Sur les 20.000 Ivoiriens qui se trouvent, aujourd’hui, en Tunisie, pas moins de 15.000 sont en situation irrégulière et sous la menace d’une éventuelle expulsion.
La situation des Ivoiriens en Tunisie ressemble à celles de beaucoup de migrants subsahariens se retrouvant du jour au lendemain sans travail, surtout après cette crise sanitaire liée au coronavirus, durant laquelle la plupart d’entre eux, quelle que soit leur situation, ont perdu leur unique source de revenus pendant le confinement et n’ayant aucun endroit, aujourd’hui, où loger après leur éviction pour non-paiement du loyer pour se retrouver enfin dans la rue. Ce constat, qui semble négatif dans son ensemble et difficile à contester, émane d’Ange Seri Soka, président de l’Union des Ivoiriens en Tunisie.
La Tunisie, une simple ‘’escale’’
Le jeune Ivoirien résidant en Tunisie ajoute que la plupart des migrants subsahariens sont en situation irrégulière et pour une grande partie d’entre eux, la Tunisie n’est pas une finalité, mais constitue une “escale” et/ou une “étape” vers l’Europe, voire l’Amérique à cause de l’insécurité, l’exploitation professionnelle, les menaces d’expulsion… et à cause d’un système tunisien qui mène la vie dure aux travailleurs subsahariens d’une manière générale.
« Les Ivoiriens qui sont en Tunisie sont au nombre de 20.000 environ. Seuls 5.000, qui sont déjà des étudiants, ont parvenu à régulariser leur situation pour poursuivre leurs études en Tunisie, alors que pour le reste — environ 15.000 —, ils sont toujours sous les menaces d’expulsion puisqu’ils n’ont pas un statut officiel. Cette catégorie, qui représente le ¾ des Ivoiriens qui sont déjà installés en Tunisie, se trouve toujours bloquée, puisque selon la loi en vigueur, les étrangers en situation irrégulière doivent s’acquitter de «pénalités de dépassement de séjour», sorte de sanctions financières contre les sans-papiers (80dt d’amende pour chaque mois passé en Tunisie)… Plus un migrant reste en Tunisie, plus les pénalités s’accumulent… Et après avoir perdu leurs sources de revenus suite à cette crise sanitaire, ils ne peuvent pas sortir du pays puisqu’ils n’arrivent plus à payer leurs pénalités », souligne-t-il.
Le président de l’Union des Ivoiriens en Tunisie affirme, également, que les Ivoiriens sont prêts à payer un montant — qui devrait être fixé par les autorités concernées — pour la régularisation de leur situation si l’Etat tunisien accepte ce pas qui peut donner un plus pour l’économie tunisienne. « Au lieu que ce migrant reste ici sans toutefois avoir un statut légal, sa présence doit être un gain pour l’Etat qui doit mettre en place des mesures concrètes », indique-t-il.
La Méditerranée tue plus que le coronavirus
Ange Seri Soka indique que plusieurs migrants subsahariens sont agressés et souvent victimes de racisme. A cela on ajoute qu’une partie d’entre eux travaille sans être payée. Mais ces migrants ne peuvent rien faire face à une telle situation et face à ce comportement d’abus et de violence, puisqu’il n’y a pas un vis-à-vis qui peut les aider. «Il faut le dire, aujourd’hui, la Méditerranée tue plus que le cronavirus… Nos Etats, nos gouvernements et nos autorités mettent l’accent plus sur l’épidémie que la traversée de la Méditerranée à l’heure où au moins 50 personnes y meurent chaque mois», regrette-t-il.
En ce qui concerne l’initiative lancée l’année dernière par l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt), qui veille à ce que les droits économiques et sociaux de tous les travailleurs migrants soient protégés et sécurisés avec la syndicalisation des travailleurs migrants en Tunisie, Ange Seri Soka indique que cette initiative n’a pas porté ses fruits puisqu’elle n’a pas été généralisée et que certaines ONG nationales et internationales sont en train de profiter de la situation des travailleurs subsahariens pour se faire de l’argent et servir leur intérêt personnel.
50 Subsahariens chaque jour
« Malheureusement, c’est un parcours du combattant pour un travailleur migrant d’avoir un contrat en bonne et due forme en Tunisie à l’heure où il faut s’adapter et accepter cette nouvelle réalité ; la Tunisie connaît, aujourd’hui, une inversion de son bilan migratoire et se transforme d’un pays exportateur de main-d’œuvre à un autre importateur de plus en plus en grand nombre. Au moins, 50 Subsahariens entrent sur le territoire tunisien chaque jour et donc la communauté devient de plus en plus nombreuse et de cette manière, elle contribue au développement de l’économie tunisienne… A cet égard, il faut revoir le code du travail pour qu’il puisse permettre aux étrangers de travailler en Tunisie, outre la révision de la loi sur les droits de séjour des étrangers pour que les travailleurs migrants puissent séjourner normalement, dans la dignité », a-t-il encore souligné.
Mais malgré ce tableau qui semble hurler, Ange Seri Soka n’a pas manqué de remercier les Tunisiens et les autorités tunisiennes pour leurs soutiens pendant la période de confinement. « Malgré une situation difficile, il faut voir le verre à moitié plein. Durant cette période difficile, plusieurs personnes ont lancé et relayé des appels à l’aide, notamment pour avoir de la nourriture. Face à cette situation humanitaire, beaucoup de citoyens et d’associations tunisiennes se sont mobilisés pour venir au secours des plus précaires », affirme-t-il.