 au total que compte l’Inde, étaient appelés aux urnes hier pour la septième et ultime phase de ce scrutin uninominal majoritaire à un tour. En jeu au cours de cette journée: 59 sièges de députés sur 543, principalement situés dans le nord et l’est du pays, notamment la circonscription du Premier ministre.
En raison des dimensions géographiques et démographiques du géant d’Asie du Sud, les régions ont voté à tour de rôle depuis le 11 avril. Des villages en haute altitude du Ladakh en passant par la plaine du Gange ou les mégapoles polluées, la participation s’est établie à 66% aux six premières phases du scrutin, un niveau habituel pour ces élections qui constituent un temps fort de la vie de la 3ème économie d’Asie.
Les forces de sécurité avaient été déployées en nombre pour le vote hier à Calcutta (Est), où une bombe artisanale a été lancée depuis une moto dans un bureau de vote, sans toutefois faire de blessé.
Au vu de l’agressivité de la campagne électorale qui a tenu en haleine la nation de 1,3 milliard d’habitants, «le niveau de la politique indienne a gravement baissé», a commenté à l’AFP Asit Banerjee, professeur d’histoire de Calcutta, en se rendant au bureau de vote.
«Attiser la peur»
Les analystes doutent que Narendra Modi, 68 ans, parvienne à réitérer son exploit de 2014 en obtenant la majorité absolue avec son seul parti. Il pourrait devoir former une coalition pour se maintenir à son poste, ce qui constituerait un retour à la norme pour la politique indienne.
Sa circonscription de Varanasi (nord), ville sacrée sur la rive du Gange, était en jeu à l’occasion de cette septième phase.
«Au cours des cinq prochaines années, je voudrais que le gouvernement se concentre sur le système éducatif. Le niveau de l’éducation doit être rehaussé. Pour le reste, je pense que le gouvernement actuel a fait un bon travail», a témoigné pour l’AFP Shailaesh Gupta, un électeur de la ville.
Au lieu de défendre son bilan, Narendra Modi «a joué sur nos insécurités et fait vibrer nos peurs intérieures profondes», a estimé hier le commentateur politique Karan Thapar dans les colonnes du quotidien Hindustan Times.
D’après l’éditorialiste, cette stratégie politique a permis au Premier ministre d’occulter ses performances décevantes sur des sujets pressants comme la crise rurale ou le chômage.
Narendra Modi et Rahul Gandhi ont tous deux sillonné l’Inde à un rythme effréné, échangeant des insultes à distance presque quotidiennement. Le nationaliste hindou a tenu au total 142 rassemblements au cours de la campagne, parfois même jusqu’à cinq par jour.