A la faveur du procès-mascarade intenté contre le leader Habib Bourguiba, plusieurs langues au sein de l’IVD se sont déliées pour dévoiler à l’opinion publique les dépassements commis par Sihem Ben Sédrine, dérives qui pourraient, selon certaines sources, faire d’elle l’objet de poursuites judiciaires pour corruption et malversation
Quand les langues des membres de l’Instance vérité et dignité (qu’ils soient déjà démissionnés par la présidente de l’Instance ou qu’ils aient résisté à toutes ses tentatives de les écarter jusqu’à la fin de la mission qu’ils avaient à assumer) se délient, que ces mêmes membres disent tout haut et tout fort tout ce qu’ils avaient sur le cœur à propos des dépassements et des dérives commis par la présidente et que les membres de l’Instance ayant soutenu Ben Sedrine rejoignent ceux qui ont dévoilé ses erreurs depuis les premiers mois de son action à la tête de l’IVD pour jeter le doute sur le contenu du rapport final de l’Instance et sur les décisions relatives à l’indemnisation matérielle des victimes (plus particulièrement quant à l’évaluation des montants qu’ils vont encaisser), les Tunisiens ont le droit de se poser la grande interrogation suivante : à quoi a servi finalement l’Instance vérité et dignité qui a valu à la Tunisie quelques centaines de millions de dinars sans parvenir, malheureusement, à l’objectif initial à lui assigné par ses concepteurs, à savoir consacrer la réconciliation nationale entre les Tunisiens et rendre justice aux victimes de la répression et de la dictature?
Et les Tunisiens qui suivent l’action de l’IVD depuis son irruption sur la scène politique nationale de se demander : la justice transitionnelle avait-elle besoin, pour être concrétisée, du procès intenté au leader feu Habib Bourguiba, accusé par l’Instance de l’assassinat en août 1961 de son compagnon de combat contre la colonisation française, le leader feu Salah Ben Youssef ?
Et pour réconcilier les Tunisiens avec leur histoire comme le prétendent la présidente de l’IVD et ceux qui soutiennent, injustement d’ailleurs, le transfert des morts devant les tribunaux même s’ils sont déclarés spécialisés, l’on se demande ce qu’on a récolté de cette décision le moins qu’on puisse dire malheureuse et déplacée. La réponse fuse d’elle-même : une large vague d’indignation et un mouvement populaire qui dénonce, avec force et vigueur, la volonté infâme de salir l’image du président Bourguiba et de porter atteinte à la mémoire collective nationale.
Les archives en danger
Et à la faveur des positions exprimées par une large majorité des partis politiques et des personnalités nationales dénonçant «le procès-mascarade intenté contre le père de la nation» et appelant les magistratures à refuser de s’impliquer dans «ces simulacres de procès qui ne peuvent que jeter l’anathème sur l’indépendance de la justice», l’analyse des dernières déclarations des deux membres du conseil de direction de l’Instance, Ibtihel Abdellatif (qui a démissionné à la clôture de la mission de l’Instance) et Mustapha Baâzaoui (membre révoqué par Sihem Ben Sedrine et empêché de reprendre son poste en dépit d’un jugement prononcé en sa faveur par le Tribunal administratif). Ibtihel Abdellatif, vice-présidente de la commission d’arbitrage, révèle, en effet, que Khaled Krichi, président de la même commission et avocat de son état, «est en situation de conflit d’intérêts en examinant les dossiers de certains de ses clients lors des réunions de la même commission».
Mme Abdellatif révèle également que des directives ont été soufflées aux employés de l’Instance leur ordonnant de ne pas fournir aux membres de la Cour des comptes les documents qu’ils exigeaient.
Quant à Mustapha Baâzaoui, il a exprimé, hier, dans une déclaration aux médias, sa crainte de voir la présidente de l’Instance «cacher plusieurs archives pour son propre compte et s’empêcher de les fournir aux Archives nationales comme elle l’a elle-même annoncé au début du mois de mai».
Et avec la multiplication des déclarations et le courage manifesté par Ali Ghrab, Slaheddine Rached et Ibtihel Abdellatif, membres du conseil de l’Instance qui accusent ouvertement Sihem Ben Sedrine d’avoir changé les critères relatifs à l’évaluation des indemnisations, s’est posée l’éventualité de poursuivre la présidente de l’Instance devant la justice pour «malversation financière» révélée par la Cour des comptes dans son dernier rapport.
On apprend, en effet, que les trois membres sus-cités ont adressé le lundi 20 mai à Sihem Ben Sedrine, en sa qualité de liquidatrice de l’IVD, un procès-verbal de notification dans lequel ils lui demandent de «respecter les décisions du conseil de direction de l’Instance prises avant le 31 mars 2018 concernant l’indemnisation des victimes».
Ils exigent d’elle qu’elle applique le contenu de la décision cadre issue de la réunion du Conseil de direction de l’Instance en s’empêchant de léser ou de favoriser quiconque parmi les victimes lors de l’application des décisions d’indemnisation.
Les auteurs de la notification font assumer également à la présidente de l’Instance «la responsabilité de transférer les archives de l’IVD dans leur intégralité à l’institution des Archives nationales».
Quant à l’éventualité de poursuivre Sihem Ben Sedrine devant la justice, il est à préciser que la décision n’est pas encore prise. Il est, toutefois, à remarquer que de réelles présomptions de corruption et de malversation pèsent lourdement sur elle, ce qui pourrait pousser à la poursuivre juridiquement, surtout qu’elle ne bénéficie plus de l’immunité judiciaire que lui accordait son poste de président de l’IVD.
On lui reproche, en effet, le contrat de location du siège de l’IVD à raison de 300 mille dinars par an, la conclusion de contrats-services conclus avec 101 avocats sans suivre les procédures en vigueur.