On a beau crier que le prestige de l’Etat a été bafoué et que l’image de la Tunisie en tant qu’Etat de droit et des institutions a été foulée aux pieds par les agissements irresponsables de Seifeddine Makhlouf et ses amis, on attend toujours des actes concrets qui mettent définitivement fin à ces dérives.
Les Tunisiens veulent que «les lois qui régissent ce pays soient respectées» par tous, sans distinction, ni exclusive
Jusqu’où peuvent aller ces députés, représentants du peuple, qui font la pluie et le beau temps, au sein du palais du Bardo, en dehors de l’hémicycle, dans la rue et aussi à l’aéroport Tunis-Carthage ? La question s’impose et tire sa légitimité aussi bien des événements inacceptables qui se sont produits dans la journée du lundi 15 mars à l’aéroport Tunis-Carthage quand Seifeddine Makhlouf et ses cama- rades d’Al Karama ont procédé à un tour de force à l’encontre des sécuritaires du service des frontières dans le but de per- mettre à une citoyenne fichée S17 de quitter le pays, contrairement à l’avis des sécuritaires que lors de la séance plénière tenue hier au Parlement quand Abir Moussi, soutenue par ses lieutenants du Parti destourien libre (PDL), a empêché Rached Ghannouchi, président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), de présider la séance plénière en question sous le prétexte qu’il fait l’objet d’une motion de retrait de confiance (dont le texte n’a pas été encore déposé auprès du bureau de l’Assemblée) et qu’il n’a pas, ainsi, le droit de présider les travaux de l’ARP jusqu’à ce que les députés disent leur dernier mot, c’est- à-dire décident de le maintenir à son poste ou choisissent de lui retirer leur confiance à rai- son de 109 députés au moins qui voteront pour son départ. Hier, mardi 16 mars, les observateurs, les analystes politiques et aussi les citoyens qui s’intéressent encore aux développements qui caractérisent quotidiennement la scène politique nationale se demandaient en chœur: jusqu’où pourrait aller l’empiétement de la vie poli- tique nationale dans la mesure où il n’existe plus de morale à respecter ou d’éthique à pré- server par les différents acteurs (au pouvoir et dans l’opposition) dans leur folle course visant à salir au maximum leurs adversaires (en référence aux révélations imputées à Mohamed Ammar, député d’Attayar et chef du bloc parlementaire démocratique)?
Cette question est doublée d’une autre encore plus importante: ceux qui ont bafoué le prestige de l’Etat et son aura (voir La Presse d’hier mardi 16 mars) «dans un espace de souveraineté» — comme a tenu à le rappeler Hichem Mechichi, Chef du gouvernement et ministre de l’Intérieur par intérim, quand il a rejoint l’aéroport de Tunis pour exprimer, selon le communiqué diffusé par son service d’information, «sa solidarité totale avec les forces de l’ordre, et pour affirmer que ce qui s’est passé «dans un espace de souveraineté (l’aéro- port) n’est pas acceptable». Et le Chef du gouvernement de promettre : «Le prestige de l’Etat sera réhabilité dans le cadre de l’Etat de droit et par le biais de la loi», ce qui revient à dire que les députés d’Al Karama dirigés par le président de leur bloc parlementaire qui ont bafoué le prestige de l’Etat par leurs actes et leurs déclarations seront sanction- nés comme l’exige la loi et en conformité avec les procédures prévues par la justice. Sauf que tout au long de la journée d’hier, les Tunisiens s’interrogeaient : sur quelle base juridique les députés d’Al Karama, accusés d’avoir enfreint la loi (Abdelkarim Harouni, président du Conseil de la choura d’Ennahdha, appelle à une enquête qui pourrait montrer que Makhlouf et ses amis n’ont commis rien de repréhensible et qu’ils n’ont fait que revendiquer qu’une citoyenne tunisienne puisse bénéficier de son droit de quitter le pays alors qu’elle n’est soumise à aucune interdiction de voyage) puisque, faut-il le rappeler, ces mêmes députés bénéficient de l’immunité parlementaire leur permettant d’échapper à toute poursuite judiciaire au cas où ils déci- deraient de s’accrocher à leur droit à l’immunité, une fois que le ministère public demande au Parlement de la lever.
Il reste, cependant, que plu- sieurs parmi les analystes et les lecteurs de la Constitution et du règlement intérieur de l’ARP avancent que les députés peuvent être poursuivis par la justice sans recours à la levée de leur immunité parlementaire en cas de flagrant délit. Toutefois, les actes commis par Seïfeddine Makhlouf et ses lieutenants sont-ils considérés comme des faits accomplis autorisant leur arrestation ? C’est la question à laquelle personne ne peut répondre pour le moment du côté du ministère public qui a été informé par les syndicalistes des forces de l’ordre de l’aéroport des agissements de Makhlouf mais qui n’a pas donné l’ordre de les écrouer, selon les déclarations du secrétaire général du syndicat de base des agents de sécurité exerçant à l’aéroport.