Pour la deuxième année consécutive, le mois saint de Ramadan doit survivre à la sauce du Covid-19 et des sacrifices doivent être faits pour respecter les mesures sanitaires en vigueur.
A l’instar de plusieurs autres pays musulmans, la Tunisie a imposé des restrictions durant le mois de Ramadan pour lutter contre le coronavirus qui ne cesse de se propager dans le pays et qui a déjà fait près de 10.000 morts en une seule année. A cet égard, afin de limiter les rassemblements, il a été décidé d’interdire les festivals dans les rues, les retrouvailles dans les cafés, les grands dîners d’iftar avec les proches… outre la suspension des cours et l’interdiction des déplacements. Des mesures qui ont, bel et bien, bouleversé les programmes culturels qui rythment traditionnellement ce mois du jeûne. En revanche, les mosquées pourront accueillir les fidèles, à 30% de leur capacité, tout en respectant les mesures mises en place depuis le déclenchement de la pandémie ainsi que le protocole sanitaire qui devrait être appliqué à la lettre.
Un Ramadan au goût particulier
Nadia, une mère de deux enfants, nous indique que depuis la nuit des temps, le mois de Ramadan a toujours revêtu une particularité qui plonge les Tunisiennes et les Tunisiens dans une ambiance de convivialité et de festivités nocturnes. Mais ce couvre-feu et ces dernières mesures —notamment l’interdiction de la circulation de tous types de véhicules à partir de 19h00, qui reste pour elle une mesure incompréhensible— viennent de nouveau gâcher la joie de tout un peuple qui attend la rupture du jeûne pour compenser la privation diurne…
«Encore une fois, la pandémie a donné un goût amer au Ramadan et rien n’est comme d’habitude… A cause de cette mesure, je ne peux pas visiter ma famille et nous sommes privés de grands dîners d’iftar avec nos proches… Je me sens un peu prise au piège alors que ce mois saint était, pour toujours, un moment de joie et de partage très préparé, ce qui est très difficile pour nous de l’accepter autrement… D’ailleurs, je ne comprends pas l’utilité de cette mesure et je ne sais pas trop ce que ça change, car dans mon quartier, les gens —notamment les jeunes— ne rentrent pas chez eux. Au contraire, c’est à l’heure du couvre-feu qu’ils sortent…», regrette-t-elle.
Boulot, iftar, télé !
Pour sa part, Ali, père d’une famille composée de cinq membres, nous indique qu’auparavant, durant le mois de Ramadan et après la rupture du jeûne, les rues restent animées jusqu’à l’aube avec l’augmentation des activités culturelles d’une année à une autre, l’ouverture des cafés et des restaurants, la sortie des gens (hommes comme femmes et jeunes) à la plage ou pour faire un tour dans le Centre-Ville… Mais pour cette année, tout est annulé et le mois sacré sera vécu différemment, mais on l’a fait d’une manière ou d’une autre !
«Face à une telle situation, les choix ne sont pas assez larges pour tous les Tunisiens : le jour au boulot et la nuit c’est iftar, télé et Internet ! Mais cette routine nous fait tant de mal et menace chaque jour de s’installer davantage. Chez nous, par exemple, j’ai l’impression que la famille se rassemble, bizarrement, de moins en moins et les préparatifs se font de plus en plus rares. Ce qui fait que d’un jour à l’autre, ce mois sacré n’a plus ces mêmes senteurs caressant la mémoire, puisque nos traditions liées au mois saint et à la rupture quotidienne du jeûne sont largement restreintes», regrette encore le quinquagénaire.