Accueil Economie Supplément Economique Textile-habillement | Les voies de relance post-crise

Textile-habillement | Les voies de relance post-crise

La crise engendrée par la pandémie de la Covid-19  a bouleversé fondamentalement le système productif mondial, ainsi que les activités des différents secteurs économiques. L’économie tunisienne n’échappe guère aux effets de cette conjoncture. Parmi les secteurs affectés, celui du textile-habillement, déjà mal en point. Pour lui donner un nouveau souffle, toutes les parties prenantes cherchent  à endiguer l’ampleur de la perturbation, en esquissant des voies de relance post-crise et en tenant compte de la reconfiguration attendue de la chaîne de valeur mondiale.

Le secteur du textile-habillement est l’une des clés de l’économie tunisienne, non seulement en raison du nombre d’employés (234. 000 personnes), mais surtout par sa contribution à la réduction du déficit de la balance commerciale. En 2019, l’excédent affiché s’est élevé à 1.938 MTND, un record historique. Le nombre d’entreprises opérant dans le secteur est estimé à 1.600, dont 48% sont à participations étrangères. L’Union européenne absorbe quasiment la totalité de nos exportations. Outre sa proximité géographique, la Tunisie reste un site de production très compétitif en termes de coût de production. Selon les chiffres, le pays offre des coûts comparables au Maroc et à la Turquie, bien que cette dernière bénéficie de l’absence de droits de douane, qui pèsent lourdement sur la compétitivité de ses concurrents. Les intentions d’investissement restent modestes et ne reflètent pas le poids de cette industrie. Sur toute la période 2014-2019, elle n’a pas dépassé 1.113 MD.  Deux facteurs limitent la valeur ajoutée de cette industrie, à savoir les fortes importations en fibres textiles, fils et tissus. La production locale n’est pas suffisante pour couvrir les besoins des professionnels. A cela s’ajoute la nature des activités de la majorité des entreprises qui font de la sous-traitance et non de la création, un modèle qui génère très peu de valeur ajoutée.

La reprise serait très lente

Les performances du secteur dépendent des marchés européens, qui traversent un moment difficile après la crise de la Covid-19. L’impact de la pandémie continue à peser sur le moral des consommateurs dans les principaux marchés. Dans les différents pays européens, la consommation a repris, mais reste significativement plus faible qu’avant la crise sanitaire. Les dépenses de l’habillement en sont l’une des premières victimes, remplacées par celles des produits de premières nécessités.  Les usines tunisiennes ont reçu beaucoup d’annulations et le nombre de commandes global a perdu près de 20% dès les premières semaines du confinement en Europe. La reprise serait très lente car il n’y a aucun signe d’une importante reprise de la demande. Le secteur ne peut pas également s’attaquer à de nouveaux marchés, car il propose essentiellement des produits à faible valeur ajoutée, de la sous-traitance, dépendant donc des donneurs d’ordre étrangers. Les chiffres jusqu’au mois de juillet 2020 montrent une baisse des investissements déclarés de 16,8% à 89 MTND. Les exportations ont reculé de 22,5% à 3.713 MTND, durant la même période. Il y aura cette année des changements majeurs dans la structure de la demande, avec la montée de nouvelles valeurs, notamment celles relatives aux matières utilisées, aux composants technologiques, au respect des conditions de travail des employés dans les sites de production et de protection de l’environnement. La nouvelle génération tend à privilégier une consommation plus raisonnable, moins basée sur le renouvellement permanent des produits. La Tunisie a donc besoin d’importants investissements pour les années à venir afin de basculer vers de nouveaux processus de production, qui permettraient plus de valeur ajoutée. C’est une condition sine qua non pour une croissance durable du secteur.

Chute historique

L’industrie du textile-habillement est parmi les principaux secteurs qui ont été fortement touchés par la crise. En effet,  lors du premier trimestre 2020, la valeur ajoutée  (au prix de l’année précédente) a reculé de 15,3% avant d’enchaîner avec une chute historique de 42% au second trimestre, et les chiffres officiels évoquent la fermeture de pas moins de 200 sociétés lors des derniers mois de l’année dernière.

Bien que l’existence d’un outil industriel opérationnel permette de répondre immédiatement à toute demande émergente, l’absence d’intentions concrètes d’investissements dans de nouvelles technologies et de changement de modèle vers plus de création ne facilitera pas la reprise. Les implications en termes de chômage seraient également lourdes en dépit du soutien de l’Etat via son mécanisme de chômage technique.

Pacte sectoriel de partenariat  public/privé

L’initiative du plan de relance du secteur textile-habillement (2019-2023) a pour objet de mobiliser et coordonner les actions du secteur public et celui privé autour d’un programme clair et concret, établi en vue de restructurer le secteur et d’accélérer son rythme de développement en terme d’exportations, d’emploi et de valeur ajoutée.

Elle vise à contractualiser les engagements réciproques de l’ensemble des parties concernées en vue de renforcer un secteur textile, compétitif, à forte valeur ajoutée, innovant et bien positionné sur les chaînes de valeur mondiales.

