Avec la liberté de l’information, on croyait que les faiseurs de rumeurs et les concepteurs de l’intox et de la désinformation n’avaient plus de place au sein du paysage politique national post-révolution. Malheureusement, ils sont revenus en force, ce qui nécessite une prise de conscience générale et la contribution de tous à la lutte contre ce phénomène
On pensait qu’avec l’avènement de la révolution, la libération de la parole et la consécration de la liberté de la presse dans la mesure où il n’y a plus de sujets tabous, la rumeur a vécu dans le sens que personne, plus particulièrement ceux empêchés auparavant de s’exprimer, n’a plus besoin de recourir à la propagation «d’informations fausses ou créées de toutes pièces» pour faire entendre sa voix.
Et avec toutes ces langues qui se sont déliées et la prolifération des médias et des réseaux sociaux qui donnent la parole à tout le monde à longueur de journée et de nuit aussi, on avait l’impression que la Tunisie vivait, au cours des premières années de la révolution, un printemps médiatique sans précédent marqué notamment par une information multiple et plurielle mise à la disposition du public et une diversité sans précédent qui livrait cette production aux médias, notamment les sites électroniques, ouverts à la consommation, le plus souvent sans modération, des produits qui leur étaient offerts.
Malheureusement, les voix minoritaires — faut-il avoir le courage de le reconnaître — qui s’élevaient à cette époque pour appeler à la modération et pour inviter les Tunisiens à se prémunir contre les fausses informations publiées à souhait dans le but de les induire en erreur ou de servir les intérêts ou agendas d’une partie politique quelconque n’ont pas trouvé d’oreille attentive.
Et le phénomène de s’accentuer dangereusement au point qu’aujourd’hui, il faut être un spécialiste avéré pour séparer le bon grain de l’ivraie, c’est-à-dire pour découvrir qu’il s’agit en réalité d’une rumeur qu’on cherche à faire passer pour une information officielle.
Qui incriminer quand on découvre que la rumeur-fausse information sur la grève des stations-services a suscité, dimanche, une frénésie «historique» des automobilistes voulant faire le plein à tout prix et refusant d’écouter ou d’accorder le moindre crédit aux informations officielles répercutées par les autorités publiques assurant qu’il n’y avait pas grève et qu’il n’y avait aucun préavis de grève lancé par les parties syndicales ?
Plusieurs observateurs penchent pour la théorie de la manipulation de l’opinion publique par ce genre de rumeurs dans l’objectif de répandre le flou et le chaos et de cultiver parmi la population le sentiment de l’incapacité du pouvoir en place, c’est-à-dire le gouvernement actuel, à gérer les affaires du pays.
Sauf que ces observateurs ne précisent pas pour qui roulent les faiseurs de rumeurs et se contentent d’assurer ou de faire allusion à ce qu’ils appellent «certaines parties dont les intérêts consistent à mettre le gouvernement sous pression constante dans le but de l’amener à obéir aux désirs et caprices de ces mêmes parties qui font répercuter ces mêmes rumeurs quand bon leur semble».
L’affaire de la fausse grève des stations-services et la grande panique constatée chez les automobilistes ont apporté la preuve qu’il reste beaucoup à faire pour lutter contre les rumeurs, pour éduquer les Tunisiens sur les meilleurs moyens de découvrir par eux-mêmes les informations crédibles parmi le flot de données qu’ils reçoivent quotidiennement, y compris sur leurs portables, et enfin pour dévoiler l’identité des réseaux qui ont fait de l’induction des Tunisiens en erreur leur fonction principale, fonction ou mission qu’ils exercent généralement sous de faux profils en faisant fi des règles élémentaires de la déontologie de la profession journalistique.
Faut-il rappeler à ceux qui veulent l’ignorer que la mise au point d’un code de conduite politique qui bannit la violence, la haine et l’extrémisme auquel appelle le chef du gouvernement est indissociable également de l’élaboration d’une charte médiatique qui obligera les professionnels à éradiquer les rumeurs et à lutter vigoureusement contre les fake news qui sont devenues le principal obstacle à la promotion d’une information fiable, crédible et transparente.