Accueil A la une Premier anniversaire du décès de Lina Ben Mhenni : «Lina vit en nous»

Premier anniversaire du décès de Lina Ben Mhenni : «Lina vit en nous»

Il y a une année, le 27 janvier 2020, disparaissait Lina Ben Mhenni à l’âge de 36 ans. Depuis, les  hommages à la mémoire de cette voix libre de la Tunisie se multiplient. Retour sur quelques-unes de ces initiatives

Cyberdissidente et blogueuse avant le 14 janvier 2011, Lina Ben Mhenni est de toutes les causes justes après la révolution. Libertés individuelles, liberté d’expression, féminisme, campagnes contre la torture et l’amélioration des conditions d’incarcération dans les prisons en y introduisant la culture, engagement dans la campagne Manich Msamah (Je ne pardonne pas) hostile au projet de loi de feu Béji Caïed Essebsi relatif à la réconciliation économique… Lina ne va rien épargner de l’énergie décroissante de son corps menu et frêle pour se dépenser afin de mener jusqu’au bout ses mille et une batailles. Certes, elle aura un allié inconditionnel et toujours présent à ses côtés : son père Sadok Ben Mhenni, lui-même dans sa jeunesse prisonnier politique du mouvement de gauche Perspectives et auteur d’un récit sur cette expérience «Le voleur de tomates», (Cérès 2018). La transmission du courage, du sens de la liberté et du militantisme a bien fonctionné dans ce cas-là. La complicité entre père et fille sautait aux yeux. D’ailleurs, une des innombrables photos de Lina, qui ont circulé sur les réseaux sociaux, illustre bien cette parfaite entente. Elle montre la jeune femme suspendue sur les épaules de son père en train de photographier l’instant d’une manifestation qui se prêtait à son regard.

Un deuxième report

A deux reprises, une cérémonie pour lui rendre hommage est reportée à cause du coronavirus. Une première fois lors du quarantième jour de son décès, le 13 mars 2020, et une seconde fois hier, 27 janvier. L’hommage avait prévu une marche silencieuse en partance du Théâtre municipal  jusqu’à la Cité de la culture avec un seul slogan pour tous ceux qui défileront : «Lina Hayya fina» («Lina vit en nous»). La manifestation devait se poursuivre au Théâtre de l’Opéra, où ses amis et compagnons de route devaient rappeler les axes de son richissime engagement social et politique à travers la musique, la poésie, le chant, la vidéo et le théâtre. Une exposition des 25 trophées de Lina et des photos qu’elle a réalisées devait aussi être tenue à la Cité de la Culture.

«Mais ce n’est que partie remise. Nous espérons pouvoir respecter ce programme le 22 mai prochain, jour de l’anniversaire de Lina», soutient Sadok Ben Mhenni.

Durant toute cette année, les hommages destinés à la jeune militante se sont multipliés à travers le monde. Des prix portent désormais son nom. Celui de la Délégation de l’Union européenne en Tunisie : le «Prix Lina Ben Mhenni pour la liberté d’expression»  attribué le 14 janvier dernier à des journalistes et blogueurs. Il récompense les meilleurs articles défendant les principes et valeurs de la démocratie, des libertés et des droits partagés entre la Tunisie et l’UE. D’autre part, «Le Prix Ben Mhenni des droits de l’homme» est une initiative de l’Association tunisienne pour les Nations unies créée en 1963 par Mongi Slim. Il vient distinguer des individus ou des associations à l’origine d’une action ou d’un projet défendant les droits humains.

Une association est née

Cette voix libre et cette silhouette légère comme le vent continue à inspirer les artistes. Le peintre autodidacte Abbes Boukhobza lui a consacré trois fresques, l’une sur le mur de la maison de la défunte sise à la corniche d’Ezzahra et les deux autres à Djerba, l’île natale de son père. Les parents de Lina s’apprêtent à recevoir un artiste égyptien qui a exprimé le désir de travailler sur une fresque dédiée à Lina sur un autre mur de la maison à Ezzahra. Cette corniche de la petite ville d’Ezzahra où la blogueuse insomniaque aimait beaucoup se promener dès les premières lueurs du jour mériterait bien de porter le nom de de la jeune femme. C’est ce que cherche à instituer une pétition citoyenne que font circuler des habitants d’Ezzahra.

Parmi les gestes symboliques qui touchent le plus les parents de Lina, ce pommier planté dans le Jardin des Justes de l’Ambassade d’Italie en Tunisie en hommage à leur fille : comme si l’âme de Lina continuait à fleurir à chacune des saisons, au fil des ans…

Pour faire perdurer les actions de Lina et fructifier le legs qu’elle a laissé, une association a vu récemment le jour, elle est baptisée du nom de la jeune femme. Sadok Ben Mhenni vient juste de recevoir le récépissé de l’association. Il détaille ses projets :

«Nous comptons ramasser les milliers de textes écrits par Lina sur plusieurs supports et lancer un projet d’édition concernant ce fonds. Sa propre maison à Mornag pourrait devenir un musée dédié à sa mémoire, comme elle pourrait recevoir des chercheurs en quête d’un lieu pour l’écriture. La collecte de livres pour les bibliothèques des prisons tunisiennes va se poursuivre mais pour viser d’autres lieux où le livre est absent, comme les hôpitaux d’enfants et les écoles rurales. Nous voulons aussi que l’association devienne une sorte de lieu de réflexion et de débat à propos des thématiques chères au cœur de Lina, telles les nouvelles pratiques féministes par exemple», témoigne le père de Lina Ben Mhenni.

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