A mesure que les cadres se serrent, les sensations d’enfermement et de mélancolie se font présentes, vient alors la mise en abyme pour desserrer l’espace, l’agrandir et ouvrir des brèches et des fenêtres sur des présences multiples, sur d’autres éventualités, d’autres devenirs, ou encore sur un soi pléthorique, multiple, infini…
La Galerie Gorgi a, enfin, rouvert ses portes, le 21 fevrier dernier, après près d’une année de fermeture. Pour marquer cette reprise, l’espace abrite une belle exposition signée Ymen Berhouma qui revient sur les premiers mois de son confinement «covidien», retrace ses ressentis et ses impressions.
Intitulée «Rester vivante», un titre emprunté à un essai de Michel Houelbecq «Rester Vivant : méthode» qu’elle appliquait au féminin, l’exposition restitue des natures mortes que l’artiste a réalisées les premiers mois du confinement et qu’elle a exposées dans son atelier au mois de juin.
«Des natures mortes pour ne pas mourir de solitude…», écrit-elle et de nous expliquer : «Je cherchais moi-même des moyens pour résister à l’angoisse, la dépression et la solitude… J’ai trouvé refuge dans la poésie, la littérature et j’avais envie de traduire ça par la peinture, c’est ce qui fait que l’ensemble des titres des œuvres constitue un poème». Poèmes sur toiles, son travail vient réaménager des moments de poésie en des bouts de mots/images qu’elle sème ici et là à travers les cimaises. A la manière d’un Petit Poucet, Ymen Berhouma nous invite à reprendre avec elle le chemin, à revivre son périple de confinée. Retour sur impressions, sur ses multiples voyages immobiles pour paraphraser Deleuze et Guattari, qu’elle a menés pour surmonter l’enfermement.
Des mises en espace théâtrales, un traitement photographique avec le cadrage comme outil et instrument. Il se fait, la plupart du temps, serré sur des Madones qui prennent la pose dans des décors plus ou moins dépouillés. «Des femmes parce que cette période était particulièrement compliquée pour elles, pour moi aussi…», confie-t-elle.
À mesure que les cadres se serrent, les sensations d’enfermement et de mélancolie se font présentes, vient alors la mise en abyme pour desserrer l’espace, l’agrandir et ouvrir des brèches et des fenêtres sur des présences multiples, sur d’autres éventualités, d’autres devenirs, ou encore sur un soi pléthorique, multiple, infini…
Il y a eu d’abord l’idée de la peinture dans la peinture et par la suite l’idée de la mise en abyme qui s’est imposée d’elle-même, explique-t-elle : «Je pense qu’à chaque fois je me suis accrochée à un élément du décor pour ne pas sombrer, que ce soit un livre, un miroir, une plante ou une peinture. C’est ce qui a rendu la solitude supportable, l’enfermement acceptable et l’idée de la mort surmontable…».
Elle poursuit en notant que les nuits étaient particulièrement longues, propices à l’introspection, à la rencontre de soi «dans une sorte de mélancolie ravissante et non pas angoissante», précise-t-elle. Une douce mélancolie qu’elle a voulu distiller dans ses toiles cathartiques où ce fut son tour d’attraper et d’enfermer cette ravageuse solitude, de la narguer à travers des prises dans les prises, des états dans l’état, à travers cette mise en abyme salvatrice qui lui a permis de donner «de la profondeur au sentiment de solitude jusqu’à ce qu’il disparaisse…».
A vivre!