Dix ans après, l’affaire des martyrs et blessés de la révolution fait du surplace. Sans suite aucune. La liste définitive, pourtant fin prête, n’est pas encore rendue publique. Alors qu’elle a été remise, début avril 2018, de la main de M. Taoufik Bouderbala, alors président du Haut comité des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Hcdhlf), aux trois présidents, de la République, de l’ARP et du gouvernement, pour être, ensuite, publiée au Jort. Depuis, rien n’y fait jusque-là.
Endeuillées, leurs familles prennent encore leur mal en patience. Elles ont du mal à se faire entendre, mais n’ont jamais lâché prise. Elles n’ont pas fini de marcher sur l’avenue-symbole de révolution. Partout, à La Kasbah, devant l’ARP au Bardo ou dans les régions, ces familles en détresse avaient, maintes fois, manifesté et protesté contre un tel silence strident planant sur les preneurs de décision. En ce 14 janvier, célébré jeudi dernier, sur fond d’un confinement sanitaire total, ces rêveurs de justice et de vérité ont réclamé la publication dans le Jort de la liste officielle des martyrs et blessés de la révolution. Tout en insistant sur l’activation, sans tarder, des recommandations issues des travaux du Comité de Bouderbala. Ceci étant, en signe de reconnaissance symbolique des droits des victimes de la liberté et de la dignité, comme l’a, d’ailleurs, déclaré à la TAP le coordinateur général du sit-in, Adel Ben Ghazi.
Pourquoi une telle liste traîne-t-elle encore en longueur, sans qu’aucun gouvernement n’ose clore ce dossier? Le porte-voix des manifestants accuse des manœuvres dilatoires dues à des calculs politiques étriqués. A qui profite ce blocage? « Lâchez la liste » était, alors, un slogan d’une campagne lancée sur la Toile, incarnat ainsi une revendication collective sans doute légitime. Sa publication, a priori, sur le site internet de l’Instance générale des résistants, des martyrs et blessés de la révolution et des opérations terroristes, avant d’être ensuite proclamée au Jort d’ici le 20 mars prochain, fut une proposition catégoriquement rejetée. Soit une première initiative gouvernementale mise à l’échec. S’agit-il d’un ballon d’essai pour tâter le pouls ? Une seconde tentative relativement acceptée, mais pas si fortement appréciée : la liste élaborée par une commission relevant du Hcdhlf a été publiée, jeudi dernier, sur les réseaux sociaux. Y figurent les noms de 129 martyrs et 634 blessés. Le droit de recours est, assurément, garanti.
Promesses non tenues
Mais Lamia Farhani, présidente de l’association Awfia des familles des martyrs et blessés de la révolution, voit plus loin : «Il faut rectifier le tir et réaliser les objectifs de la révolution en justice sociale, emploi et dignité ». Elle ne s’en tient guère aux revendications matérielles. Petit rappel pour l’histoire, Abderrazek Kilani, président de l’Instance générale des résistants, des martyrs et blessés de la révolution et des victimes des opérations terroristes, avait annoncé que la liste en question sera définitivement publiée au Jort dans la foulée des festivités du 10e anniversaire de la révolution. Promesse non tenue. De même, l’ex- ministre chargé des Relations avec les Instances constitutionnelles, la Société civile et des Droits de l’homme, Mohamed Fadhel Mahfoudh, avait, lui aussi, promis, en ces termes : «Toutes les mesures et les dispositions seront prises pour consacrer cette reconnaissance dans la réalité et dans les délais raisonnables». Parti, l’homme n’a pas tenu parole. Que la quête de la vérité continue. Les familles sinistrées ont juré de n’y jamais renoncer.