Le thème choisi répond à la problématique de la bonne gouvernance des milieux marins et côtiers en Tunisie.
Depuis quelques années, le bassin méditerranéen connaît de graves problèmes environnementaux liés à la pollution, la dégradation des ressources marines, celle des sols… : une réalité qu’on ne peut plus, aujourd’hui, nier ou ignorer. On ne doit pas aussi cacher que la flore ainsi que la faune de la mer méditerranéenne souffrent et sont menacées par l’extension des activités humaines, la pollution, la pêche abusive, les touristes…
Face à ce constat alarmant et persistant, la Saison Bleue vient d’organiser mardi dernier le 3e webinaire du Club Bleu, qui est le premier think tank complètement dédié aux enjeux maritimes mondiaux, sur le thème «La mer dans tous ses états». Quels sont les états des lieux et les grands enjeux du littoral et de la mer pour la Tunisie et la France ? Quelles ambitions et politiques maritimes intégrées pour les deux pays ? Quel rôle en matière de gouvernance de la mer méditerranéenne très convoitée ? C’est à ces questions, parmi bien d’autres, que les organisateurs de cet événement s’efforcent de répondre.
Une mission de première importance
Longuement attendue, discutée et planifiée, la Commission ministérielle des affaires maritimes a fini par être officiellement créée par le décret gouvernemental n° 2019-144 du 18 février 2019. A cet égard, en 2020, la Tunisie s’est dotée, pour la première fois, d’un poste de secrétaire générale des affaires maritimes. Mme Asma Shiri Laâbidi, qui occupe ce poste depuis quelques mois, a indiqué que depuis des années, la question de la mer prend une ampleur stratégique dans notre pays, à travers ses dimensions juridiques, sécuritaires, environnementales, de commerce international… Et donc, la création de ce poste et de cette commission ne peut qu’être saluée puisque c’est grâce à cette entité que la Tunisie se dote d’un vis-à-vis unique des différentes organisations internationales et régionales appropriées et organismes concernés.
«La mer était toujours l’espace autour duquel la vie humaine, l’activité agricole, les liens commerciaux…se sont développés… C’était le premier moyen de communication entre les civilisations, les Etats…C’était aussi, et depuis toujours, le premier moyen pour le développement des activités que ce soit agricole, commerciale, touristique…et d’autres qui seront développées ultérieurement.
Tout cela pour dire que l’action de l’Etat en mer prend diverses formes… En Tunisie, on peut, aujourd’hui, recenser près de 45 types d’activités en mer, d’où l’importance de créer un organe de coordination pour pouvoir faciliter le travail interministériel, et surtout pour assurer une vision nationale stratégique par rapport à nos attentes à l’égard de la mer, à nos ambitions, aux défis auxquels nous sommes appelés à répondre pour bien gérer et gouverner nos espaces maritimes… Donc, cette commission a une mission stratégique de prospective, mais aussi d’intervention au quotidien, de suivi des travaux des différents intervenants et notamment de facilitation de la communication et de la mise en place de stratégies sectorielles, dans le cadre d’une vision globale», a souligné Mme Laâbidi.
C’est aussi un défi…
En Tunisie, la zone littorale génère plus de 100.000 emplois directs et est fortement peuplée, accueillant 65% des espaces urbanisés et 75% de la population du pays. Elle représente aussi un potentiel important pour le développement d’une économie bleue et durable, source de croissance et d’emploi pour le pays. Toutefois, l’aspect environnemental a toujours préoccupé les autorités nationales qui ont mis en place plusieurs mesures pour protéger le littoral. Un effort qui doit être renforcé et boosté afin de préserver nos atouts et garantir un héritage sain à nos futures générations.
Grâce à la création de cette entité, de nombreuses activités de protection et de restauration des écosystèmes marins et côtiers, ainsi que des mises en œuvre de la réglementation sont aujourd’hui instaurées. La secrétaire générale des affaires maritimes a indiqué, dans ce même cadre, que cette commission a la lourde tâche de combler le vide qui a sévi depuis de longues années. Elle a comme missions principales de préparer la politique maritime intégrée de la Tunisie, assurer la coordination des actions des différentes structures nationales intervenantes en mer, assurer le suivi de la mise en œuvre des engagements de l’Etat tunisien dans le domaine maritime, ainsi que le suivi des relations extérieures ayants trait à la mer en coordination avec le ministère des Affaires étrangères, harmoniser la législation nationale dans le domaine maritime avec les conventions internationales ratifiées par notre pays, émettre un avis sur les projets économiques et de développement liés au domaine maritime, assurer un rôle central de souveraineté, préservation, développement et promotion…
La mer, l’affaire d’une nation
D’après Mme Laâbidi, la mer est une question à la fois nationale mais aussi d’ordre humanitaire, d’où l’importance de mutualiser les efforts et de travailler selon une approche participative, dans le cadre d’un partenariat qui regroupe tous les intervenants (étatiques, organisations internationales, associations, société civile…). L’objectif derrière ce chantier énorme est de pouvoir protéger ce milieu marin et d’assurer la biodiversité nécessaire pour sa stabilité et son développement. C’est aussi pour pouvoir créer autour de ce milieu un ensemble d’activités permettant la croissance à tous les Etats.
«C’est une mission qui n’est pas facile à mener… C’est pour cela qu’on a besoin de travailler ensemble et de mutualiser nos moyens et nos efforts pour pouvoir atteindre tous les objectifs fixés…ce qui permet de drainer un nombre important d’investissements et de créer un bon nombre de postes d’emploi pour une population jeune», a-t-elle souligné.
Elle a ajouté que l’histoire de la Tunisie avec la mer a été toujours basée sur l’importance que donne et qu’offre cet espace pour développer des activités liées au commerce maritime, au tourisme, à l’énergie… «Notre pays a été désigné toujours comme étant l’empire de la mer. Mais malheureusement, nous avons perdu cette image petit à petit au fil des années et actuellement, notre priorité, c’est de travailler de nouveau sur cet aspect pour développer des branches d’activité éco-responsables, capables de faire augmenter le PIB du pays et de créer de nouveaux postes d’emplois…tout en améliorant l’économie bleue», a-t-elle encore souligné.
L’urgence d’agir
Les problèmes liés au changement climatique et à l’activité humaine font que la situation actuelle est de plus en plus alarmante dans notre pays. On a presque 44% des zones et des côtes qui sont classées ‘’vulnérables’’, à ‘’fortement vulnérables’’. Donc, le travail sur cet aspect est d’une grande importance et d’une urgence extrême pour notre pays afin d’assurer une bonne gestion et un bon aménagement du littoral, limiter l’effet de l’érosion et de la submersion, notamment des zones humides, développer certaines aires marines et côtières, assurer une gestion et un aménagement beaucoup plus équilibré, plus global et intégré au niveau de notre pays…
En ce qui concerne les problèmes liés à la gestion des espaces maritimes, notamment en matière de surpêche, Mme Laâbidi a affirmé qu’il faut que ce soit dans le cadre de partenariat et de coordination au niveau régional, tout en prenant en considération les spécificités de chaque région au niveau socioéconomique, mais aussi au niveau de son aspect par rapport à l’histoire de la pêche. Quant aux problèmes de pollution, elle a souligné l’importance de la coopération avec la société civile à travers des campagnes de nettoyage pour réduire la pollution et la propagation des matières plastiques.