A travers ce pacte, les partenaires espèrent apporter à l’ensemble des investisseurs et régulateurs/autorités, la visibilité nécessaire sur les perspectives du secteur textile à l’horizon 2023. Autant dire que le secteur textile-habillement, un des piliers de l’économie tunisienne, a connu, ces dernières années, une situation de perte de vitesse, voire de crise, matérialisée par la baisse des investissements et des exportations, une perte d’emplois (environ 40.000 emplois) et un recul des fournisseurs de l’UE. Cette situation résulte, entre autres, d’un retard accusé dans la mise en œuvre des stratégies sectorielles précédemment élaborées. Un tel retard est dû principalement à un déficit de capacités d’exécution, de gouvernance et de pilotage.   

Ce projet de pacte est une proposition d’un nouveau mode de gouvernance et d’une approche opérationnelle plus agile, à même de relancer le secteur, tout en capitalisant sur la connaissance des enjeux stratégiques par la profession et engageant les secteurs public et privé dans une démarche de partenariat gagnant-gagnant. Ce projet de pacte s’est basé sur des entretiens et des groupes de travail conduits avec des industriels leaders dans les filières phares du secteur. De par les études stratégiques menées, la profession s’accorde sur des orientations stratégiques et structurantes du secteur, à savoir l’intégration des filières, la montée en gamme et l’innovation, le développement d’une offre attractive à l’égard des donneurs d’ordre et des investisseurs internationaux, et des filières de textiles intelligents (Smart Textile). Le plan de relance du secteur textile est conçu et préconisé par la profession autour de 6 leviers prioritaires réalisables à horizon 2023, dont un modèle de gouvernance public/ privé adapté, une dizaine de projets stratégiques d’intégration à lancer, une promotion accentuée sur les marchés traditionnels et nouveaux, une formation co-construite adaptée aux besoins des filières, une offre territoriale améliorée et une logistique performante,  et des mesures incitatives adaptées aux attentes du secteur. Les objectifs quantitatifs du plan de relance d’ici à 2023 s’articulent autour de la  création de 50.000 emplois, l’augmentation des exportations de 2,4 à 4 milliards d’euros, avec une croissance de 5-6%  et une accélération à partir de 2021 (plus de 13% en 2021), le reclassement  parmi les 5 premiers fournisseurs de l’UE avec près de 4% de part de marché contre 2,5% actuellement, l’amélioration des taux d’intégration du secteur le ramenant respectivement d’une valeur estimée par la profession au-dessous de 10% en 2018 à près de 35%, ainsi que  le taux de couverture du secteur de 126% en 2018 à 146% en 2023.

Investissements conséquents

Les investissements relatifs aux projets stratégiques d’intégration sont estimés à 265 à 345 millions de dinars tunisiens, dont plus de la moitié est à mobiliser sur les deux premières années du plan. Ces investissements apporteront un appui  aux promoteurs privés dans leur schéma de financement des projets d’intégration, et ce, en apports de fonds propres et/ou de garanties spéciales.

Le fonds de développement du secteur nécessitera ainsi une enveloppe de 60-75 millions de dinars tunisiens. Il sera constitué comme suit :

-Contribution des industriels du textile : 5-10 millions de dinars tunisiens

-Contribution des fonds d’investissement privés : 10-15 millions de dinars tunisiens

-Contribution de la Caisse des Dépôts et  Consignations : 30-50 millions de dinars

Programme Gtex-Menatex : accroître la compétitivité des exportations

Le programme global textile-habillement (Gtex), et le programme textiles pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (Menatex) sont mis en œuvre par le Centre du commerce international (ITC) sur une période de 3 ans (novembre 2018 à décembre 2021). Il est cofinancé par le Gouvernement suisse dans le cadre Gtex, ainsi que par le Gouvernement suédois dans le cadre du Menatex.

Le programme Gtex-Menatex vise à accroître la compétitivité des exportations dans l’industrie textile et de l’habillement. L’impact envisagé du programme est d’accroître l’emploi et les revenus tout au long de la chaîne de valeur de L’ITH. Pour atteindre cet objectif à long terme, le programme prévoit d’atteindre deux résultats majeurs. Le premier vise à améliorer l’environnement des affaires et la performance des institutions d’appui au commerce dans le secteur. Le second cible le niveau de l’entreprise avec, en particulier, l’amélioration de la compétitivité des PME dans le secteur des textiles et de l’habillement.  La composante institutionnelle du projet a pour objectif d’apporter un soutien afin d’améliorer l’efficacité de gestion des institutions d’appui et, en particulier, la performance de la Fédération tunisienne du textile-habillement (Ftth). Disposer d’une vision ambitieuse, d’un plan stratégique clair et d’un plan opérationnel efficace permettra à cette institution de satisfaire les besoins de ses membres et de contribuer au renforcement de la compétitivité du secteur.

La mission confiée aux exécutants de ce programme consiste à entreprendre un examen et une évaluation du plan stratégique et opérationnel actuel de la Ftth, en identifiant les axes-clés et les actions stratégiques en suspens pertinentes pour la nouvelle stratégie, en particulier sur la base du plan de relance post- Covid, en cours de développement. Le programme prévoit d’atteindre deux résultats majeurs. Le premier vise à améliorer l’environnement des affaires et la performance des institutions d’appui au commerce dans le secteur. Le second cible le niveau de l’entreprise avec, en particulier, l’amélioration de la compétitivité des PME dans le secteur des textiles et de l’habillement.

Charger plus d'articles
Charger plus par Najoua Hizaoui
Charger plus dans Supplément Economique

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *