Beaucoup en ont rêvé, Essia Chouikha l’a fait. Cette jeune fille nous vient du monde des médias internationaux. Après des études en communication à Paris, elle travaille pour JC Decaux, numéro 1 mondial de la communication extérieure, puis pour le groupe Lagardère, dans la gestion des magazines Paris Match et Elle, et enfin pour le troisième groupe mondial dans le monde de la communication, Media Brands. Armée d’un tel palmarès, elle rentre à Tunis, et tout naturellement se destine à ce qu’elle sait le mieux faire, le monde des médias. Encore fallait- il trouver le bon créneau en pleine connaissance du terrain. Elle fait ce qu’un de ses professeurs lui avait toujours conseillé : écumer les kiosques à journaux.
«C’est un exercice révélateur. Même si la presse écrite est en régression, l’achalandage des kiosques permet de connaître la société, le degré intellectuel d’un pays, les opportunités d’un marché. Je me suis alors très vite rendu compte qu’il manquait, à Tunis, une famille presse : celle de la presse généraliste masculine».
Neuf mois durant, elle approfondit sa recherche, visitant les agences médias, rencontrant les responsables des journaux, interrogeant des sociologues, pour arriver à un constat : le comportement de l’homme tunisien est en train de changer. Jusque-là, on considérait que c’était le rôle de la femme d’habiller son mari, et que tout ce qui relevait du domaine de la beauté et des cosmétiques était exclusivement féminin. Or, de plus en plus, on voit émerger des créateurs de mode masculine, des marques de cosmétiques qui leur sont consacrées. Le temps était propice à la création d’un magazine, on line en un premier temps, qui leur soit consacré.
«Le nom «Hoa» était donc une évidence. Il développe des thèmes centrés sur la mode, les cosmétiques, l’automobile, le high-tech. Mais également des sujets de société qui concernent les hommes. C’est ainsi que nous avons été confrontés à des expressions de la frustration masculine en ce qui concerne la prédominance de la place de la femme. Pourquoi un concours de startup féminines et non général ? Pourquoi des campagnes de lutte contre le cancer du sein et oublier celui, tout aussi meurtrier, de la prostate ? Pourquoi ne parler que de la mère célibataire, et occulter le fait que le rôle de père célibataire est aussi difficile ? Plus trivialement, pourquoi s’attend-on à ce que ce soit l’homme qui paie au restaurant ?
On nous dira que la femme ayant longtemps été opprimée, il était temps de lui rendre une juste place. Mais la génération actuelle n’a pas vécu cette oppression. Elle vit et évolue dans un monde où l’égalité est une chose normale. Et moi, je crois qu’une société ne peut évoluer qu’en étant égalitaire», affirme Essia Chouikha,
Tout cela, tous ces problèmes spécifiquement masculins sont traités dans un ton frais, léger, décalé quelquefois. Hoa souhaite toucher une large frange de Tunisiens. Il souhaite, également, aider à la promotion de jeunes créateurs, et peu à peu, faire de ses choix, un label de qualité, une caution de sérieux.
Mais comment cet Ovni a-t-il été perçu par le public ?
«J’avoue que je craignais la réaction des femmes. Elle a été formidablement positive. Quant aux hommes, ils disent «enfin». Enfin un journal qui s’intéresse à eux, les valorise, évoque leurs problèmes spécifiques. Il y a une interaction, et au bout d’un mois et demi à peine, les visites commencent à être intéressantes. Il reste un travail de sensibilisation à faire au niveau des annonceurs, les convaincre de l’intérêt du positionnement, de l’image. Cela, la qualité du journal le fera».
Et Esma Chouikha promet de ne pas s’arrêter en si bon chemin. Hoa est arrivé à un bon moment de l’évolution masculine en Tunisie. Il se développera également à travers un magazine papier trimestriel, qui aura, chaque fois, un focus particulier. Et ce, dès la rentrée prochaine.
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